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Des vignerons agacés par des contrôles tatillons

Chantal Sarrazin et Frédérique Ehrhard - La vigne - n°217 - février 2010 - page 6

Fin janvier, à quelques jours d'intervalle, des viticulteurs du Var et du Languedoc ont manifesté contre des contrôles. Les premiers les jugent abusifs, les seconds trop lents.
LE 22 JANVIER, des JA se sont invités chez FranceAgriMer, à Montpellier. Certains sont montés pour dérouler une banderole appelant à la démission du directeur général. © JA

LE 22 JANVIER, des JA se sont invités chez FranceAgriMer, à Montpellier. Certains sont montés pour dérouler une banderole appelant à la démission du directeur général. © JA

LE 26 JANVIER, une quarantaine de viticulteurs varois ont manifesté devant les Douanes de Draguignan pour demander l'arrêt du contrôle de leurs surfaces plantées au moyen des photos aériennes disponibles sur le site www.geoportail.fr © PHOTOPQR/NICE MATIN/C. CZERNECKI

LE 26 JANVIER, une quarantaine de viticulteurs varois ont manifesté devant les Douanes de Draguignan pour demander l'arrêt du contrôle de leurs surfaces plantées au moyen des photos aériennes disponibles sur le site www.geoportail.fr © PHOTOPQR/NICE MATIN/C. CZERNECKI

Sus à Géoportail ! Ce site internet permet l'accès de tout un chacun au cadastre, à quantité de cartes et à des photos aériennes. Dans le Var, les Douanes se servent de ces photos pour contrôler l'exactitude des superficies enregistrées au Casier viticole informatisé (CVI). Ce qui agace profondément les viticulteurs.

A l'appel de la FDSEA, des Jeunes agriculteurs et de la Fédération des caves coopératives varoises, une quarantaine d'entre eux ont manifesté devant le bureau des Douanes de Draguignan, le 26 janvier à 9 h 30. « Nous demandons l'arrêt des contrôles à l'aide de Géoportail, lance Roque Pertusa, président de la Fédération des caves coopératives. Les surfaces calculées avec cet outil ne coïncident pas avec celles du CVI. Les vignerons se servent du cadastre qui date de l'ère napoléonienne. Ils n'ont pas à faire les frais du fait qu'il n'est pas mis à jour. »

La viticulture a d'autres griefs. « Géoportail ne fait pas partie des moyens légaux de contrôle, souligne Sylvain Audemard, président des JA. Il manque de fiabilité. Il ne prend pas en compte les dénivelés, l'ombre des arbres… Et nous ne comprenons pas pourquoi il n'est utilisé que dans le Var. »

Amendes et distillation

Il n'empêche. Depuis trois ans, les Douanes se servent, depuis leur bureau, des photos aériennes disponibles sur Géoportail pour vérifier l'exactitude des déclarations des vignerons. L'an dernier, cent neuf rectifications ont eu lieu par ce biais. « Les vignerons ont été convoqués au bureau de Draguignan, expose Sylvain Audemard. On leur a fait valoir qu'ils déclaraient une superficie inexacte. Ils ont dû rectifier leur déclaration. Leur droit à produire a diminué. »

Pire encore : les douanes ont qualifié les anomalies constatées de « plantations illicites ». Les vignerons épinglés ont écopé de 150 à 700 euros d'amende. Quelques -uns se sont vus appliquer des dépassements du plafond limite de classement (DPLC) qu'ils ont dû distiller.

A la direction régionale des douanes, Philippe Baillet défend : « L'OCM nous oblige à fiabiliser le CVI. » Et il ajoute : « Seule une soixantaine de vignerons ont fait l'objet d'amendes symboliques. Les surfaces rétrogradées sont marginales. »

Aux JA, Sylvain Audemard ne l'entend pas de cette oreille. « Nous estimons que le département a perdu 10 à 15 % de droits à produire depuis l'instauration de ces contrôles. » Les organisations professionnelles exigent le rétablissement des surfaces perdues et l'annulation des amendes. Face au mécontentement, « nous avons suspendu les contrôles de façon à tout remettre à plat », annonce Philippe Baillet.

Le sujet devait être abordé le 8 février lors d'une réunion à Paris entre les Douanes et le ministère de l'Agriculture. La fin de Géoportail ? Pas si sûr. Fin janvier, un producteur de Beaumes-de-Venise (Vaucluse) a fait savoir à ses confrères varois qu'il venait à son tour d'être contrôlé.

En Languedoc, c'est le retard pris dans le versement des aides à la restructuration par FranceAgriMer qui échauffe les esprits. Pour répondre aux règles de la nouvelle OCM, l'office a dû multiplier les contrôles de terrain chez les demandeurs. Ses agents viennent d'abord mesurer la surface de la vieille vigne vouée à l'arrachage. Puis, ils contrôlent l'arrachage. Et ils reviennent une dernière fois pour relever la surface de la nouvelle vigne. Dans l'OCM précédente, il n'y avait qu'un contrôle sur le terrain après plantation.

Des primes payées un an après la plantation

Agacés par les retards provoqués par ces changements, une trentaine d'adhérents des JA se sont invités chez FranceAgriMer, à Montpellier, le 22 janvier. Pierre Labruyère, directeur régional de l'office, et Pascal Augier, directeur de la Draf, leur ont expliqué que 60 % des dossiers de 2009 étaient réglés et qu'il faudrait attendre fin mars pour arriver à 90 %.

Ce ne sera pas la première fois que le paiement des primes va s'achever longtemps après la fin de la campagne de plantation. Mais la nouvelle OCM a changé les règles. L'argent de l'enveloppe nationale qui n'est pas versé aux viticulteurs le 15 octobre est perdu. C'est ce qui s'est passé en 2008-2009 où la France a laissé filer 17 millions d'euros sur les 172 millions accordés par l'Europe.

« Nous ne comprenons pas comment c'est possible. Nous sommes en difficulté. L'Union européenne donne de l'argent à la filière. Et la France n'arrive pas à l'utiliser ! » dénonce Fabien Berthezène, des JA.

« Pour la campagne 2009-2010, nous demandons à FranceAgriMer de simplifier les procédures et de verser 80 % d'acompte dès la réalisation du contrôle après plantation. Nous voulons être sûrs que l'enveloppe nationale sera utilisée », réclame Cédric Saur, le président des JA du Languedoc-Roussillon.

L'organisation des déplacements pourrait aussi être rationalisée. « Un agent ne peut pas contrôler une parcelle si elle n'est pas sur sa liste. Un couple de vignerons, tous deux exploitants, a ainsi vu le contrôleur revenir une deuxième fois sur la commune pour la parcelle de l'époux, située à 150 m de celle de sa femme. Pourtant, ils avaient déposé leur dossier le même jour », raconte Cédric Saur.

FranceAgriMer va étudier des simplifications et le versement d'avances qui réduirait les problèmes de trésorerie mais nécessiterait un cautionnement. Se pose ensuite la question des moyens humains. Officiellement, ils sont suffisants. Mais dans la pratique, faire plus de contrôles avec le même personnel a sans doute des limites. En Languedoc-Roussillon, quinze à vingt contractuels sont embauchés chaque année. L'an dernier, ils ont contrôlé 6 300 ha de plantations. Pour 2009-2010, d'après les intentions déposées, ils pourraient avoir 7 500 à 8 000 ha à contrôler.

Le Point de vue de

Christian Baccino, président de la coopérative de Pierrefeu (Var)

« On me trouve 1,32 ha de trop »

Christian Baccino, président de la coopérative de Pierrefeu (Var)

Christian Baccino, président de la coopérative de Pierrefeu (Var)

« J'ai reçu un courrier des douanes en octobre-novembre. La lettre m'informait qu'un contrôle par vue aérienne de mon vignoble avait révélé que la superficie ne correspondait pas à celle déclarée dans le casier viticole informatisé. Mon vignoble compte une trentaine d'hectares classés en AOC Côtes-de-Provence. D'après les Douanes, il y a 1,32 ha de trop. On me demande donc de les retirer de mon CVI. J'ai été surpris. Je n'ai vu personne effectuer de mesures sur place. Habituellement, ce type de contrôle intervient au moment des plantations et des arrachages et il est réalisé à l'aide d'un GPS. La Fédération des caves coopératives varoises a eu connaissance d'autres dossiers similaires. Elle nous a conseillé de ne pas répondre à ce courrier pour le moment. J'ai suivi le mot d'ordre.

Je ne refuse pas les contrôles. Mais il faudrait qu'ils soient effectués sur place et en notre présence. De plus, ils doivent être réalisés avec des moyens légaux, comme le GPS. Les mesures par voie aérienne ne tiennent pas compte du dénivelé. Or, comme beaucoup de mes confrères, je possède des parcelles en terrasses. Pour toutes ces raisons, j'ai manifesté à Draguignan le 26 janvier dernier.

La surface que l'on me demande de retirer de mon exploitation entraîne un manque à gagner. Au-delà, elle remet tout en cause : l'encépagement du vignoble, les droits de succession, les impôts sur le foncier… »

Le Point de vue de

Raymond Llorens, vigneron au Mas-de-Londres (Hérault)

« J'ai dû faire patienter mes fournisseurs »

Raymond Llorens, vigneron au Mas-de-Londres (Hérault)

Raymond Llorens, vigneron au Mas-de-Londres (Hérault)

« En 2009, j'ai planté 3 ha. J'ai pu régler tout de suite une partie des plants et du matériel de palissage. Pour le solde, mes fournisseurs avaient accepté d'attendre l'arrivée des primes prévues pour octobre, puis décembre. Mais je n'ai reçu l'avis de paiement que le 1er février 2010. Mes fournisseurs ont dû patienter. Il était temps que ces 25 000 euros arrivent. Je ne voulais pas d'un prêt à court terme. Avec des taux à 8 %, attention aux frais financiers ! Et j'ai déjà assez d'emprunts. J'ai absolument besoin des primes d'une campagne pour pouvoir réaliser de nouvelles plantations lors de la campagne suivante. Il m'arrive de rencontrer d'autres problèmes.

Chaque fois que je fais une demande de prime, je mesure précisément la surface concernée. Il y a deux ans, le contrôleur, en se servant d'un GPS, a trouvé une différence de 5 ares avec ce que j'avais déclaré. Il a fallu rectifier, ce qui a nécessité plusieurs échanges de courrier et retardé d'autant le paiement de la prime. Je me suis installé sur 10 ha en 2003. Depuis, je suis monté à 25 ha et j'ai replanté 15 ha. Ce printemps, je vais encore renouveler 2,5 ha. La situation est difficile, mais je veux finir de renouveler mon vieux vignoble pour planter des cépages adaptés à la demande et essayer de m'en sortir. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

REPÈRE

Dans le Var

2007

Premiers contrôles effectués par les Douanes de Draguignan à partir du site Géoportail.

2009

Cent neuf exploitations font l'objet de rectifications. Une soixantaine écopent de 150 à 700 euros d'amendes.

26 janvier 2010

Une quarantaine de vignerons manifestent devant les Douanes de Draguignan. Ils demandent l'arrêt des contrôles via Géoportail.

8 février 2010

Réunion interministérielle à Paris. Attente d'une décision.

REPÈRE

En Languedoc-Roussillon

En 2009, FranceAgriMer a reçu plus de trois mille dossiers de demande d'aides à la restructuration portant sur 3 300 ha de plantations réalisées dans un cadre individuel et 3 000 ha dans le cadre d'un plan collectif. Pour l'ensemble de ces plantations, plus de 50 millions d'euros de primes doivent être versés. Fin janvier 2010, 65 % des paiements étaient réglés et l'objectif était d'arriver à 90 % d'ici à fin mars 2010.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :