« Après quatre ans de recherches avec mon compagnon, nous avons trouvé un domaine de 30 hectares de vignes qui était à vendre et qui commercialisait 60 % de ses vins en bouteilles : le château de Castenet, relate Mylène Manera, une jeune viticultrice. Mais nous n'avions pas d'apport personnel. La banque ne voulait pas tout nous prêter, même si l'étude prévisionnelle montrait que c'était jouable économiquement. Marie-Hélène Bour, une technicienne de la chambre d'agriculture, nous a alors proposé d'avoir recours au portage du foncier par la Safer. C'est ce qui a débloqué le dossier. »
En septembre 2010, elle s'est installée avec la dotation jeunes agriculteurs à Auriolles, en Gironde. La Safer a acheté les vignes et les bâtiments du domaine. Depuis, elle les loue à Mylène, qui s'est engagée à les racheter au même prix dans trois ans.
« Pour financer cet achat, nous avons réalisé un emprunt, dont les intérêts sont pris en charge par le conseil régional », précise Hervé Olivier, directeur de la Safer de Gironde. La location se fait dans le cadre d'une convention d'occupation précaire et provisoire. « Les loyers versés constituent une avance sur l'achat à venir », ajoute Mathieu Peraudeau, en charge du dossier.
Déchargée de l'achat immédiat du foncier, Mylène a pu emprunter pour racheter le matériel. De son côté, François Greffier, le vendeur, lui a consenti un crédit sans intérêts pour qu'elle reprenne le stock de vins. « Je dois en payer 25 % par an durant les deux premières années et 50 % la troisième année », précise-t-elle.
Une volonté de transmettre
Pour réussir, il lui faut reprendre la clientèle. Mylène peut compter sur le soutien de François Greffier, qui s'est engagé à l'accompagner durant dix-huit mois. « Je ne souhaitais pas vendre à des investisseurs. J'ai préféré transmettre l'exploitation que j'ai créée à des jeunes du métier, qui vont continuer à la faire vivre », affirme-t-il. Ensemble, ils viennent de faire le tour de la clientèle allemande que François Greffier avait établi. Les premières commandes commencent à tomber. « L'an prochain, mon compagnon, Guillaume Guennec, me rejoindra en apportant 5 ha de vignes de plus dans la société. Nous allons la développer ensemble », souligne Mylène, qui espère bien avoir rassemblé d'ici à trois ans les 100 000 euros d'autofinancement nécessaires à l'obtention du prêt pour acheter le foncier et les bâtiments.
Cette opération a été réalisée dans le cadre d'une convention entre la Safer et le conseil régional d'Aquitaine. Une mesure de ce type est prévue dans le plan Bordeaux demain mis en place par le CIVB, afin de faciliter la transmission des exploitations. Une seconde mesure de portage temporaire du foncier est à l'étude en Gironde. Elle s'adresserait à des exploitations qui ont besoin de retrouver une capacité d'investissement pour poursuivre leur développement et franchir un cap difficile. La Safer achèterait leurs terres et leur louerait, les exploitants s'engageant à les racheter au bout de quelques années.
En Languedoc-Roussillon, la Safer intervient en faveur de jeunes qui finissent leur formation ou leurs démarches d'installation. « Souvent, les vendeurs sont pressés de vendre. Nous achetons leur bien et nous le louons à un tiers dans le cadre d'une convention d'occupation précaire et provisoire en attendant que le jeune soit prêt à l'acheter », explique Christian Brun, directeur de la Safer de l'Hérault. S'il s'agit d'une installation en dehors du cadre familial, le conseil régional prend en charge 80 % des frais financiers de ce portage.
En Champagne, vu le prix du foncier, le portage coûterait trop cher. La Safer préfère mettre en contact des vendeurs avec des investisseurs prêts à louer à un jeune. « Nous avons réalisé récemment une opération de ce type, développe Olivier Baranski, de la Safer de Champagne-Ardenne. Un jeune vigneron cherchait à s'agrandir pour s'installer à plein-temps. Il avait trouvé un investisseur prêt à acheter des terres en vue de les lui louer. Nous les avons aidés à reprendre une partie d'une exploitation de 3 hectares avec un salarié qui était à la vente. Nous avons signé un compromis de vente avec possibilité de transfert à un attributaire et réalisé un appel à candidature. L'investisseur a pu acheter 2 hectares. Il a ensuite cédé le bien en métayage au jeune vigneron, qui a repris le salarié. Le troisième hectare a permis de conforter des exploitations existantes. »
Mais selon la Safer, ce genre d'opération devrait rester exceptionnel, car rares sont les investisseurs qui rêvent d'acheter des vignes en Champagne en vue de les louer : ils préfèrent embaucher des salariés pour leur en confier l'exploitation.
Stocker pour restructurer
« Quand l'arrachage a redémarré, la Safer nous a aidés à organiser des échanges entre vignerons pour éviter d'arracher des parcelles intéressantes sur le plan qualitatif. Elle a aussi acheté 60 hectares pour les sauver de l'arrachage, qu'elle va porter pendant trois ans », explique Denis Carretier, président de la coopérative d'Olonzac, dans l'Hérault. Le conseil général et le conseil régional prennent en charge à part égale 60 % des frais financiers de l'emprunt réalisé par la Safer. Les 40 % restants sont couverts avec le loyer payé par les vignerons qui travaillent ces vignes en ce moment et qui souhaitent les acheter à terme. La cave a trois ans, le temps du portage, pour mettre en place un plan de restructuration de ces parcelles.
Des particuliers prêts à financer un projet d'installation
Installé comme coopérateur depuis 2000 à Ménerbes, dans le Vaucluse, Laurent Thérond comptait sur une parcelle de 1,3 hectare qu'il louait pour commencer à produire son propre vin. Mais, récemment, le propriétaire l'a mise en vente. « Je suis en train de construire mon chai. Je ne peux pas acheter en même temps », explique Laurent Thérond. Pour trouver de l'argent, il a fait appel à des particuliers par l'intermédiaire de l'association Foll'avoine. « La diffusion d'un article dans la presse nous a bien aidés. Nous avons été contactés par un millier de personnes prêtes à mettre 60 000 € dans l'affaire, alors que nous avons besoin de 22 000 € seulement », raconte Laurent. L'association est en train de créer un GFA qui rassemblera tous ceux qui sont prêts à prendre des parts. Ils seront rémunérés en bouteilles et pourront participer à des journées de taille et de vendange de la vigne, qui sera cultivée en bio. « Le GFA va acheter la parcelle. Je la prendrai en fermage. L'argent restant servira à soutenir d'autres jeunes qui veulent s'installer. »