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VIN

Une médaille pour mieux vendre son vin

Olivier Bazalge - La vigne - n°215 - décembre 2009 - page 50

Gage de qualité délivré par des dégustateurs avertis, une médaille produit son effet auprès du consommateur. Obtenir une distinction, oui, mais à condition de bien choisir son concours et d'avoir un débouché commercial correspondant.
LES FEMINALISE. Le jury de ce concours a la particularité de n'être composé que de femmes.

LES FEMINALISE. Le jury de ce concours a la particularité de n'être composé que de femmes.

Récompense du vigneron ou nécessité commerciale ? « Avant tout, la médaille rassure le consommateur, précise Bernard Pueyo, directeur de la cave d'Embres-et-Castelmaure, dans l'Aude. Ensuite, c'est une démarche de valorisation du produit et de communication pour la cave. »

Du Concours des vins du Gard au Mondial de Bruxelles, les concours sont de toutes tailles. Ils concernent tous les types de vins. Rien qu'en France, une centaine de manifestations livrent leur verdict chaque année, sans compter les sélections pour les guides. Mieux vaut donc bien orienter son choix.

Il faut tout d'abord tenir compte du coût d'inscription : de 42 euros par échantillon pour les Grands vins de France de Mâcon à 160 euros par échantillon pour les Vinalies internationales. La palme revient aux Chardonnay du monde, 180 euros par vin présenté. Sans oublier les frais d'expédition des échantillons qui, à l'exception du Concours général agricole, sont à la charge du postulant. Pour éviter tout dérapage, la plupart des caves et des domaines rôdés à la pratique des concours prévoient un budget pour cela.

Adéquation avec le marché visé

En deuxième lieu, c'est la notoriété d'un concours qui doit dicter votre choix, puis sa spécificité ou son adéquation avec vos marchés. Une récompense à l'International Wine Challenge ouvre plus de perspectives sur le marché anglais qu'un concours départemental ou régional. En France, Mâcon et le Concours général agricole étant les plus connus, beaucoup y soumettent leurs vins en priorité et de manière récurrente, tous les ans.

Mais il existe bien d'autres épreuves. Certains concours font référence pour les vins de leur région (Orange, Colmar…). D'autres s'intéressent aux vins d'un seul cépage, aux vins bios… Parfois, les dégustateurs sont exclusivement des œnologues. D'autres fois, ce ne sont que des femmes. Cette variété de concours permet surtout de multiplier les chances d'obtenir une distinction.

« Les médailles sont primordiales pour les vins envoyés en grande distribution, rappelle Bernard Pueyo. Elles permettent de mettre en avant le produit dans des opérations de promotion. Le circuit traditionnel apprécie davantage que l'on soit présent dans les guides. Aussi, nous avons choisi de ne pas afficher nos médailles sur les bouteilles que nous vendons sur ce circuit. Car la médaille a aussi un effet pervers. Elle peut dévaloriser les autres cuvées, non primées, de la cave. Ensuite, si elle n'est pas renouvelée chaque année, le consommateur peut croire que le vin n'est plus aussi bon ! »

Christophe Pasta, courtier en vins de la vallée du Rhône, confirme l'intérêt de la grande distribution pour les vins médaillés. « La GD n'est pas aussi fidèle que le CHR. Elle sera plus facilement tentée d'acheter une cuvée simplement parce qu'elle est médaillée. Une distinction permet de sortir du lot sur les millésimes moins cotés, comme en 2008 en vallée du Rhône. Le producteur va pouvoir monnayer à la hausse son produit. Une médaille d'or, c'est 15 à 20 % de plus sur le prix de vente en vrac. Et pour l'acheteur, c'est une protection vis-à-vis de la hiérarchie, car c'est la garantie d'une qualité reconnue. »

Lui aussi met en garde contre la limite du système. « Que ce soit une médaille ou une parution en guide, c'est la cuvée récompensée qui sera bien vendue, il n'y a pas d'effet sur le reste de la gamme. Mieux vaut donc que le volume soit au rendez-vous. Pour qu'un négociant s'intéresse à un lot en vrac primé à un concours, il faut qu'il représente au moins 20 000 à 30 000 bouteilles, car avec la GD, il faut pouvoir alimenter un minimum de magasins. »

Difficile d'être précis sur les critères de choix

Exit donc « les bêtes de concours », ces petits volumes conçus pour décrocher des récompenses mais qui n'assurent pas les ventes ensuite. A l'inverse, « il ne faut pas présenter des vins quelconques, rappelle Thierry Gasco, président du jury pour les Vinalies nationales et internationales. Ils doivent être à leur optimum qualitatif. Je conseille de consulter son œnologue, il aide à décider quel vin envoyer à un concours. »

Difficile d'être très précis sur les critères de choix d'une cuvée. Les dégustateurs eux-mêmes hésitent à mettre en avant un critère gustatif particulier sur lequel ils s'appuieraient pour distinguer un vin. Ils privilégient l'impression d'ensemble et l'harmonie générale du produit. « Bien sûr, les vins qui ressortent sont riches et longs en bouche, explique une sommelière, habituée du concours des Feminalise, mais c'est avant tout la notion de vin plaisir qui est privilégiée. A notre concours, le résultat est peut-être moins technique qu'avec un jury masculin, mais plus émotionnel. » Thierry Gasco aime à rajouter que les jurés n'ont pas d'œillères : « En général, un vin avec un superbe potentiel, mais pas encore tout à fait prêt, sera primé. »

Mais « une partie des vins s'éliminent d'eux-mêmes, précise une dégustatrice du mondial de Bruxelles. Il arrive d'avoir des vins complètement oxydés, réduits ou avec des défauts organoleptiques. » Souvent, la conservation des échantillons est en cause. Entre la date d'envoi d'un vin et le jour de sa dégustation, il n'est pas rare que le délai soit supérieur à deux mois. Il faut donc soigner sa préparation.

Sur le sujet, Bernard Pueyo indique qu'il « n'hésite pas à présenter des vins bruts ». Mais la plupart des caves préparent leurs vins. Un œnologue habitué à cet exercice distille quelques conseils. « Amenez le CO2 à 300 mg/l en rouge et à 800 mg/l en blanc pour conserver assez de fraîcheur. Le SO2 doit être suffisant pour éviter l'oxydation et bien conserver l'échantillon jusqu'à la dégustation : on l'ajuste autour de 25 mg/l de libre. Filtrez ensuite le volume à échantillonner sous azote avec une cartouche de filtration de laboratoire entre 1 et 2 microns, pour qu'il soit limpide et brillant. Remplissez les bouteilles en sortie de filtre, pour protéger le vin de l'oxydation. Puis, un ajout de gomme arabique permet d'éviter un collage et apporte un plus au niveau du volume. Un bouchon synthétique évite les risques de goûts liés aux TCA. »

Ces précautions finales valent la peine d'être prises, car c'est bien le travail du vigneron qu'il faut préserver si l'on espère être médaillé.

Le Point de vue de

Alain Ignace, président de la cave coopérative de Beaumes-de-Venise (Vaucluse)

« Nous préférons valoriser des volumes importants »

Alain Ignace, président de la cave coopérative de Beaumes-de-Venise (Vaucluse)

Alain Ignace, président de la cave coopérative de Beaumes-de-Venise (Vaucluse)

« Nous participons aux concours depuis vingt ans avec un certain succès. Mais nous ne cherchons pas à faire de « cuvées à médailles », car il est facile de produire un petit volume d'un très bon produit qui sera médaillé. Nous préférons valoriser des volumes importants, nous n'envoyons donc que des cuvées de plus de 300 hl. Une médaille rassure le consommateur. Quand on le regarde dans un linéaire, on voit qu'il a peur de se tromper, la médaille peut l'aider à choisir. Cela peut aussi apporter un petit plus au niveau du prix et faire basculer un acheteur hésitant à concrétiser une transaction. Acheteurs et consommateurs sont très attentifs au suivi des médailles sur plusieurs années, c'est un gage de qualité de travail et de bon terroir.

En revanche, mieux vaut avoir des médailles sur différents vins que de collectionner les récompenses sur un seul produit. Nous avons donc un budget dédié à ce poste, et nous envoyons nos vins aux concours dont la notoriété est reconnue. C'est un investissement promotionnel et de communication sur la qualité de la cave et de ses vins.

A mes yeux, réussir à un concours passe par une qualité irréprochable de l'échantillon le jour de la dégustation. Car une cuve magnifique peut se révéler désastreuse en cas de mauvais échantillonnage. Il faut donc envoyer des vins dont on est sûr de la bonne évolution et s'assurer d'une préparation optimale de l'échantillon lorsque le vin n'est pas encore embouteillé. Nous n'envoyons que des vins du millésime ou du millésime précédent. »

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