Benoît Victor Joseph Pulliat naît le 27 avril 1827 au domaine de Tempéré, à Chiroubles (Rhône), dans une famille de notables ruraux. Son père, maire de la commune de 1812 jusqu'à sa mort en 1833, était négociant en vins et aurait possédé une trentaine d'hectares sur Chiroubles. A 7 ans, Victor Pulliat est envoyé, par sa mère, poursuivre des études chez des séminaristes bourguignons.
A 19 ans, il revient vivre dans le Beaujolais. Il se passionne pour l'étude et la culture des plantes. Il est très influencé par le comte Odart, un aristocrate viticulteur tourangeau, et par ses prises de positions de ce dernier en faveur des cépages de qualité. Il lit ses livres : « Ampélographie universelle » publié en 1841 et « Manuel du vigneron » paru en 1845.
Il s'oppose à la commission nationale du phylloxéra
Après le décès de sa mère en 1853, il initie une collection de cépages. Elle comptera 1 200 plants provenant du monde entier. Il les étudie, les décrit. Ses observations contribueront à sa première publication en collaboration avec le pomologiste Alphonse Mas : « La Revue du vignoble ».
En 1867, il devient secrétaire de la section viticulture du comice agricole du Haut-Beaujolais. En 1870, il fonde la Société régionale de viticulture de Lyon, avec Alphonse Mas.
Le phylloxéra, identifié deux ans plus tôt par Jules-Emile Planchon et ses collaborateurs, est aux portes du Beaujolais. Il l'atteindra en 1873. Victor Pulliat entre dans la lutte contre le fléau et se fait très rapidement l'ardent défenseur du greffage, une école d'abord minoritaire. En effet, la commission nationale supérieure du phylloxéra créée en 1876 recommande toujours l'emploi de sulfure de carbone. Cette technique est onéreuse et inefficace. C'est pourtant celle que les savants préconisent et que l'Etat soutient financièrement. C'est donc la plus employée.
« Pulliat, qui en avait décelé les insuffisances fondamentales, expliqua inlassablement aux viticulteurs que la crise phylloxérique avait trouvé sa solution », écrit Paul Geffroy, maire de Chiroubles de 1971 à 1983.
« Le greffage de notre plant beaujolais sur racine résistante est le moyen le plus certain pour reconstituer nos vignobles. Pour [y] arriver il nous faudra deux choses : des plants américains et des greffeurs », affirme Victor Pulliat. Il forma donc les jeunes viticulteurs au greffage.
A partir de 1876, il devient membre puis secrétaire du comité départemental d'études et de vigilance contre le phylloxéra du Rhône. En 1877, avec Robin et Planchon, deux scientifiques partisans du greffage, il rédige la revue mensuelle « La Vigne américaine et la viticulture en Europe ».
Peu à peu, le greffage gagne du terrain. Mais l'affaire est loin d'être entendue pour tout le monde. Victor Pulliat doit mener le combat dans son propre village de Chiroubles où un autre propriétaire viticulteur, Emile Cheysson, polytechnicien et membre de l'Institut de France, prône la lutte chimique. Ce dernier ne finira par se rallier au combat de Victor Pulliat qu'en 1885, après les succès remportés par les « greffeurs ».
En 1884, Victor Pulliat est nommé professeur titulaire de la chaire de viticulture à l'institut agronomique de Paris. En 1889, il rentre dans sa région natale : il devient professeur de viticulture et directeur de l'école d'agriculture d'Ecully (Rhône).
L'ampélographe rêve d'en faire l'école de viticulture de référence de la région lyonnaise et du sud-est de la France.
Une foule immense d'obligés
Entretemps, il a publié son « Manuel du greffeur de vignes » en 1886. Et en 1888, les autorités reconnaissent enfin le greffage comme la solution au phylloxéra.
Victor Pulliat a également été fait chevalier de la Légion d'honneur. « Il fut la cheville ouvrière discrète autant qu'efficace de ce faisceau d'hommes volontaires et obstinés, grâce auxquels notre région put, la première, se relever et participer à une œuvre qui intéressait à la fois (...) la fortune de milliers de petits propriétaires, la vie et la subsistance de plusieurs milliers de travailleurs », continue Paul Geffroy.
Victor Pulliat meurt le 12 août 1896. Emile Cheysson, son adversaire d'hier, lui fit un bel hommage en déclarant lors de son enterrement « que si ceux qu'il a obligés, sauvés, étaient là, une foule immense couvrirait les coteaux verts des vignes ». Un monument à sa mémoire fut édifié en 1898 sur la place de l'église de Chiroubles.