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La viticulture rattrapée par la Pac

Frédérique Ehrhard - La vigne - n°220 - mai 2010 - page 14

En 2010, près de 10 000 vignerons ont dû remplir une déclaration Pac et s'engager à respecter les bonnes pratiques agricoles et environnementales. Dans le Midi et en Charente, deux règles posent problème.
ANNE ROUANET, technicienne de la coopérative de Pépieux dans l'Aude, aide Bernard Tourne, l'un de ses adhérents, à remplir un dossier Pac. L'opération consiste pour le viticulteur à désigner ses parcelles afin qu'elles puissent être contrôlées. © P. PARROT

ANNE ROUANET, technicienne de la coopérative de Pépieux dans l'Aude, aide Bernard Tourne, l'un de ses adhérents, à remplir un dossier Pac. L'opération consiste pour le viticulteur à désigner ses parcelles afin qu'elles puissent être contrôlées. © P. PARROT

LE LONG DE CETTE RIVIÈRE, il faudra laisser une bande enherbée et non traitée de 5 m de large pour satisfaire aux règles de la Pac. Denis Carretier, président de la FDSEA de l'Hérault (à gauche) demande une dérogation pour les vignes en place. © P. PARROT

LE LONG DE CETTE RIVIÈRE, il faudra laisser une bande enherbée et non traitée de 5 m de large pour satisfaire aux règles de la Pac. Denis Carretier, président de la FDSEA de l'Hérault (à gauche) demande une dérogation pour les vignes en place. © P. PARROT

Au début du printemps, les vignerons qui ont perçu une prime de restructuration ou d'arrachage l'an dernier ont reçu un courrier les informant qu'ils devaient remplir une déclaration Pac.

Beaucoup ont découvert avec surprise cette nouvelle obligation ! La réglementation est pourtant entrée en vigueur avec la nouvelle OCM. Mais en 2009, elle est passée inaperçue, car peu de vignerons étaient concernés. Cette année, ils sont près de dix mille dans toute la France : 5 484 bénéficiaires de primes à la restructuration, 3 674 pour les primes d'arrachage, auxquels il faut ajouter ceux qui ont demandé une aide à l'assurance récolte.

Les premiers courriers sont arrivés mi-mars. La date limite de dépôt du dossier étant fixée au 17 mai, il a fallu faire vite. Les Directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) et les organismes professionnels se sont mobilisés pour accompagner les viticulteurs dans la constitution de leur dossier.

En Gironde, 550 sont concernés contre 60 l'an dernier. « Nous avons dû relancer 20 % d'entre eux pour qu'ils demandent leur numéro de dossier, signale-t-on à la DDTM. Mais dans l'ensemble, les choses se sont bien passées. »

Un dispositif administratif bien rôdé

Dans l'Hérault, 2 300 viticulteurs ont dû faire une déclaration, contre 800 en 2009. La DDTM a ouvert deux bureaux où elle met à la disposition des vignerons des ordinateurs équipés d'une connexion haut débit. Ils peuvent ainsi faire une télédéclaration en bénéficiant d'une aide sur place.

De leur côté, la chambre d'agriculture et l'Adasea animent des points Pac et se déplacent à la demande dans les coopératives. Ces deux organismes aident les viticulteurs à remplir leur dossier pour 64 euros.

Des caves ont fait le choix de proposer cette prestation gratuitement. C'est le cas de celle de Pépieux, dans l'Aude. « Ces deux derniers mois, j'ai consacré l'essentiel de mon temps à remplir des dossiers Pac avec les adhérents », raconte Anne Rouanet, la technicienne de la coopérative, qui a suivi une formation sur cette réglementation.

Le dispositif administratif, déjà en place pour les autres filières, est plutôt bien rodé. La déclaration en ligne ne prend que deux heures la première année et une heure les suivantes. Sur le plan des formalités, les choses semblent s'être bien passées.

Une bande tampon pour protéger les eaux

En revanche, l'application des règles de conditionnalité risque de poser problème. En contrepartie des aides européennes qu'il perçoit, le bénéficiaire doit s'engager à respecter des règles visant à préserver l'environnement et la santé des consommateurs. Deux nouvelles mesures sont sorties en 2010. Pour protéger les eaux, la première prévoit l'instauration d'une bande tampon végétalisée de 5 m de large le long des cours d'eau définis dans un arrêté préfectoral. Pour les plantations à venir, il suffira de laisser la place nécessaire. Mais que faire lorsque des rangs de vigne sont déjà plantés à moins de 5 m ?

« On ne peut pas régler le problème en reculant son semoir de 5 m comme pour une culture annuelle. L'administration nous propose de garder ces rangs sans les traiter, mis à part contre la flavescence dorée. Ce n'est pas acceptable ! Si un foyer d'oïdium ou de mildiou s'y installait, cela nous obligerait à traiter plus le reste de la parcelle pour éviter que la maladie se propage. Ce n'est pas comme cela que nous allons réduire le nombre de traitements », dénonce Denis Carretier, vigneron et président de la FDSEA de l'Hérault. Ce syndicat et les Jeunes agriculteurs ont demandé une dérogation pour les vignes en place, jusqu'à ce qu'elles soient renouvelées. Ils n'ont pas encore obtenu de réponse.

Particularités topographiques

La deuxième mesure de conditionnalité porte sur la conservation des « particularités topographiques » : haies, murets, lisières de bois, bordures de cours d'eau, fossés ou arbres isolés. Ces particularités doivent être listées et converties en surface équivalente topographique (SET). Le total des SET doit représenter 1 % de la surface en vignes déclarée en 2010, 3 % en 2011 et 5 % en 2012. L'objectif est de constituer un maillage d'espaces naturels pour préserver la biodiversité.

A Pépieux, la coopérative a prêté une roue d'arpentage aux vignerons, qui ont mesuré les particularités topographiques sur leur exploitation. « La plupart arrivent à plus de 15 % de la surface déclarée », relève Anne Rouanet.

Dans d'autres régions, ce n'est pas aussi évident. « Nous avons supprimé beaucoup d'arbres et de haies pour faciliter la mécanisation », relève Vincent Marchand, vigneron en Charente et adhérent de l'UDSEA. Dans ce département, les tournières doivent avoir au moins 6 m de large. « Si elles peuvent être prises en compte dans les particularités topographiques, cela ira. Nous avons posé la question à l'administration, mais pour l'instant nous n'avons pas de réponse. Sinon nous serons obligés de recréer des haies, ce qui entraînera des frais supplémentaires. Dans une période où nous devons tout faire pour rester compétitifs, ce n'est pas évident. Nous avons besoin d'une pause dans les exigences réglementaires », affirme-t-il.

En cas de contrôle, la moindre règle non respectée peut entraîner une pénalité financière. Mais se mettre en conformité peut aussi avoir un coût. « S'il faut arracher tout un rang dans une parcelle en longueur collée à un ruisseau, cela peut vite faire 200 ou 300 souches en moins. Dans la situation économique tendue que nous traversons, c'est difficile à accepter, d'autant que d'autres contraintes comme le contrôle des pulvérisateurs ou le Certi'phyto vont également entraîner des frais supplémentaires », relève Jean-Pascal Pelagatti, président des Jeunes agriculteurs de l'Hérault.

« Nous voulons un délai d'adaptation »

« Les autres filières ont vu arriver progressivement des contraintes que la viticulture doit respecter d'un seul coup en entrant dans le système, souligne Alexandre Boudet, secrétaire général du même syndicat. Sur le territoire de ma coopérative, les vignes de quatre parcelles sont trop près d'un cours d'eau classé. Lors de leur renouvellement, prévu dans les années à venir, elles seront replantées à 5 m du cours d'eau. Nous ne sommes pas opposés aux mesures de préservation de l'environnement, bien au contraire. Nous demandons juste un délai, le temps de nous adapter. »

Conditionnalité, mode d'emploi

Lorsqu'ils remplissent leur déclaration Pac, les bénéficiaires d'une aide européenne s'engagent à respecter des règles de conditionnalité. En clair, ils s'engagent à suivre les bonnes pratiques agricoles et environnementales (BCAE) ainsi que la réglementation destinée à préserver l'environnement et la santé des consommateurs. Par exemple, il faut respecter les espèces protégées, tenir un registre des traitements, posséder un local phytosanitaire aux normes, employer les produits phytos à la bonne dose, en respectant les délais avant récolte, avoir des forages déclarés et équipés d'un compteur… 1 % des exploitations sont contrôlées chaque année. Ces contrôles visent toute l'exploitation et non seulement les cultures ou les ateliers bénéficiant d'une aide européenne. Chaque anomalie peut entraîner une pénalité, qui va de 1 à 3 % du montant des aides perçues et plus en cas de récidive.

Le Point de vue de

Jean-Pascal Pelagatti, vigneron à Béziers et président du syndicat Jeunes agriculteurs de l'Hérault

« J'espère qu'il n'y aura pas de nouvelle contrainte chaque année »

Jean-Pascal Pelagatti, vigneron à Béziers et président du syndicat Jeunes agriculteurs de l'Hérault

Jean-Pascal Pelagatti, vigneron à Béziers et président du syndicat Jeunes agriculteurs de l'Hérault

« Je fais partie de ceux qui ont dû faire une déclaration Pac dès l'année dernière. J'ai opté pour une télédéclaration que j'ai réalisée avec l'aide de l'Adasea. La première fois, j'ai dû repérer chacune de mes parcelles sur les orthophotos (photo aériennes) mises en ligne. Pour 20 ha répartis en une dizaine d'ilôts, il m'a fallu une bonne heure et demi avec le technicien. Après avoir repérer mes parcelles, il a fallu les dessiner avec la souris.

Le logiciel calcule la surface ainsi déterminée et l'affiche. Il n'y a plus qu'à vérifier si elle correspond bien à la surface plantée. En 2010, j'ai réactualisé mon dossier en ajoutant les parcelles que mon père m'a transmises. Une fois cette partie graphique réalisée, il y a plusieurs documents à signer, dont un engagement à respecter les règles de conditionnalité. Le local phyto doit être aux normes, de même que l'aire de remplissage et de lavage. En ce qui concerne les bandes tampons, je n'ai pas eu à m'en préoccuper, car je n'ai pas de vignes en bordure d'un cours d'eau classé. Pour éviter les problèmes en cas de contrôle, je vérifie que chaque point est conforme. Je plante deux hectares chaque année, ce qui représente près de 20 000 euros de primes. Je n'ai pas envie d'être pénalisé. J'espère aussi qu'il n'y aura pas de nouvelles contraintes chaque année ! »

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REPÈRE

Délai supplémentaire

La date limite de dépôt de la déclaration Pac était fixée au 17 mai. Les retardataires peuvent encore remplir leurs obligations durant les vingt jours suivants, mais doivent alors payer une pénalité de 1 % par jour de retard sur la prime touchée.

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