Soleil, ciel bleu, beaux paysages, la vallée du Rhône est une destination prisée des vacanciers. Mais hormis quelques précurseurs comme la maison Brotte et son musée du vin ouvert en 1972, les professionnels rhodaniens ont longtemps regardé la caravane passée… A ce jour, seulement 10 % des vins de la vallée du Rhône sont commercialisés au caveau. « C'est beaucoup et trop peu à la fois ! », a d'ailleurs lancé Christian Paly, président d'Inter-Rhône, à Vinagora, le 9 décembre dernier.
L'éveil à l'œnotourisme est arrivé avec la crise. En cinq ans, les Rhodaniens ont fait un bond. « L'accueil au caveau se professionnalise, observe Jessica Debiève, responsable tourisme à Inter-Rhône. Parallèlement, des prestations, qui vont au-delà de la simple dégustation, voient le jour. »
Vignerons, négociants, caves coopératives, tous se mettent au pli. La cave coopérative de Rasteau propose des balades guidées dans son vignoble et organise des expositions d'art. Ses consœurs de Beaumes-de-Venise, Vacqueyras (Vaucluse) et Tain-l'Hermitage (Drôme) ont ouvert un restaurant dans leur enceinte. Les vignerons de Chusclan et Laudun (Gard) ont mis en place deux sentiers pédestres alliant découverte de la vigne et du patrimoine.
400 adhérents à la charte
A Tain-l'Hermitage, le négociant Michel Chapoutier a créé son école. Il y programme des ateliers d'initiation à la dégustation, des séances à thème : vins et chocolat, vins et café, vins et musique, etc. Dans le Gard, le château de Manissy initie le public à vendanger au domaine et fait visiter son jardin ampélographique où sont plantés les huit cépages que l'on retrouve dans ses vins. Autre signe de l'intérêt porté au sujet, les caves, notamment les coopératives, ont recruté des personnes chargées de l'accueil au caveau à plein-temps, au cours de ces dernières années.
Inter-Rhône a également mis la main à la pâte. Dès 2005, Michel Bernard, son président à l'époque, a fait du sujet une priorité. Cela s'est concrétisé par l'adoption d'une charte d'accueil au caveau à laquelle 400 caves adhéraient en 2010. Ces caves sont classées de une à trois feuilles de vigne, selon la qualité de leur accueil. Trois, c'est le summum. Conditions pour l'atteindre : il faut que les clients puissent déguster dans des verres en cristallin ou en cristal. Il faut aussi un site internet, traduit en anglais, présentant le caveau, expédier en France à partir de 24 bouteilles, donner des informations sur les modalités d'accueil des groupes, etc. Aujourd'hui, 40 % des caveaux ont ce niveau contre 25 % en 2005.
Les nouveaux venus sont audités, l'année de leur adhésion, par le cabinet de consultants Protourisme. Tous les trois ans, ce dernier effectue des contrôles aléatoires au sein des domaines certifiés sur le principe du client mystère.
L'an passé, Inter-Rhône a renforcé les exigences de la charte. « Nous avons basculé des critères demandés pour l'échelon deux dans l'échelon un, comme l'acceptation des cartes bancaires », signale Jessica Debiève. Et l'interprofession a intégré de nouveaux critères de certification. A présent, pour obtenir le niveau trois, le personnel d'accueil doit être formé à la réception des touristes, il faut des éthylotests à disposition des visiteurs…
Un guide « Tourisme et vignobles en vallée du Rhône » recense tous les domaines de la charte et les activités qu'ils proposent. Ces informations se trouvent aussi sur les cartes des routes des vins d'Inter-Rhône, sur le site internet vins-rhone-tourisme.com, dans les offices du tourisme et les syndicats d'initiative.
Des nouveautés pour 2011
Tout ce travail porte ses fruits auprès des professionnels du tourisme. Ainsi, l'agence de voyage Provence tourisme développe des séjours intégrant des domaines adhérents à la charte. « Inter-Rhône est devenu un acteur légitime du tourisme », estime Jessica Debiève.
Désormais, l'objectif est d'aller plus loin. La jeune femme travaille avec les comités départementaux du tourisme sur l'élaboration de produits touristiques. « Nous ne voulons pas mettre en avant le vin seul, mais l'insérer à des programmes faisant découvrir le patrimoine de la région. » Ces nouveautés verront le jour en 2011.
115 € TTC
C'est le budget moyen que la clientèle consacre à l'achat de vin lorsqu'elle visite un caveau dans la vallée du Rhône. C'est plus que la moyenne nationale : 104,20 euros. Le chiffre d'affaires généré par la vente au caveau en vallée du Rhône est estimé à 91 millions d'euros en 2009.
(Données Atout France).
Le Point de vue de
Christian Allègre, vigneron à Richerenches (Vaucluse), 15 ha en AOC Côtes-du-Rhône
« Le cavage des truffes, ça change et ça se marie parfaitement avec la dégustation des vins »
Son offre
En plus de ses 15 hectares en Côtes-du-Rhône, Christian Allègre possède une truffière. A partir de décembre, tous les jeudis et vendredis, il fait découvrir le cavage (la récolte) des truffes avec ses quatre chiens, à des groupes. Certains de ces groupes lui sont adressés par des tour-opérateurs et d'autres par L'Escapade, un restaurant de son village avec lequel il a monté une offre commune. A ces groupes, « je donne rendez-vous, à 9 heures, au restaurant, explique Christian Allègre. Le restaurateur leur a préparé un petit-déjeuner truffé. A 10 heures, départ pour la truffière. A 11 heures, passage au caveau pour une dégustation des vins du domaine, toujours accompagnée de bouchées à grignoter. Parfois, je leur prépare une omelette aux truffes. A midi, retour au restaurant pour un déjeuner aux truffes ».
Son organisation
Christian et son épouse se chargent de l'accueil de A à Z. En janvier et février, il consacre cinq après-midi par semaine aux touristes que lui amènent les tour-opérateurs. « Notre activité les intéresse, car elle change des visites habituelles. Je l'ai fait connaître par les offices du tourisme. »
La truffe étant à la mode, son initiative intéresse les médias. TF1 a réalisé un reportage sur son exploitation. Le magazine « Elle » lui a consacré un article. De quoi drainer du monde.
Ses investissements
En 2006, il a investi dans la construction d'un caveau de 80 m2 pour accueillir confortablement les groupes importants. Le lieu est climatisé l'été et chauffé l'hiver. Il comprend un coin cuisine pour préparer l'omelette aux truffes. « Chaque détail compte. Avant l'arrivée de chaque groupe, on se renseigne sur le nombre de personnes pour préparer les quantités de verre adéquates. Il y a deux ans, j'ai lancé une cuvée de côtes-du-rhône rouge, majoritairement issue de carignan, pour accompagner la truffe. »
Ses résultats
Le domaine accueille 2 000 visiteurs par an. Certains viennent par groupes d'une trentaine de personnes amenés par des tour-opérateurs. La clientèle est française et étrangère (japonaise, australienne, américaine…).
Les ventes de vins sont au rendez-vous. Les clients amenés par les tour-opérateurs repartent avec deux à trois bouteilles chacun. Les petits groupes sont davantage acheteurs, un à deux cartons de six bouteilles en moyenne. Mieux, ils reviennent une à deux fois par an se réapprovisionner.