Une famille possède un important domaine viticole. Il y a cinq enfants et le père veut préparer sa succession. Pour ce faire, il constitue un GFA (Groupement foncier agricole) avec son épouse et ses enfants. Ces derniers ne font qu'un apport en numéraire tandis que les parents apportent le domaine. Pour bénéficier de la réduction des droits de succession, le GFA consent un bail à long terme à Jean Ty, viticulteur avisé.
Devenus héritiers, les enfants désirent vendre leurs parts. Un projet est vite élaboré mais l'acquéreur tient à ce que la propriété soit libre. Pour le GFA, cela signifie qu'il faut mettre fin au bail consenti à Jean Ty.
Comment faire puisque ce dernier ne veut pas raccrocher ? Les bailleurs vont alors utiliser un événement survenu lors des vendanges. Voici les faits : à la limite de l'exploitation de Jean Ty s'étend celle de madame Bellamy.
Depuis longtemps, les deux voisins s'entraident. Fin août, madame Bellamy fait un essai de sa foulo-pompe. Mal lui en pris : elle provoque un court-circuit suivi d'un début d'incendie, heureusement rapidement maîtrisé. Mais il est impossible de vinifier. La récolte risque d'être perdue. C'est là que Jean Ty propose à sa belle amie d'utiliser son chai. Comme les cuves de stockage demeurent en bon état chez madame Bellamy, il est convenu que le vin y sera transféré au plus vite.
« La bonne exploitation n'a pas été compromise »
Quelques temps après les faits, le juriste des propriétaires leur suggère d'utiliser cet « événement » pour le qualifier de sous-location et en faire un moyen de résiliation. En clair, ils vont reprocher à Jean Ty d'avoir sous-loué le chai à madame Bellamy.
Dans un premier temps, le tribunal paritaire rejette la demande du GFA. Jean Ty reste dans les lieux. Mais les bailleurs interjettent appel. Les magistrats de la cour d'appel estiment eux aussi que les éléments de la souslocation ne sont pas établis. Ils ajoutent que « la bonne exploitation n'a pas été compromise ». La famille Leriche se pourvoit alors en cassation.
Le défenseur de Jean Ty reste confiant : il met en avant qu'il n'y a pas eu abandon d'une partie de l'exploitation, que la cave prêtée est toujours demeurée entre les mains du preneur et surtout qu'aucune indemnité n'a été versée par madame Bellamy. Des faits qui ne sont pas contestés par le GFA et qui relèvent tout simplement de l'entraide pour l'avocat de Jean Ty.
Malgré ces arguments, la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel considérant la souslocation comme établie. La question posée aux juges suprêmes revient à déterminer si l'auteur d'une prétendue sous-location doit ou non en avoir recueilli un avantage, même non financier. Déjà en 2004, la Cour de cassation avait répondu par la négative à cette question (arrêt du 282004 An Loy 04-2665). Pour qu'une sous-location soit établie, il suffit qu'un fermier permette à un tiers d'utiliser le bien qu'il loue. Cette jurisprudence vient d'être confirmée.
Reste à savoir quand la cour de renvoi va se conformer à l'arrêt de cassation. Pour l'heure, les parties sont en l'état du jugement du tribunal paritaire. Jean Ty reste dans les lieux, jusqu'à nouvel ordre… Et quand la cour de renvoi aura confirmé l'existence d'une sous-location et aura résilié le bail, la famille Leriche risque de se voir réclamer par le fisc l'intégralité des droits de mutation du fait qu'il n'y a plus de bail à long terme et qu'elle n'a pas conservé les parts pendant cinq ans.