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L'EIRL à la loupe

Aude Lutun - La vigne - n°229 - mars 2011 - page 82

Depuis le 1er janvier 2011, un vigneron peut opter pour le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), destiné à protéger ses biens personnels. Description de son fonctionnement.
LE BIEN FONCIER, pour l'instant, doit être intégré dans les biens de l'EIRL. Un amendement devrait permettre de les affecter aux biens privés d'ici à fin 2011. © C. WATIER

LE BIEN FONCIER, pour l'instant, doit être intégré dans les biens de l'EIRL. Un amendement devrait permettre de les affecter aux biens privés d'ici à fin 2011. © C. WATIER

Quel est l'intérêt de ce nouveau statut ?

L'EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée) peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans avoir à créer de société. En séparant les deux patrimoines, les créanciers professionnels ne peuvent avoir accès au patrimoine privé. Inversement, les créanciers personnels n'ont pas accès aux biens professionnels.

Comment y accéder ?

Pour devenir EIRL, l'exploitant doit déposer une déclaration au CFE (centre de formalité des entreprises) dont il dépend. Cette déclaration doit comporter le descriptif des biens en nature et en valeur nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle. Les biens à usage mixte privé et professionnel peuvent y figurer. Mais un même bien ne peut figurer que dans un seul patrimoine d'affectation.

L'affectation d'un bien indivis doit impérativement faire l'objet d'un accord avec le(s) coïndivisaire(s). Tout bien d'une valeur de plus de 30 000 euros doit être valorisé par un centre de gestion, un expert-comptable, un commissaire aux comptes ou un notaire s'il s'agit d'un bien immobilier.

Qu'en est-il de l'affectation du foncier ?

Concernant cette question cruciale, la FNSEA et Gaec & sociétés avaient demandé d'extraire les terres du patrimoine professionnel, le foncier étant souvent le seul bien privé des exploitants. Mais le Parlement n'a pas vu les choses ainsi. La loi créant l'EIRL « ne permet pas de retirer les terres des biens professionnels », regrette Jean-Louis Chandellier, directeur de Gaec & sociétés, qui espère obtenir gain de cause en 2011.

Comment l'EIRL est-il imposé ?

L'exploitant qui opte pour une EIRL conserve son statut de chef d'exploitation, comme dans le cas d'une EARL. Il ne devient pas salarié agricole. Il peut rester à l'impôt sur le revenu (IR) ou opter pour l'impôt sur les sociétés (IS) - bien que n'étant pas une société ! - sous réserve que l'exploitation est déjà au réel.

Mais, à la différence de l'EARL, une partie des dividendes de l'EIRL entre dans l'assiette des cotisations sociales lorsque l'EIRL relève de l'IS, ce qui alourdit le coût social.

Que se passe-t-il lors du passage de l'exploitation individuelle à l'EIRL ?

Lors de ce changement, on enregistre une cessation d'activité de l'entreprise individuelle préexistante. « Les plus-values réalisées à cette occasion peuvent être exonérées, commente Jean-Louis Chandellier. Cet avantage fiscal est le principal intérêt de l'EIRL. Et dans l'hypothèse ou tout ou partie des plus-values professionnelles seraient taxables, le code des impôts (article 151 octies) permet le report des plus-values sur biens non amortissables et l'étalement des plus-values sur biens amortissables. Les effets seront les mêmes si l'EIRL est ensuite transformée en EARL. »

Par ailleurs, l'adoption du statut d'EIRL ne devrait pas remettre en cause les crédits ou les réductions d'impôt, dont bénéficiait l'exploitant, dans la mesure où il poursuit la même activité que celle au titre de laquelle il a bénéficié de ces avantages.

Le Point de vue de

Jean-Louis Chandellier, directeur de Gaec & sociétés

« Je ne suis pas convaincu que ce soit un outil formidable »

Jean-Louis Chandellier, directeur de Gaec & sociétés

Jean-Louis Chandellier, directeur de Gaec & sociétés

« Le principal objectif de l'EIRL est de protéger le patrimoine personnel, principalement la maison, en cas d'infortune professionnelle. C'est louable, mais c'est faux. Pour accorder un prêt, les banques demandent toujours la caution personnelle de l'exploitant gérant ou de son conjoint. On ne peut pas les contraindre à prêter sans garantie. Pour s'affranchir des cautions sur le patrimoine privé de l'exploitant, il faudrait qu'il y ait des organismes publics ou parapublics qui jouent le jeu, mais c'est coûteux. De plus, l'EIRL a un côté plus rigide et contraignant que l'EARL. Ce statut est rigide, car on ne peut pas choisir ce que l'on met dans le patrimoine professionnel. Pour l'instant, les terres sont obligées de figurer dans ce patrimoine, ce qui est gênant dans de nombreuses situations. Par ailleurs, il faut remplir des formalités et publier annuellement ses comptes, ce qui a un coût. Le principal avantage est à mes yeux la possibilité de réévaluer les immobilisations lors de la cessation d'activité de l'exploitation individuelle qui passe en EIRL. »

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