CÉLINE COTÉ est passée du guyot classique au guyot poussard. Ce nouveau mode de taille préserve les chemins de sève et amène à faire moins de grosses plaies. Céline veut ainsi prévenir les maladies du bois. Au loin, son employé Peter Heitzmann qu'elle a formé. © PHOTOS F. BAL
«Je m'étais donné dix ans pour gagner de l'argent, explique Céline Coté, du domaine du même nom, à Molosmes dans l'Yonne, en AOC Bourgogne-Epineuil et Bourgogne-Tonnerre. Aujourd'hui, je gagne moins que prévu. Mais j'ai une qualité de vie, je m'épanouis dans mon métier et j'ai de la liberté pour m'occuper de nos quatre enfants. »
Titulaire de deux BTS, l'un de biotechnologies l'autre de viti-œno, elle devient vigneronne par passion en 1999. Elle s'installe en reprenant les 1,8 ha de vigne planté par ses parents céréaliers. Son mari travaille à l'extérieur. Le jeune couple fait construire sa maison avec une cuverie attenante de 120 m2, équipée de matériel d'occasion.
« Mes priorités sont très simples, souligne cette jeune femme déterminée. Je fais mes choix dans un but de qualité, même si cela revient plus cher. Je ne fais aucune concession à ce sujet. » Elle applique cette règle dès les plantations, au total 3,2 ha de vigne entre 2000 et 2005. Elle choisit des clones et des porte-greffes qualitatifs. Elle ne transige pas sur la conduite de la vigne et le rendement. « C'est la clef, indique-t-elle. Avec 8 500 pieds/ha, 45 hl/ha sur les rouges permettent d'obtenir des pinots expressifs et typés. »
« En bio, je suis plus attentive »
Le résultat se fait sentir. « Lors de millésimes difficiles comme 2001 et 2004, j'ai eu de jolis vins », dit-elle. Ils ont fait la différence.
En 2010, elle démarre la certification en bio, après une préparation de plusieurs années. « Dans la logique de respect du terroir, c'est un passage obligatoire, précise-telle. Je le fais par conviction, pour produire propre. » Ce changement la fait progresser encore vers la qualité. « Je travaille plus efficacement, car je suis plus attentive. » Par exemple, en enlevant les entre-cœurs et en soignant l'épamprage, elle aère le feuillage ce qui limite encore plus la pourriture.
Elle déteste « les vins de mode, corsés, trop boisés. J'entends faire ressortir la finesse du pinot noir et le terroir qui, chez nous, donne des notes fumées et minérales » poursuit-elle. Dans ce but, elle choisit le remontage. « Plus doux que le pigeage, il ne force pas l'extraction. Ainsi, mes vins ne sont pas très colorés, mais des tonnes de gens aiment les pinots peu extraits », affirme-t-elle.
Pour les mêmes raisons, elle n'élève pas ses vins sous bois ou très peu. A ses yeux, il masque le terroir. Elle n'emploie que cinq à sept barriques de trois à quatre vins pour l'ensemble de sa production de rouge et de blanc. De même, elle vendange le chardonnay manuellement, « sinon c'est affreux ». Elle l'élève sur lies en cuves, sauf deux fûts.
Autre point capital, elle estime de la plus haute importance « de pouvoir déléguer les yeux fermés » à un employé de confiance. En 2004, elle prend en apprentissage Peter Heitzmann, alors âgé de 16 ans. Elle le forme puis l'embauche à temps complet en 2007. Elle fait par ailleurs appel à la prestation de service pour la majorité des travaux mécaniques de la vigne, les filtrations et les mises en bouteilles. Elle assure le reste.
Côté commerce, en 2000, elle vend un bourgogne blanc et un rouge, au tarif d'environ 4,50 €. Elle étoffe sa gamme au fil des ans et présente six vins en 2009 dans les trois couleurs. Tous les ans, elle augmente ses prix de 2 à 3 %. « Mais ils restent bas : 7,50 € pour la cuvée la plus chère, indique-t-elle.
Car je dois rester en phase avec le marché, et les AOC Bourgogne Tonnerre et Bourgogne-Epineuil sont peu connues. Dans ce contexte, il est d'autant plus important de construire une notoriété liée au domaine. »
Elle participe à une quinzaine de salons par an, dont plusieurs sur sa région et à Paris, à 2 h15 de route. En 2006, elle crée un site internet. Entière, elle refuse de présenter ses vins aux concours, aux guides et à la presse. « Une loterie que je ne veux pas cautionner », dit-elle. Sa notoriété naissante, elle la doit à sa personne et à ses vins.
Mais « les ventes ont été longues à démarrer, confie-t-elle. Je n'ai atteint les 10 000 bouteilles qu'en 2008. Depuis, le bouche à oreille porte ses fruits ». En 2009, elle écoule 18 000 cols. Son objectif est de tout vendre en bouteilles, de préférence aux particuliers. Dans ce sens, elle fait construire un bâtiment de stockage de 160 m2.
A présent, elle entend planter encore 20 ares de pinot, puis du chardonnay afin d'élaborer elle-même son crémant. Ensuite, ce sera le tour de l'aligoté. Deux vins demandés par ses clients. Alors, sa gamme sera complète. « Les terroirs et les vins de Tonnerre sont très bons, affirme-t-elle, mais ils restent dans l'ombre de ceux de Chablis. » Elle met toute son énergie à faire en sorte que cela change.
Et si c'était à refaire ? « Je ne me conformerais pas aux usages locaux »
« En arrivant en 1999, je me suis conformée aux usages locaux, en négligeant ce que j'avais appris en BTS viti-œno, notamment pour la taille. Je me suis donc mise à tailler en guyot simple, très ras, en laissant des plaies très meurtrissantes. C'était une grave erreur. J'aurais dû faire directement comme je l'entendais et tailler en guyot poussard afin d'assurer la pérennité de la vigne et prévenir les maladies du bois. Je laisse les cônes de 3-4 cm se dessécher, afin qu'il n'y ait pas de plaies à l'intérieur du pied. Sinon, j'aurais dû commencer beaucoup plus tôt la conversion en agriculture biologique. Enfin, j'aurais dû planter moins vite de manière à ce que les ventes en bouteilles augmentent en phase avec la production.
Mais d'un autre côté, compte tenu du temps, sept ans, pour installer une vigne, je suis contente aujourd'hui d'avoir un vignoble opérationnel. Finalement ce n'est pas un si mauvais choix. »