Qu'est-ce que le chitosane et le chitine-glucane ?
Ce sont des polymères naturels, appartenant à la famille des polysaccharides comme la cellulose ou l'amidon.
Le chitine-glucane est un des principaux constituants de la paroi cellulaire d'Aspergillus niger. Ce champignon est utilisé dans les industries pharmaceutique et agroalimentaire pour la production d'acide citrique. En œnologie, il permet de fabriquer des enzymes pectinases et cellulases, pour améliorer les rendements en jus. Il produit aussi des glycosidases destinées à la libération d'arômes glycosylés comme ceux des cépages muscatés. Le chitosane est le principal dérivé de la chitine, deuxième polysaccharide le plus abondant dans la nature après la cellulose. La chitine est présente dans la carapace des crustacés et des insectes. Elle contribue à leur rigidité. On la trouve aussi dans certaines algues ou dans certains champignons. En œnologie, le chitosane peut être extrait et purifié à partir du mycélium d'Aspergillus niger ou d'Agaricus bisporus, plus connu sous le nom de champignon de Paris.
Qui les emploie déjà ?
Le chitosane est déjà largement répandu dans les domaines pharmaceutique, médical, cosmétique et agricole. Les industriels le produisent à partir de la chitine de crustacés pour la fabrication de prothèses vasculaires et de shampoings, en tant que complément alimentaire, pour l'enrobage de semences, le traitement des eaux, etc.
Depuis quelques années, la société belge KitoZyme tente de montrer l'intérêt des dérivés de chitine en œnologie. Elle a développé des colles à base de chitosane et de chitine-glucane, obtenues à partir du mycélium d'Aspergillus niger. Ces produits se présentent sous la forme de poudres fines blanches à beiges. Ils sont biodégradables et non-allergènes, d'après les tests menés par KitoZyme. « Nous sommes les seuls à proposer du chitosane et du chitine-glucane d'origine fongique à destination de l'œnologie », souligne Florence Keller, responsable des ventes et du marketing chez KitoZyme. La firme n'a pas encore fixé de prix pour ses produits.
Quand pourra-t-on les utiliser en œnologie ?
Peut-être d'ici à la fin de l'année. En juillet 2009, l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) a accepté « le collage des moûts et des vins par le chitosane ou le chitine-glucane d'origine fongique », pour le débourbage, la clarification et l'élimination de métaux ou de certains contaminants organiques.
Depuis, « un document de travail prévoyant d'autoriser chitine-glucane et chitosane d'origine fongique a été présenté aux Etats membres, indique Johan Reyniers, responsable de la communication à la direction générale de l'agriculture de la Commission européenne. Quelques discussions sont encore nécessaires. Mais il ne semble pas y avoir de désaccord. L'emploi de chitine-glucane et chitosane devrait être autorisé dans l'Union européenne d'ici à la fin de 2010. »
En attendant, ces produits ne sont autorisés qu'à titre expérimental et avec l'aval de la DGCCRF. Les volumes traités doivent se limiter à 50 000 hectolitres de vin.
Peut-on éliminer les Brett avec du chitosane ?
Oui, d'après les résultats d'essais menés en laboratoire et à l'échelle industrielle depuis deux ans. « L'action du chitosane sur les Brettanomyces a été évidente dès le début, remarque Aurélie Bornet, responsable scientifique de la gamme KioFine, chez KitoZyme. C'est l'application que nous maîtrisons le mieux aujourd'hui. » Elle explique qu'une dose de 4 g/hl de chitosane ajoutée à un vin contaminé par les Brett, suffit à faire passer leur concentration en dessous du seuil de détection analytique. Cela, même pour des populations très importantes, s'élevant à des millions d'unités formant colonie/ml. Le chitosane serait donc la seule colle de traitement « anti-Brett ». « Il agit un peu comme de la PVPP, précise Aurélie Bornet. Même si le mécanisme exact est toujours en cours de validation. » Pour obtenir cet effet, elle conseille de mélanger préalablement la poudre de chitosane dans un peu de vin, de l'introduire par le haut de la cuve, puis d'effectuer un remontage d'homogénéisation. Après dix jours de sédimentation, on pratique un soutirage et on élimine les lies.
Chitosane et chitine-glucane clarifient-ils le vin ?
Oui, des chercheurs ont comparé l'efficacité du chitosane à celles de colles traditionnelles comme la bentonite, la gélatine et certaines enzymes pectolytiques sur la clarification de vins blancs et rosés. Le chitosane s'est avéré le plus efficace, sans modifier les propriétés organoleptiques des vins.
Lors de sa thèse soutenue en 2006, Aurélie Bornet a constaté que du chitine-glucane d'origine fongique employé entre 30 et 70 g/hl permet de clarifier les vins aussi bien que la PVPP, la bentonite, la caséine… Elle a aussi montré que le chitine-glucane peut corriger l'astringence et la sécheresse des vins. De plus, « ces produits montrent un bon potentiel pour les débourbages statique et dynamique par flottation », précise la chercheuse.
Quelle action ont-ils sur le fer et le cuivre ?
L'OIV a aussi accepté l'usage de chitosane et chitine-glucane fongiques « en traitement préventif des casses ferrique et cuivreuse sur les moûts et les vins ». En effet, les travaux de thèse d'Aurélie Bornet ont souligné que ces deux produits étaient de très bons chélateurs du fer, sous sa forme ferrique Fe3+. Des essais ont confirmé que des doses autour de 50 g/hl agissant pendant deux jours, permettaient de réduire entre 70 et 90 % la teneur en fer selon le type de vin.
L'effet sur le cuivre est moins marqué. Mais 50 g/hl de chitosane éliminent par exemple, jusqu'à 12 % du cuivre contenu dans un vin de merlot contaminé artificiellement.
Quelle action ont-ils sur les métaux lourds ?
Dans une étude récente, Aurélie Bornet et Pierre-Louis Teissedre, de la faculté d'œnologie de Bordeaux, ont montré que chitosane et chitine-glucane fixent très bien le plomb et le cadmium, deux métaux toxiques que l'on peut trouver en très faibles quantités dans le vin. Les chercheurs ont collé des vins rouges, blancs et liquoreux, à des doses allant de 10 à 200 g/hl. Ils ont éliminé jusqu'à 57 % du cadmium et 84 % du plomb présents initialement. Il semble que le chitine-glucane chélate mieux le cadmium et le chitosane le plomb.
Quels sont les autres effets dans le vin ?
Aurélie Bornet et Pierre-Louis Teissedre ont testé le chitosane et le chitine-glucane pour éliminer l'ochratoxine A ou encore la géosmine. Ils ont réussi à diminuer la teneur en OTA de 83 % avec 500 g/hl appliqué sur du vin rouge. D'autres essais avec 200 g/hl ont conduit à l'élimination de 39 % maximum d'OTA. De même, du chitosane en solution à 2 %, à 100 g/hl, a permis d'éliminer jusqu'à 61 % de géosmine dans des vins rouges contaminés artificiellement.
Enfin, l'usage du chitosane pourrait s'envisager pour la désacidification ou pour fixer des résidus de pesticides dans les vins.
Pour plus d'informations, consulter l'ouvrage : « Chitine et chitosane. Du biopolymère à l'application. »