Jean-Marie Gonzalez
« Pas de réception ce jour-là »
« Depuis cinq ans, nous thermovinifions 150 à 450 hl par an selon la qualité des vendanges », relève Jean-Marie Gonzalez, responsable technique des Vignobles François Janoueix, qui regroupent 45 ha en Gironde.
Ce dernier loue le matériel à un prestataire qu'il prévient quinze jours à l'avance, puis il fixe la date exacte au dernier moment. Le jour dit, il ne prévoit pas de réception de vendange car la consommation d'électricité pour le refroidissement réduit la puissance disponible au chai. Il récolte les raisins à thermovinifier la veille et fait un premier apport de 2 g/hl de SO2 à l'encuvage.
S'il veut stopper une attaque de botrytis, il chauffe la vendange entière. S'il s'agit de pallier un manque de maturité, il chauffe les jus et les renvoie par des cannes dans la cuve pour élever progressivement la température de la vendange jusqu'à 75 °C. « La chauffe est plus longue, mais l'extraction plus douce », apprécie-t-il.
Après quelques heures de macération, la température descend entre 62 et 65 °C. Le vigneron refroidit la vendange la nuit, quand il fait frais, en utilisant la tour de refroidissement. « Quand la température atteint 50 °C, j'ajoute encore 4 g/hl de SO2 pour prévenir les attaques de Bretts. Puis, à 35 ou 40 °C, j'enzyme, et à 25 °C, je levure », détaille-t-il. Le pressurage n'intervient qu'après la fermentation alcoolique. « Tout cela prend du temps. Mais j'améliore des vendanges un peu faibles », affirme Jean-Marie Gonzalez. Le profil aromatique des vins thermovinifiés étant reconnaissable, il ne les utilise qu'en assemblage, pour conserver la typicité des vins.
Frédéric Piffard
« Le prestataire nous fixe une date »
« Depuis 2014, nous thermovinifions tous les ans 3,5 ha de syrah, merlot et tannat en IGP Côtes de Gascogne. Cela nous permet de vinifier ces cépages ensemble alors qu'ils ont des maturités décalées et de simplifier l'organisation du travail », explique Frédéric Piffard, du domaine de Papolle, qui a 52 ha à Mauléon-d'Armagnac, dans le Gers.
Avant les vendanges, il prévient l'entreprise Béarnais, en Gironde, qu'il aura besoin d'elle. Celle-ci organise sa tournée dans le Gers et indique le jour de sa venue. « Nous récoltons nos raisins la veille et nous les stockons dans une cuve en Inox proche de l'entrée du chai. Le lendemain matin, il n'y a plus qu'à transférer les raisins dans le conquet du prestataire. »
Après chauffage entre 70 et 75 °C dans l'échangeur thermique, les raisins sont envoyés dans le pressoir sans phase de macération à chaud. Les jus fraîchement pressés sont transférés dans une cuve en Inox, où ils refroidissent durant la nuit jusqu'à 30 °C. Ils sont ensuite filtrés sur terre, ce qui abaisse la température autour des 20 °C, et enfin levurés.
La thermovinification, pour 200 à 250 hl, revient à 6 €/hl. « C'est un coût. Mais nous obtenons un fruité qui plaît à nos clients. Le seul problème, c'est que les vins manquent parfois de stabilité. Il n'est pas question pour autant d'abandonner cette technique, car avec ces vins gourmands, nous développons nos ventes à l'export. En 2018, nous prévoyons de passer à une phase de macération à chaud avant le pressurage pour améliorer la stabilité des vins. Pour cela, il nous faudra investir dans une pompe à marc qui résiste aux fortes chaleurs et dans des tuyaux plus larges. Ce sera coûteux. Mais si nous réussissons à vendre plus de bouteilles, nous devrions améliorer notre marge. »
Éric Hérault
« L'investissement a été partagé »
« En 2009, on s'est équipés à trois pour la thermovinification. C'est utile lorsque des parcelles n'arrivent pas à pleine maturité. En chauffant la vendange, on élimine des arômes de poivron vert », explique Éric Hérault, vigneron sur 25 ha en AOP Chinon, à Panzoult (Indre-et-Loire).
Le matériel comprend une chaudière au fuel et une tour de refroidissement chacune installée sur une remorque, et une pompe qui résiste aux fortes températures, exempte d'élément en caoutchouc. « Comme nous ne sommes que trois à l'utiliser, il me suffit de prévenir mes collègues quelques jours à l'avance pour arrêter la date à laquelle je peux en disposer », note Éric Hérault. Ce jour-là, il réserve une cuve en Inox, dans laquelle il verse la vendange à chauffer après passage sur la table de tri. Les remorques portant le matériel sont garées à l'entrée du chai. « Je pompe les jus de saignée et je les fais chauffer avant de les renvoyer dans la cuve pour réchauffer toute la vendange. » Quand la température atteint 65-70 °C, il laisse la cuve macérer 8 à 12 heures, puis refroidit la vendange dans la tour de refroidissement jusqu'à 28-30 °C. Il levure pour lancer la fermentation, puis laisse les marcs remonter. Enfin, il soutire et les presse pour réaliser une vinification en phase liquide des jus.
Le matériel a coûté 45 000 € dont 13 700 € pris en charge par Éric Hérault. Depuis, il ne s'en est servi que deux fois, en 2009 et 2012. « Cette technique a un coût et demande du temps. Mais elle améliore la matière première et la valorise mieux en assemblage en préservant la typicité des vins. C'est une forme d'assurance qualité. »
Deux modes de chauffe, pour deux emplois
« Pour remédier à une attaque de botrytis, la montée en température doit être très rapide afin de détruire la laccase. Cela impose de chauffer directement toute la vendange », explique Éric Deletage, d'Enosens, en Gironde. Comme l'appareil de chauffage doit être approvisionné en continu, « il faut avoir suffisamment de vendangeurs ou de machines à vendanger ce jour-là », précise l'oenologue. « Et l'espace devant le chai doit être assez vaste pour que les tracteurs venant vider leurs bennes puissent manoeuvrer à côté du camion portant la chaudière et l'échangeur thermique », ajoute Florent Doublier, de Litov-OEnologie, en Val de Loire.
Pour pallier un manque de maturité, il est possible de chauffer les jus seuls puis de les renvoyer dans la cuve. En répétant l'opération plusieurs fois, on chauffe peu à peu la vendange. La chauffe étant plus lente, les raisins sont moins triturés, ce qui facilite la clarification. « La veille, la vendange peut être stockée dans une cuve d'où il n'y a plus qu'à pomper les jus de saignée. Cela facilite l'organisation du travail », note Éric Deletage.
CE QU'IL FAUT POUR SE LANCER
- De l'Inox. Il faut disposer de cuves en Inox correspondant au volume à thermovinifier. Le béton ou la résine ne conviennent pas.
- Du froid. « Le chai doit être bien équipé en froid pour contrôler la fermentation des moûts qui ont été chauffés car ce sont des bombes en fermentation », prévient Florent Doublier, de Litov-OEnologie.
- Du matériel robuste. Les pompes et les tuyaux doivent résister aux températures élevées. Si ce n'est pas le cas, il est possible d'en louer. Si l'on chauffe la vendange entière, il faut disposer d'une cuve équipée d'une vanne basse pour sortir les raisins facilement.
- De la prudence. « Avec de la vendange ou des moûts à 70 ou 75 °C, attention aux brûlures ! », souligne Éric Deletage, d'Enosens.