L'UNITÉ DE THERMOVINIFICATION est imposante. Elle mesure environ quinze mètres de long sur trois mètres de large. Elle a un débit de 8 à 10 tonnes par heure. © PHOTOS C. DE NADAILLAC
VINCENT LACOSTE a fait rajouter des vannes 70 sur ses deux cuves, pour pouvoir y raccorder les tuyaux reliés à l'unité de froid.
Sur la quarantaine d'hectares qu'il exploite au Domaine de Cranne, à Donzac (Gironde), Vincent Lacoste en possède quatre en bas-fond. « Ce sont des cabernet-sauvignon, explique-t-il. J'ai beaucoup de mal à les faire arriver à maturité. La plupart du temps, je les rentre soit pourris, soit pas mûrs. Ils apportent une pointe végétale pas très agréable. » Il a donc cherché avec son œnologue une solution pour vinifier au mieux cette parcelle.
C'est ainsi que l'année dernière, il a décidé d'effectuer un essai de thermovinification sur 250 hl de vendange. « J'ai contacté l'ETA Tessandier en août pour réserver sa venue début octobre, se souvient-il. Normalement, il faut la retenir plus tôt en saison, mais comme 2009 était une très bonne année, il restait de la place. Courant septembre, nous avons affiné avec Bernard Tessandier sa date d'arrivée. »
Le jour J, l'entrepreneur est venu avec son unité. Il l'a installée sur le chemin communal, devant le quai de réception du domaine. Vincent Lacoste a déchargé le contenu de ses bennes dans son égrappoir. Puis, avec sa pompe à vendange, il a envoyé les baies dans l'unité de thermovinification. Bernard Tessandier explique qu'il serait plus simple et plus rapide de disposer d'une machine à vendanger équipée d'un trieur. On pourrait ainsi directement passer la vendange des bennes à l'unité de thermovinification. Mais Vincent Lacoste n'en a pas.
Avoir un bon débit de vendange
L'unité de thermovinification comprend un échangeur tubulaire qui chauffe les baies entre 70 et 72°C, à raison de 8 à 10 tonnes/heure. Il faut donc avoir un bon débit de vendange à la vigne.
En sortie d'échangeur, Vincent Lacoste a envoyé les raisins dans des cuves en acier, via des tuyaux à haute résistance thermique, fournis par l'entrepreneur. Ce dernier amène également une pompe et une trémie chez les exploitants qui n'en sont pas équipés, ainsi qu'un groupe électrogène, car beaucoup de chais n'ont pas d'installation électrique assez puissante pour faire fonctionner son unité. Mais dans tous les cas, l'exploitant doit fournir l'eau pour le lavage de l'échangeur et le fonctionnement de la tour de froid. Il doit aussi veiller à disposer de raccords de même diamètre que les tuyaux résistants à la chaleur, pour pouvoir envoyer le jus dans la tour de froid. Ce n'était pas le cas de Vincent Lacoste qui a dû faire rajouter des vannes sur ses cuves.
Une fois le vin chauffé, l'exploitant peut décider de le refroidir de suite, de réaliser une macération de six heures pour un vin léger, ou de douze heures pour un vin plus charpenté. Pour sa première année, Vincent Lacoste a préféré le refroidir de suite : « J'ai eu un peu peur, car une fois chaude, la vendange sentait le confituré. J'ai donc préféré la refroidir rapidement. Mais cette année, je laisserai sûrement macérer six heures. » Le refroidissement de la vendange est réalisé avec la tour de froid fournie par l'entrepreneur. Au Domaine de Cranne, cette opération a nécessité environ dix heures pour 100 hl. Mais selon le viticulteur, cela a été particulièrement long chez lui, car ses cuves n'étant pas rondes, la température du chapeau était très dure à homogénéiser. Il a noté que l'unité est bruyante.
Vinification en phase liquide
Une fois la vendange redescendue à 25 °C, Vincent Lacoste l'a vinifiée en phase liquide, comme un rosé. Ainsi, il l'a enzymée avec des Lafazymes, puis pressée dans un pneumatique. Ensuite, il a levuré le jus avec des Lumai, sur les conseils de son œnologue.
Ce mode de vinification permet de gagner du temps, puisqu'il n'y a ni pigeages, ni remontages, ni écoulage. Pour Vincent Lacoste, cela compense largement la journée passée à chauffer la vendange, puis celle passée à la refroidir.
Le vin issu de ce process est sombre, sans l'once d'une note herbacée. « Ce lot de vendange qui était presqu'un problème est devenu un atout, même s'il manque un peu de tanins et de structure, note l'exploitant, ravi. C'est parfait en assemblage avec des merlots un peu trop extraits. Cela apporte de la souplesse et les vins sont plus ouverts. » Il en ajoute environ 30 % dans ses rouges entrées de gamme, et environ 10 % dans son haut de gamme.
La thermovinification de la vendange et la location de la tour de froid sont facturées entre 10 et 11 euros l'hecto. « Pour moi, c'est une opération rentable, témoigne Vincent Lacoste, car derrière je valorise le produit final. »
Le Point de vue de
Jean-Louis Escudier, Inra de Pech Rouge (Gruissan, Aude)
« Veillez à avoir la température souhaitée »
« La thermovinification se développe à nouveau depuis dix ans.
Mais cette technique ne sert pas à corriger des vendanges mauvaises. Il faut laisser les raisins attendre plus longtemps à la vigne pour obtenir un raisin de qualité. A partir de là, avec une thermovinification, on obtient un vin souple et fruité, avec de la couleur. La base de la thermo est de chauffer la vendange, de la faire macérer environ vingt minutes, puis de réaliser un bon débourbage avec des enzymes. Ensuite, on presse. Il faut bien maîtriser la vinification des rouges en phase liquide. De même, une bonne connaissance du couple température-temps de chauffe est nécessaire. Le développement de la thermovinification en prestation de service est une bonne chose puisque cela permet à de petites structures d'avoir accès à cette technologie, autrement réservée aux caves coopératives. Mais il faut faire bien attention à la température réelle du raisin, et non à celle de l'eau qui sert à la chauffer. Il faut la vérifier avec un bon thermomètre. Le risque est de vouloir trop accélérer le débit et donc de ne pas avoir la température souhaitée à la sortie de l'échangeur thermique. »