Homme simple, Antoine Verdale a su s'entourer d'excellents collaborateurs. Habile orateur, meneur d'hommes, il savait rassembler. « Antoine a contribué à la moralisation de la frange dure de l'Aude », souligne Joël Castany, à la Fédération régionale des coops. © REVUE VINICOLE/CHAMBRE D'AGRICULTURE DE L'AUDE
Antoine Verdale naît le 1er mai 1920 dans une modeste famille de Villegailhenc dans l'Aude. Son oncle lui lègue sa pépinière. Il devient viticulteur en acquérant quelques hectares de vignes dans le petit village de Trèbes. Il livre sa production à la cave coopérative dont il devient président en 1957.
Progressivement, il s'impose comme le leader de la filière viticole de l'Aude et concentre les pouvoirs. Il prend ainsi la présidence de la fédération départementale des caves coop de l'Aude (1963-1992), de la chambre d'agriculture (1972-1989), de la Fédération régionale puis de la confédération nationale des coopératives (1972-1993), de l'Anivit (1981-1983), de la Sopexa (1982-1987) et du groupement de la coopération viticole de la CEE (1986).
Colères homériques
Antoine Verdale impulse la modernisation qualitative du vignoble malgré de très nombreux freins. Il crée, à titre d'exemple, le domaine expérimental de Cazes à Alaigne (Aude) où seront testés les cépages améliorateurs : merlot, cabernet-sauvignon, caladoc… et qui conduira au réencépagement qualitatif.
Surnommé le lion, il rugissait véritablement lors de colères homériques y compris « contre l'inertie et l'apathie de certains viticulteurs ». Dans les années 1970-1980, durant l'ère des manifestations, des barricades, des pneus brûlés… il est parfaitement informé de ce qui se passe.
« Les manifestations c'est un mal nécessaire, disait-il à l'époque, armant le bras des fantassins de la vigne lorsque la négociation qu'il menait butait sur l'entêtement de Paris ou Bruxelles », peut-on lire dans « La dépêche du midi » du 21 décembre 1994, deux jours après son décès.
« Sans formation aucune, il avait une vision très acérée du marché, doublée d'une extraordinaire volonté de promouvoir, de commercialiser et d'exporter le vin, souligne Joël Castany qui a eu « la fierté et l'honneur de lui succéder » à la Fédération régionale des coops.
Il était en contact permanent avec le public et les opérateurs, que ce soit dans les foires agricoles ou les salons de New York. « Très tôt, il avait compris qu'il y avait un décalage entre la production et le marché. Il a été visionnaire, courageux et a été le premier à chercher à moraliser les pratiques viticoles », poursuit-il.
En 1976, il impulse la création de Darnaga, une entreprise de vente de vins de coopératives du Sud qui commercialise deux millions de cols par mois sur la région parisienne. L'objectif est de « faire sortir les vins de table de leur ghetto en leur associant une origine ». Mais l'affaire se solde par un échec. Malgré cela, le regroupement des caves coop pour se réapproprier les plus-values est lancé : peu à peu vont apparaître Val d'Orbieu, l'union des coopératives ardéchoises, le Cellier des dauphins, etc.
Homme simple, il a su s'entourer d'excellents collaborateurs. Habile orateur, meneur d'hommes, il savait rassembler. « Antoine a contribué à la moralisation de la frange dure de l'Aude, souligne Joël Castany. Il a beaucoup travaillé, il a refusé le populisme et la démagogie. » Il a toujours refusé les mandats politiques qu'on lui a proposés - maire, député, sénateur, pour se consacrer à sa mission professionnelle. Radical socialiste, tous les hommes politiques le connaissaient (François Mitterrand, Jacques Chirac, etc.).
« Durant les réunions, il faisait mine de dormir »
Bon vivant, jovial, maniaque sur l'heure du repas, « il faisait parfois mine de dormir en pleine réunion, mais il ne dormait pas du tout, prêt à bondir », se souvient Joël Castany.
Passionné de rugby, il fut président de l'US Carcassonne qu'il a accompagnée à ses heures de gloire, lors de sa montée en première division. Il s'en servait également comme outil de lobbying et organisait à la veille du tournoi des Cinq Nations de mémorables cassoulets arrosés de vins de coops. « C'était des moments extraordinaires avec les décideurs politiques européens ou français, avec les acteurs du marché. Tout le monde s'en souvient », souligne Joël Castany.
En 1989, il participe encore au lancement du vin primeur du Sud. Puis Antoine Verdale quitte la scène « sur un triste épisode ». Sa propre cave coopérative de Trèbes ayant été convaincue de fraude sans doute à son insu, il est condamné par la justice en 1993. « Cette histoire l'a énormément peiné et a sans doute accéléré sa fin », avance Joël Castany. Le lion audois est décédé le 19 décembre 1994, de complications survenues suite au vaccin contre la grippe.