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ACTUS - POUR OU CONTRE

Faut-il permettre la certification bio parcelle par parcelle ?

Aude Lutun - La vigne - n°222 - juillet 2010 - page 20

Des viticulteurs aimeraient pouvoir le faire pour limiter les risques.

La législation européenne autorise la certification bio culture par culture, de façon à pouvoir suivre les récoltes. Un agriculteur peut donc produire du blé bio et du maïs non bio.

Un viticulteur, lui, peut segmenter sa production par couleur. Il peut cultiver les cépages blancs en bio et les rouges en conventionnel, ou l'inverse. Pour faciliter la conversion, le groupe des Jeunes viticulteurs de Champagne demande à ce que la certification se fasse à la parcelle.

Mais les bios s'opposent à cette revendication, invoquant le problème de la traçabilité. Comment prouver que tel vin provient bien de la parcelle conduite en bio si toute l'exploitation ne l'est pas ?

« La tentation de compenser l'éventuel manque de production de la parcelle bio ne peut pas être écartée, estime un vigneron. Mais ce risque de transfert illicite existe déjà, entre les parcelles génériques et de cru. »

Les précurseurs du bio regrettent également l'approche purement économique de la certification à la parcelle. Ils estiment que le choix du bio est un engagement personnel important, voire philosophique, qui ne peut se faire à moitié.

Leurs contradicteurs pensent que le bio n'est pas possible dans toutes les parcelles et qu'il est dommage d'avoir un cadre si rigide.

Le Point de vue de

CONTRE

« Non. Pour être crédible, il faut être cohérent »

Jean-Luc Isnard, du domaine Solence, à Mazan (Vaucluse), président du groupe Les BioVentoux

Jean-Luc Isnard, du domaine Solence, à Mazan (Vaucluse), président du groupe Les BioVentoux

« Je suis contre une certification à la parcelle car la coexistence de pratiques bio et non bio sur une même exploitation peut jeter un doute sur l'authenticité des vins bios de cette exploitation et au-delà, sur l'image des vins bios en général. Si vous n'avez qu'une parcelle bio, les clients vont s'interroger sur la cohabitation de deux pratiques culturales très différentes et sur votre éthique. Pour être crédible, il faut être cohérent.

Si des jeunes veulent essayer le bio sur une ou deux parcelles, ils peuvent faire leurs expériences sans revendiquer le bio et entrer dans le processus de la certification de leur exploitation quand ils se sentent prêts. Demander la certification d'une parcelle qui augure d'un intérêt totalement économique doit être relégué au second plan.

Nous avons la chance d'avoir des vignerons qui l'ont fait depuis trente ans ou plus et nous pouvons nous inspirer de leur expérience. Quand nous allons vers des projets très motivants, la notion de prise de risque est effacée par le sentiment de cohérence qui nous anime et qui donne du sens à nos actes. »

Le Point de vue de

POUR

« Oui, car toutes les parcelles ne se prêtent pas au bio »

Cédric Moussé, président du groupe des Jeunes viticulteurs en Champagne

Cédric Moussé, président du groupe des Jeunes viticulteurs en Champagne

« Le groupe des Jeunes viticulteurs souhaite que la certification à la parcelle soit possible pour encourager les vignerons à se lancer dans le bio. La certification à la parcelle nous permettrait de prendre plus de risques.

Nous pourrions, dans un premier temps, certifier 10 % de notre exploitation, puis passer à 20 % et pourquoi pas à l'ensemble des parcelles, à l'image de ce qui se passe pour l'enherbement. Il n'est pas toujours simple de réaliser du bio sur toute son exploitation. Certaines parcelles ne s'y prêtent pas : dans une vigne à 40 % de pente, il est difficile d'envisager zéro désherbant.

Le règlement européen stipule une certification par culture ou par couleur de raisin, de façon à maîtriser la traçabilité entre le lieu de la récolte et le pressoir. Pour contourner la réglementation actuelle, des vignerons créent une nouvelle société qui ne produit que du vin bio, tout en gardant des vignes conventionnelles dans leur première société. Quid de la traçabilité dans ce cas de figure ? Je pense que les bios protègent leur niche en exigeant la certification de l'exploitation, laquelle n'est matériellement pas réalisable par tous. La certification parcelle par parcelle permettrait également d'atteindre plus facilement l'objectif des 20 % de surfaces en bio du Grenelle de l'environnement à l'horizon 2018. On en est loin ! »

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