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VIGNE

Les résistances aux fongicides progressent

Christelle Stef - La vigne - n°217 - février 2010 - page 32

La résistance du mildiou aux CAA a explosé. Celle de l'oïdium aux QoI est apparue. Les viticulteurs doivent se montrer vigilants.

Le 9 décembre 2009, à Tours, lors de la neuvième conférence internationale sur les maladies des plantes organisée par l'AFPP (Association française de protection des plantes), les experts ont fait le point sur la résistance du mildiou, de l'oïdium et du botrytis aux fongicides. Voici ce qu'il faut en retenir.

MILDIOU : Deux familles mal en point

Claude Magnien, du SRAL (Service régional de l'alimentation) de Bourgogne a présenté les résultats des plans de surveillance de la Protection des végétaux (PV) de 2005 à 2009. La principale évolution concerne la résistance aux CAA (Carboxylic acid amides). Rappelons que cette famille comprend comme matières actives le diméthomorphe, l'iprovalicarbe, le benthiavalicarbe, le mandipropamid et le valifénalate.

« De 2005 à 2007, les populations de mildiou sensibles à cette famille de produits sont globalement restées stables. Mais la situation a commencé à se dégrader en 2008. Cela s'est confirmé en 2009, où seules 18 % des populations échantillonnées étaient encore sensibles aux CAA », a-t-il indiqué. Selon lui, la progression de la résistance est à mettre en relation avec la très forte pression de mildiou en 2007, 2008 et même en 2009. « En 2007 et 2008, les produits à base de CAA ont été utilisés en rattrapage sur du mildiou déclaré. Cela a participé à l'augmentation de la résistance », a-t-il expliqué.

Toutefois les situations sont différentes d'un vignoble à l'autre. En Armagnac et en Provence, la résistance est fortement implantée depuis 2005. Dans les vignobles de la façade atlantique (Bordelais, Charentes et Pays de la Loire) et dans les vignobles septentrionaux, la résistance a progressé régulièrement ces trois dernières années. Il n'y a que dans le Beaujolais où la situation est peu dégradée. Dans cette région, la moitié des populations de mildiou est encore sensible aux CAA.

Les QoI sont dépassés

Concernant la résistance aux QoI (famoxadone, azoxystrobine, pyraclostrobine et fénamidone), elle reste généralisée. La fréquence de souches résistantes à ces produits est toujours élevée (supérieure à 80 % dans trois cas sur quatre), alors que les vignerons ont restreint leur utilisation. « Ces produits ne présentent plus d'intérêt dans la lutte contre le mildiou », a déclaré Claude Magnien.

La résistance aux phénylamides (anilides) reste également très implantée. Mais la situation semble s'être améliorée de 1999 à 2008. Et, les sites avec moins de 10 % de souches résistantes ont augmenté. Enfin, pour les benzamides (zoxamide), les suivis n'ont montré aucune dérive de sensibilité.

OÏDIUM : Confirmation de la résistance aux QoI

L'Inra de Bordeaux a analysé génétiquement cinquante échantillons d'oïdium, collectés en 2008 dans différentes régions. « La résistance aux IDM (IBS du groupe 1 : tébuconazole, tétraconazole, cyproconazole, myclobutanil…) est peu présente dans les vignobles, sauf en Armagnac », a expliqué Marie-France Corio-Costet.

En effet, les chercheurs ont mis en évidence la résistance dans seulement sept parcelles. En Aquitaine, en Champagne et en Languedoc-Roussillon, les souches résistantes sont peu fréquentes (moins de 3 %). Elles le sont plus en Bourgogne (6 %) et surtout dans une parcelle du Gers (94 %). C'est également dans cette parcelle que les chercheurs ont découvert la résistance aux QoI (azoxystrobine, krésoxim méthyl, pyraclostrobine, trifloxystrobine). Là encore, elle est bien implantée, puisque l'Inra y a quantifié 31 % de souches résistantes.

Malgré cela, dans l'ensemble, la situation est loin d'être dramatique. Et, il convient de bien respecter les préconisations de la note nationale oïdium (voir notre « Guide phytos 2010 » page 31).

BOTRYTIS : Situation inquiétante pour le fenhexamid

Jacques Grosman, l'expert vigne de la Protection des végétaux a fait le point sur les plans de surveillance de la PV et du CIVC, mis en place avec l'Inra. De 2004 à 2008, la résistance du botrytis aux imides cycliques et aux benzimidazoles est restée élevée, mais elle a diminué régulièrement. Celle aux anilinopyrimidines (mépanipyrim et pyriméthanil) a fluctué d'une année à l'autre, mais s'est maintenue à un niveau bas.

Les souches multirésistantes sont restées à un niveau élevé surtout en Champagne, et dans une moindre mesure en Bourgogne. « Mais pour l'instant il n'y a pas de répercussion sur l'efficacité des produits », tempère Jacques Grosman.

En 2007, le plan de surveillance du CIVC a détecté la résistance aux carboxamides (boscalid). En 2008, il l'a détectée dans huit échantillons. Mais ce qui inquiète le plus les experts, c'est la progression de la résistance aux hydroxyanilides (fenhexamid) en Champagne, Bourgogne, Beaujolais et surtout dans le Val de Loire. En 2008, dans cette dernière région plus de 80 % des parcelles étaient touchées avec une fréquence moyenne de 30 % de souches résistantes. Mais a priori, cela n'a pas affecté l'efficacité des produits. Enfin, les plans de surveillance n'ont pas mis en évidence de résistance aux phénylpyrroles (fludioxonil) et aux pyridinamines (fluazinam).

Gestion de la résistance du ray-grass au glyphosate

Les membres du groupe AFPP-Columa Vigne ont rédigé une note pratique d'utilisation des herbicides sur ray-grass au vignoble. Elle s'adresse aux personnes concernées par la résistance au glyphosate, qu'elle soit avérée ou suspectée. Voici ce qu'elle préconise.

Abandonnez le glyphosate la première année. A la place, appliquez les programmes suivants :

en postlevée, soit un programme à base de Stratos ultra à 2 l/ha, soit un Katana à 0,2 kg/ha associé à un adjuvant, soit un Kerb flo à 1,875 l uniquement en application d'automne,

en prélevée, soit un programme à base de Stratos ultra 2 l/ha puis Pledge à 1,2 kg/ha en application successive, soit un programme à base de Stratos ultra 2 l/ha + Katana à 0,2 kg/ha. Les années suivantes, alternez les matières actives et appliquez les produits uniquement au printemps, de mars à juin. Enfin, la note conseille d'attendre qu'il n'y ait plus de ray-grass dans la parcelle pour refaire des désherbages au glyphosate.

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