« Une région aux qualités floues, perçue comme un peu brute sur le plan touristique et viticole, avec des atouts en devenir. » L'étude d'Atout France sur l'œnotourisme publiée en septembre dernier met en lumière les faiblesses du Languedoc. La région est dotée de solides atouts. Mais pour l'instant, ils sont mal exploités.
Avec 15 millions de touristes accueillis chaque année, le Languedoc-Roussillon est la quatrième région touristique de France, après l'Ile-de-France, Paca et Rhône-Alpes. Son climat et ses prix attractifs sont les premières motivations des vacanciers. Seulement 7,3 % des visiteurs – soit 1 million sur les 15 – confient être venus pour découvrir les vins et le vignoble.
Un petit Versailles superbement rénové
« Le Languedoc n'a pas l'antériorité de l'Alsace, de la Bourgogne ou du Bordelais en matière d'œnotourisme, analyse Jean Huillet, qui vient de boucler, à la demande du conseil régional du Languedoc-Roussillon, une mission de dix mois sur l'œnotourisme régional. Le développement de cette activité est très récent, il est fortement lié à la crise qui a touché le Languedoc-Roussillon au cours des dix dernières années. Les sites les plus anciens ont à peine une quinzaine d'années et le véritable essor de cette activité ne date que de deux à trois ans. » Les initiatives individuelles ont devancé la structuration de cette activité conduisant à une offre foisonnante et diversifiée, mais peu lisible. Les sites d'exception comme l'abbaye de Fontfroide (100 000 visiteurs par an), l'abbaye de Valmagne, le château-abbaye de Cassan ou le château de Pennautier - un petit Versailles languedocien superbement rénové par la famille de Lorgeril - côtoient des initiatives beaucoup moins traditionnelles.
Ceux qui souhaitent sortir des sentiers battus peuvent ainsi dormir dans les cabanes perchées dans les arbres du domaine Saint-Jean l'Arbousier à Castries, se détendre dans le spa en plein air avec vue sur les vignes du château de Valloubière à St-jean-de-Fos (Hérault) ou encore reprendre des forces avec la « Fitouthérapie » proposée par le domaine Grand Guilhem, sur le terroir du Haut-Fitou à Cascastel (Aude). Au menu : séance détente et bien-être avec un modelage relaxant du corps aux pierres et aux huiles chaudes suivi d'une hydratation au Fitou, vin particulièrement riche en resvératrol, élément antioxydant et anti-âge.
Les idées ne manquent pas pour intéresser les visiteurs. Et le succès des Vignes buissonnières, une balade gourmande dans le vignoble du Pic Saint-Loup, ou de l'opération Toques et Clochers à Limoux (Aude) qui draine 30 000 à 40 000 personnes chaque année, témoignent du nouvel intérêt du grand public pour la viticulture languedocienne.
Quelques rares projets structurent l'offre à l'échelle d'une petite région comme le pôle œnotouristique du pays de Lunel, piloté par la Communauté de communes du Lunellois. Confié à Philippe Madec, architecte éco-environnemental, ce pôle sortira de terre en début d'année. Il recensera toute l'offre œnotouristique de cette petite région. Les visiteurs y découvriront un espace de dé de communes du Lunellois. Confié à Philippe Madec, architecte éco-environnemental, ce pôle sortira de terre en début d'année. Il recensera toute l'offre œnotouristique de cette petite région. Les visiteurs y découvriront un espace de dégustation, un restaurant, une salle de séminaire, un théâtre de verdure… le tout sur 2 ha. Cela représente 5 à 6 millions d'euros d'investissement.
« Il existe une foultitude de propositions individuelles, mais personne n'a de vision globale de l'offre. Les agences sont obligées d'aller à la pêche pour construire leurs produits », déplore Nathalie Bertone, chargée de mission tourisme à la chambre régionale d'agriculture.
Trois priorités
La lisibilité de l'offre est l'une des trois priorités mises en avant par Jean Huillet dans son rapport remis mi-novembre au nouveau président du conseil régional. « L'idée est de créer un grand portail de l'œnotourisme régional avec des propositions globales (visite de caves et vignobles, restauration, hébergement) et des possibilités de réservations en ligne. Nous couplerons cette offre avec la découverte du patrimoine culturel régional. Il faut créer des synergies entre des sites qui attirent des millions de touristes comme la cité de Carcassonne, le pont du Gard et le patrimoine viticole régional. »
Deuxième priorité : former les viticulteurs à l'accueil des visiteurs et les professionnels du tourisme au vin. « Nous avons la chance d'avoir à Nîmes (Gard) la seule formation en France en œnotourisme du niveau licence », se réjouit Jean Huillet qui, dans la foulée, propose la création d'une université du vin dans l'agglomération de Montpellier.
Troisième priorité : la mise en réseau des caveaux et domaines, des chambres et tables d'hôtes et des autres structures de restauration ou d'hébergement.
« Il faut aller plus loin que la seule vente au caveau », plaide Jean Huillet. La position de la région sur ce rapport et les budgets qui seront alloués pour le développement de cette activité sont attendus pour la mi-janvier.
240 000
240 000 personnes ont fréquenté les Estivales, rencontres festives autour du vin organisées au cœur de Montpellier, tous les vendredis soirs durant l'été. 180 vignerons de la région sont venus faire découvrir leurs vins aux Montpelliérains et aux touristes. Une fréquentation record avec à la clé plus de 8 000 bouteilles vendues.
Le Point de vue de
Arnaud et Jean Freychet, domaine de Massereau, 40 ha en coteaux du Languedoc et IGPpays d'Oc à Sommières (Gard)
« Un camping cinq étoiles pour sauver le domaine viticole »
Leur histoire
En 2006, Arnaud Freychet, en proie à de graves difficultés financières, envisage de vendre le domaine viticole, propriété de la famille depuis 1804. Son frère Jean n'hésite pas une seconde. Pour ce spécialiste du tourisme, qui exploite deux hôtels dans les Hautes-Alpes, « il faut développer l'œnotourisme pour sauver le domaine ». Pour attirer une clientèle d'étrangers, il mise sur le camping grand luxe.
Leur offre
« Nous avons 60 emplacements de camping et 60 chalets et mobile-homes grand confort », expose Jean Freychet. Des cabanes en bois sont récemment venues compléter ce parc d'hébergement. L'ensemble est situé sur une parcelle de 8 ha nichée au cœur des 40 ha de vignoble du domaine familial, campé sur les hauts de Sommières. Un site privilégié entre Camargue, Cévennes et Méditerranée. Piscines avec toboggan aquatique, aire de jeux d'enfants, trampoline, minigolf, espace remise en forme avec jaccuzzi, sauna, hammam…, le camping propose les activités les plus diverses pour le confort et le bien-être de ses visiteurs. C'est d'ailleurs le premier de France à décrocher la classification 5 étoiles, le must du must.
Leur stratégie
« Nous mettons tout en œuvre pour développer la vente directe et associer les vacanciers à l'activité du domaine viticole. Au moment des vendanges, les clients du camping ont la possibilité de passer une matinée à cueillir manuellement le raisin, rejoignant les vignes en benne remorquée par le tracteur. L'après-midi est consacré au travail de cave avec le pressurage des raisins fraîchement cueillis. Une journée, qui chaque année, rencontre le même succès. Une fois par semaine, nous organisons une ballade en VTT dans le vignoble qui attire également de nombreux amateurs. On fait passer très clairement le message à nos clients que le camping est là pour sauver l'exploitation viticole. Cela crée un état d'esprit différent, une sorte de solidarité. De même, le personnel perçoit un intéressement sur les ventes de vin, pas sur les activités touristiques. »
Leur investissement
3 millions d'euros pour créer le camping haut de gamme.
Leurs résultats
Avec 9 000 vacanciers accueillis chaque année depuis 2006, le pari est en passe d'être gagné : le camping a sauvé l'exploitation viticole de la déroute. La vente directe représente désormais 25 % des ventes de bouteilles du domaine avec une palette vendue chaque semaine au caveau. Tous les bénéfices de l'activité touristique sont réinvestis dans l'exploitation viticole, qui peu à peu se remet à flots.