« En moins de cinq ans, la part des AOC Gaillac commercialisées par le négoce est passée de 25 à 10-12 %, car les professionnels n'ont pas souhaité alimenter les premiers prix, confie Bernard Petiot, directeur de la Maison des vins de Gaillac. A l'inverse, les volumes de vins de pays fournis aux négociants n'ont cessé d'augmenter ces cinq dernières années. »
La zone de Gaillac produit beaucoup de gamays, labellisés en vins de pays de côtes-du-tarn ou en vins de pays du comté Tolosan, dont la qualité est louée par tous les acteurs de la profession. Le prix de ces vins est aussi attractif pour les acheteurs : 55 à 57 €/hl en 2008-2009. Par conséquent, la grande distribution n'a pas tardé à investir le filon. Michel Carrère, directeur du négoce Claude Nicolas, affirme que « 70 à 80 % des sorties de vin de pays gamay ont pour débouché final une MDD (marque de distributeur) ».
« Nous rassurons les gros acheteurs »
Les caves de Labastide-de-Lévis (Tarn) et du groupement de producteurs Vinovalie (Rabastens et Técou, dans le Tarn) sont des partenaires privilégiés de la grande distribution et du négoce extérieur. Elles traitent directement avec eux. Pour Jacques Tranier, le directeur de Vinovalie, la création de cette union de producteurs, il y a trois ans, « a permis d'assembler des volumes conséquents pour assurer le service et la qualité attendus par nos interlocuteurs. C'est une réponse structurelle qui améliore la diffusion du vin et qui permet d'aller chercher le consommateur là où il se trouve. La vente aux gros opérateurs se développe, nous assurons leur sourcing et nous les rassurons en tant que partenaire. »
Deux négociants régionaux
A côté de ces coopératives, deux négociants régionaux assurent l'interface entre les caves particulières et les acheteurs de volumes importants : Claude Nicolas et CCSO. Alain Gayrel a créé CCSO il y a dix ans. « Nous travaillons sans contrat avec les producteurs. Chacun garde sa liberté, c'est le meilleur garant de la stabilité de nos relations, explique-t-il pour décrire son fonctionnement. Pourtant, mon activité perdure et la surface collectée augmente malgré les arrachages et la crise. On me propose plus de raisins que ma capacité d'accueil. »
De son côté, Claude Nicolas tient à s'approvisionner au-delà de la zone de Gaillac. « Nous atteignons le maximum de la capacité des MDD en vins de pays des côtes-du-tarn. Je préfère basculer les côtes-du-tarn dans la dénomination régionale comté Tolosan, qui est le seul VDP à offrir de beaux volumes et de bonnes possibilités d'assemblage. »
Pour proposer une alternative aux metteurs en marché qui cherchent des volumes conséquents, des producteurs indépendants se sont regroupés au sein de la Sica Alliance il y a deux ans. « En mettant en commun nos volumes, nous proposons une offre cohérente aux acheteurs, argumente Fabien Caussé, le président de cette Sica. De plus, nous orientons la production en organisant l'amont, ce que ne fait pas le négoce qui se place plutôt dans une logique de prix. Nous sommes en train de passer de vingt-quatre à trente-quatre producteurs dans la Sica. Cette année, nous avons vendu 18 000 hl, mais nous avons un potentiel de 80 000 hl. La prochaine étape sera de devenir propriétaire de notre outil de stockage. Il nous permet de préparer les vins pour les livrer prêts à la mise. Notre objectif : avoir un fonctionnement peu coûteux pour laisser le maximum de marge au vigneron et surtout lui donner de nouvelles perspectives. »
Sur le plan des relations avec les négociants, Jacques Tranier indique qu'elles « n'ont jamais été aussi bonnes, car leurs pratiques se sont assainies. Il y a des cahiers des charges, des exigences précises sur le moyen et le long terme. La tendance est plus rigoureuse, meilleure pour la qualité du produit et sans spéculation à l'achat. »
Cependant, la région ne constitue pas une zone d'approvisionnement obligatoire pour les grandes surfaces. A Gaillac, beaucoup d'opérateurs estiment que les rayons de ces dernières peuvent se passer d'AOC ou de gamay. Peut-être est-ce la raison pour laquelle les cours du VDP des côtes-du-tarn gamay sont descendus à 45 €/hl (prix moyen sur les dix-sept premières semaines de campagne 2009-2010), malgré la faible récolte 2009 et la diminution des stocks. « Le négoce n'a pas à se presser ici, car il sait qu'il trouvera toujours son volume », estime Bernard Petiot.