Le 3 juin dernier, l'association portugaise du liège (Apcor) a lancé sa grande campagne de communication InterCork. Forte d'un budget de 21 millions d'euros, dont 12,5 millions consacrés au bouchon de liège, elle se déroule dans cinq pays : France, Italie, Royaume-Uni, Allemagne et Etats-Unis. L'Europe finance 80 % de l'opération globale, les professionnels du liège 20 %. Et 2,2 millions d'euros sont réservés à la promotion du liège en France.
« Le marché du bouchon de liège n'est pas en croissance. Il était temps de reprendre la parole », annonce Jean-Marie Aracil, chargé de missions technique et promotion à la Fédération française des syndicats du liège (FFSL), qui est un des porte-paroles de la campagne en France.
Des visuels et des vidéos décalés
Au niveau mondial, la capsule à vis ne cesse de grimper. Le bouchon synthétique semble stagner. Le bouchon en liège perd du terrain. Sa part de marché oscille entre 65 et 70 %, alors qu'elle atteignait 95 % dans les années quatre-vingt-dix. Fabricants de capsule à vis et de bouchons synthétiques ne cessent de pointer les défauts du bouchon « traditionnel » : problèmes de goûts de bouchon, hétérogénéité des lots, perméabilité à l'oxygène imprévisible… C'est donc le moment qu'a choisi la filière pour répliquer aux attaques de ses concurrents, très forts en communication. Elle veut montrer que « l'industrie du liège est une industrie moderne, qui a fait beaucoup de progrès ».
La communication vise à la fois les professionnels du vin et les consommateurs. La campagne se base d'abord sur une forte présence dans la presse professionnelle et grand public. Cela par le biais de plusieurs visuels « un peu décalés », tous dans le même esprit (cf. encadré) suggérant que l'on a tout tenté pour remplacer le liège, sans résultat.
Internet est largement mis à profit, avec de nombreux messages diffusés sur des blogs, des forums, des réseaux sociaux. « Ces messages visent à combattre les idées reçues que les consommateurs, ou même les vignerons, peuvent avoir sur le bouchon de liège, explique Jean-Marie Aracil. Ces derniers apprendront qu'on ne coupe pas des arbres pour fabriquer des bouchons ou qu'on ne nettoie pas ces derniers au chlore. Nous combattrons d'autres fausses idées véhiculées par certains de nos concurrents. »
Deux sites web sont également mis en ligne depuis le 3 juin. Jaimeleliege.com est destiné à sensibiliser le public, notamment à l'aide d'arguments écologiques. Là encore, l'angle est décalé. « On trouve une vidéo de l'écorçage du chêne-liège, mise en parallèle avec une déshabiller, note Jean-Marie Aracil. Pour avancer dans les étapes du déshabillage, l'internaute doit répondre à des questions sur le liège. »
Le site Planeteliege.com est plus institutionnel, même s'il reste ludique. Il contient des études, des nouveautés, des interviews, pour montrer les avantages du liège. « Comme pour l'ensemble de la campagne, nos arguments sont toujours étayés », ajoute Jean-Marie Aracil. La rubrique « Tout sur le bouchon » décrit entre autres les efforts faits pour maîtriser le goût de bouchon : bonnes pratiques, Systecode, techniques d'extraction des TCA, amélioration des contrôles… Sur le site, on voit encore une fois des vidéos décalées, voire « agressives » vis-à-vis des concurrents du bouchage liège.
Entretenir un buzz permanent
Des évènements ponctuels, surtout destinés au grand public, marqueront la campagne jusqu'en septembre 2011. Le premier aura lieu lors de « Bordeaux fête le vin », à la fin du mois. InterCork aura un stand spécial dédié à la découverte du bouchon de liège : sa fabrication, ses qualités. Les organisateurs souhaitent garder le secret sur les autres opérations. Mais ils devraient intervenir lors de salons professionnels ou grand public, dans les grandes surfaces, les restaurants… « Il faut des évènements dynamiques et réguliers, expose Christophe Sauvaud, directeur d'Amorim France et responsable de la communication de la FFSL. Le but est d'entretenir un buzz permanent sur le liège tout au long de ces dix-huit mois de campagne. » Bref, la filière liège a décidé d'employer les grands moyens pour conserver sa place dominante sur le marché du bouchage. En face, ses concurrents ne sont pas tendres. « Je ne comprends pas que l'Europe alloue un budget si colossal à la promotion du liège, » s'étonne Bruno de Saizieu, directeur commercial d'Amcor France, leader de la capsule à vis. Et d'attaquer les performances du bouchon de liège : « L'industrie du vin est la seule à accepter qu'un élément du packaging puisse détériorer la qualité du produit qu'il contient ! » Grâce à cette campagne, le bouchon de liège, parviendra-t-il à prouver à ses détracteurs qu'ils ont tort ?
Les consommateurs sont fidèles au liège
89,3 % des Français préfèrent le bouchon de liège. C'est ce qui ressort d'un sondage Ipsos réalisé en 2009 auprès de 1 000 Français environ. C'est aussi le principal argument des visuels publicitaires de la filière liège. Ce groupe de personnes a été interrogé sur sa perception des différentes solutions de bouchage, dont le bouchon de liège. 96 % des sondés associent le bouchon de liège à un savoir-faire traditionnel, 90% estiment qu'ils préservent les arômes du vin, 83 % le considèrent comme un signe de qualité, etc.
Récemment, une autre étude dénommée «Twisting Tradition » démontrait que 71% des consommateurs américains préféraient eux aussi le bouchon de liège naturel. « Nos visuels se basent sur ce récent état des lieux en France, explique Jean-Marie Aracil, de la FFSL.
La concurrence est rude, mais aucun bouchon alternatif n'est aussi bien perçu que le liège par les buveurs de vin. » Le slogan présent sur tous les visuels publicitaires est là pour nous le rappeler : « Le bouchon liège : toujours imité, jamais égalé. »