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VENDRE - Observatoire des marchés

Le cognac résiste à la crise

Aurélia Autexier - La vigne - n°217 - février 2010 - page 52

Comme tous les produits de luxe, le cognac a été frappé par la crise économique. Les ventes ont chuté mais l'eau-de-vie charentaise est déjà en train de rebondir. Analyse.
L'eau-de-vie charentaise sort la tête de l'eau

L'eau-de-vie charentaise sort la tête de l'eau

Avec une baisse de presque 13 % des expéditions de cognac et un recul quasi-général sur tous les marchés, 2009 marque une nouvelle année difficile pour le vignoble charentais. « Le revirement a été brutal. Nous n'avons rien vu venir », lance Bernard Guionnet, président du Bureau national interprofessionnel du cognac. Et de rappeler qu'en novembre 2007, près d'un an avant le krach boursier, le cumul annuel mobile des ventes avait atteint un record historique…

« La fin de l'année 2008 et l'année 2009 ont été difficiles », reconnaît Patrice Pinet, président de Courvoisier. « En raison de la crise économique, il y a eu des transferts de consommation vers des produits moins chers, comme les brandies. Mais, le plus pénalisant a été le déstockage des intermédiaires. Au final, nos expéditions ont été plus impactées que nos ventes réelles sur le marché final. »

Belles perspectives à venir

Parmi les destinations qui ont le plus souffert en 2009 : la Russie. En un an, elle a divisé par deux ses importations. Jean-Bernard de Larquier, le représentant de la viticulture à l'interprofession, commente : « Là-bas, il y a une crise de confiance du monde bancaire. Comme les établissements financiers ne prêtent plus aux entreprises, celles-ci manquent de trésorerie et ne peuvent plus acheter. » Toutefois, plusieurs opérateurs observent : « Pour autant, les consommateurs continuent d'acheter. C'est la preuve de belles perspectives à venir… »

Comme toujours, le gel des commandes à l'export a entraîné un coup de froid sur le marché amont, entre production et négoce : le marché spot – qui n'est pas contractualisé - a presque totalement disparu. « En janvier 2009, nous avons voulu mettre sur le marché des eaux-de- vie de compte 10. Impossible de les vendre, témoigne ce responsable de cave coopérative. Six mois auparavant, on pouvait en espérer 3 500 €/hl. Là, notre courtier n'a trouvé aucun preneur. Puis, en juin 2009, le marché a légèrement frémi. Depuis, on sent bien que les acheteurs sont moins fermés, mais les prix proposés ne nous conviennent toujours pas. »

Hennessy, première maison de négoce avec un poids d'environ 40 % du marché, estime que les premiers signes du ralentissement se sont fait sentir à l'été 2008. Cela n'a pas empêché cet opérateur d'enregistrer un record de ventes cette année-là. « Les marques fortes sont souvent les dernières à rentrer en crise et les premières à en sortir », relève Bernard Peillon, le président, et d'ajouter : « Aujourd'hui, je suis plutôt optimiste. Dans l'entreprise, nous n'avons jamais autant voyagé qu'en 2009. Il nous fallait comprendre ce qui se passait sur nos principaux marchés. »

La conclusion de ce travail de terrain est rassurante. « Quand vous voyez qu'il y a à nouveau des bouchons dans les rues de Moscou, que l'activité des restaurants repart dans les grandes villes ou que le marché des cadeaux de fin d'année se tient bien… Ce sont autant de signes des prémices d'une reprise », avance le PDG.

Des propos qui s'illustrent dans les dernières statistiques du BNIC. En novembre dernier, les sorties et les expéditions ont progressé par rapport à novembre 2008. Idem en décembre. Le plus dur serait donc passé… Les opérateurs sont unanimes : la crise de 2009 n'a rien à voir avec celle des années 90…

Jean-Bernard de Larquier se souvient : « A l'époque, on pouvait vraiment parler de crise du cognac. L'écroulement du marché japonais - alors essentiel pour notre économie - nous a fait nous poser des questions sur les fondements même de nos stratégies commerciales. Cette crise-là a marqué les esprits. Depuis, nous avons diversifié nos marchés, nos modes de consommation, nos stratégies marketing… Le recul actuel n'a rien à voir. Il s'agit d'une crise économique mondiale. Comme tous les produits de luxe, le cognac a été touché. Mais, les grandes maisons n'ont pas pour autant remis en cause leur politique marketing. Elles sont restées très offensives. »

Les exemples ne manquent pas. Sur les marchés asiatiques, les négociants charentais rivalisent d'inventivité pour séduire la classe des nouveaux riches. Dernier exemple : au troisième trimestre 2009, Rémy Martin a lancé en Chine un cognac très haut de gamme dénommé Louis XIII. « Il a été très bien accueilli », confirme Jean-Pierre Lacarrière. Sur le marché chinois, le groupe demeure sur une croissance à deux chiffres. Le rapport d'activité confirme que « les investissements publicitaires ont été accrus et très ciblés sur l'Asie ». Là-bas, la récente reconnaissance du cognac en tant qu'indication géographique protégée donne beaucoup d'espoir aux professionnels. « Nous devrions mieux lutter contre le fléau de la contrefaçon », avance un opérateur.

44, comme Barack Obama

En 2009, le coup de maître en matière marketing revient à Hennessy. Ce négociant a eu la belle idée de lancer un cognac en l'honneur de l'élection de Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis.

Le nouveau produit porte le numéro 44, comme l'élu américain. Hennessy l'a mis sur le marché le 20 janvier 2009, au moment même de l'investiture présidentielle. « Nous n'avons eu que quelques semaines pour le concevoir, le développer et l'expédier », explique Bernard Peillon. On imagine le travail… mais comme le rappelle le président d'Hennessy : « Etant donné l'importance qu'a pour nous la communauté noire sur notre premier marché que sont les Etats-Unis, nous nous devions d'accompagner l'événement. »

Entre douze et dix-huit mois pour déstocker

« Il faut distinguer deux périodes en 2009 », affirme Bernard Guionnet, président du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). Le premier semestre (39,3 % des expéditions) a connu une correction importante, due notamment au déstockage. Le responsable explique : « De 2001 à 2008, nos expéditions n'ont pas cessé de progresser, comme cela a été le cas aux Etats-Unis. Les importateurs avaient pris l'habitude d'anticiper la croissance de leur marché. Confrontés à la crise, ils ont pris peur et ont voulu réduire la voilure. On estime que leur déstockage aura duré entre douze et dix-huit mois. » Beaucoup plus rassurant : le deuxième semestre 2009 (60,7 % des expéditions). Là, la baisse en volume s'est limitée à 3,3 % avec une dynamique visible lors du dernier trimestre en Extrême-Orient (+ 8,8 % par rapport à 2008) et dans la zone des Etats-Unis, du Canada et du Mexique (+ 18 % par rapport à 2008). Reste à s'assurer que les commandes passées par les intermédiaires seront bien achetées par les consommateurs…

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