Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

« Fermes Ecophyto » : ils ont intégré le dispositif

Marie-Laëtitia Melliand - La vigne - n°230 - avril 2011 - page 36

Le ministère de l'Agriculture vient d'inaugurer officiellement le réseau Ferme Ecophyto où les viticulteurs sont bien représentés. Cinq d'entre eux expliquent pourquoi ils ont adhéré.

En 2008, à la suite du Grenelle de l'environnement, le gouvernement a lancé le plan Ecophyto 2018. L'objectif ? Réduire de 50 %, si possible, l'utilisation de produits phytosanitaires d'ici à 2018. Une démarche ambitieuse qui vise à garantir un haut niveau de production, tout en préservant l'environnement.

Pour y parvenir les pouvoirs publics ont mis sur pied le réseau « Ferme », des exploitations pilotes que le ministère de l'Agriculture a présenté officiellement lors du Salon de l'agriculture, fin février. La filière viticole y est plutôt bien représentée.

Plus de 10 % de viticulteurs

En 2010, année de lancement, ce réseau comprenait cinq groupes de viticulteurs parmi les dix-huit retenus toutes productions confondues. Ces pionniers se trouvent dans l'Aude, les Pyrénées-Orientales, la Saône-et-Loire, le Tarn et le Vaucluse. En 2011, treize autres groupes viticoles les ont rejoints. Dorénavant, le réseau Ferme compte donc dix-huit groupes viticoles, pour un total de 105 groupes de toutes productions.

Tous ces producteurs se sont fixé un objectif de réduction de 30 % de leur IFT (1) par rapport à la moyenne régionale de leur filière, d'ici à fin 2013. Les viticulteurs que nous avons interrogés expliquent comment ils comptent y parvenir. Ce ne sera pas toujours facile, mais ils bénéficieront d'un encadrement particulier pour cela. Ils nous expliquent également pourquoi ils ont intégré le réseau. Tous veulent montrer qu'il est possible de progresser dans l'application des produits phytosanitaires. Et ils comptent bien le faire savoir à leurs confrères et au grand public.

C'est en effet le principal objectif du réseau Ferme : produire des références sur des systèmes économes en produits phytosanitaires, puis contribuer à l'enseignement et à la diffusion de leurs méthodes de travail.

(1) IFT (indice de fréquence des traitements). Voir « La Vigne » n° 229 p. 10 pour savoir comment le calculer.

Le Point de vue de

JEAN-YVES BRETAUDEAU

« J'ai testé l'effeuillage pour économiser un antibotrytis »

JEAN-YVES BRETAUDEAU

JEAN-YVES BRETAUDEAU

« J'ai rejoint le réseau Ferme animé ici par la société Vitaconsult, qui me fournissait déjà mon logiciel de traçabilité. Je souhaite en effet réduire mon utilisation de phytos sans avoir les contraintes d'une qualification Agriculture raisonnée. J'espère à terme pouvoir communiquer sur cette démarche car, aujourd'hui, tout le monde connaît le Grenelle de l'environnement. Et comme je veux agir sur mes 30 hectares et non sur une parcelle test, j'ai besoin de conseils.

Depuis 2008, je n'effectue plus de traitements mildiou systématiques grâce au modèle EPI-Mildiou. L'an dernier, j'ai testé l'effeuillage sur trois hectares pour économiser un traitement botrytis. Toutefois, l'efficacité m'a semblé variable selon les cépages. Je ne sais pas encore sur quels aspects je travaillerai grâce au réseau Ecophyto.

Je vais peut-être enherber les rangs de vigne pour réduire les herbicides. Ou je vais essayer de gagner un traitement au soufre sur l'oïdium, mais sur le chardonnay et le sauvignon, cela me semble risqué.

Je ne suis pas sûr que tous ces changements seront positifs économiquement, car certains traitements seront remplacés par d'autres tâches, comme le palissage ou l'effeuillage, très gourmandes en main-d'œuvre. »

L'EXPLOITATION. Domaine du Colombier à Tillières (Maine-et-Loire), 30 hectares.

Le Point de vue de

GÉRARD JACUMIN

« Réduire les quantités de cuivre et de soufre »

GÉRARD JACUMIN © O. MOUTONNET

GÉRARD JACUMIN © O. MOUTONNET

« J'ai intégré le réseau Ferme car cela me semblait la continuité de ma conversion à l'agriculture biologique entamée en 2009. Je souhaitais aussi perpétuer une certaine tradition familiale d'engagement dans les démarches novatrices. En effet, mon père était membre de l'Acta dès les années soixante-dix et il participait aux comptages de papillons de la vigne pour le réseau d'alerte ! L'intérêt d'adhérer à Ferme, c'est de participer à une démarche collective, car un essai isolé n'a que peu de valeur.

En bio, la priorité sera de réduire les quantités de cuivre et de soufre employées. En effet, il sera certainement difficile de réduire le nombre de traitements, car ceux-ci sont plus fréquents en bio qu'en conventionnel. Cela est dû au fait que les produits homologués n'ont pas de rémanence.

Mon but est juste de réaliser le traitement nécessaire, en optimisant la dose. Pour cela, je tiens compte de la sensibilité de la parcelle, du stade végétatif et de la surface foliaire que je combine à l'observation de la présence du parasite (comptages…) et du cycle de vie de celui-ci.

En 2010, j'ai travaillé sur le mildiou dans une parcelle test de 2,5 hectares. Je suis descendu à 2,8 kg/ha de cuivre au lieu des 3,6 kg/ha théoriques pour mes six applications. En début et en fin de saison, voire en pleine saison, comme il n'y avait pas eu de contamination récente, j'ai testé avec succès une moitié, voire un tiers de dose.

En 2011, j'étendrai ces principes à l'utilisation du soufre. A terme, j'envisage de communiquer dessus, pour montrer que même en bio, on peut aller encore plus loin. »

L'EXPLOITATION. Domaine l'Or de Line, 9 hectares à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse).

Le Point de vue de

GÉRARD GAYET

« La qualité du matériel est essentielle »

GÉRARD GAYET

GÉRARD GAYET

« J'ai souhaité participer à ce réseau Ecophyto pour échanger sur mes pratiques avec des producteurs que je ne côtoie pas habituellement. Je voulais également aller plus loin dans mes réflexions, notamment sur les réductions de dose que je pratique depuis 2000. Je ne sais pas encore comment je vais réduire davantage la quantité de phytos que j'applique, car je suis déjà 25 % en dessous de l'IFT régional. Mais je suis certain que la qualité du matériel est essentielle.

En 2002, j'ai investi dans un pulvérisateur pour traiter en face par face. Je l'ai remplacé l'an dernier par un appareil encore mieux adapté à la taille de notre exploitation et à notre enjambeur hydrostatique.

Mais les constructeurs doivent se mettre au diapason et mieux répartir les diffuseurs. On pourrait ainsi descendre à 10 % de la dose en tout début de saison, quand il y a peu de feuillage.

Toutes mes vignes sont enherbées. Pour progresser sur le désherbage, je pourrais me limiter à un passage d'herbicides sous le rang en début de saison, puis poursuivre l'entretien du rang par du travail du sol. Mais il faut que j'achète le matériel intercep.

En tout cas, je ne crois pas qu'Ecophyto sera un argument de vente pour la coopérative, car cela deviendra bientôt la norme. »

L'EXPLOITATION. Gaec de la Grappe d'or à Lugny (Saône-et-Loire), 60 hectares.

Le Point de vue de

BENOÎT PERSEVAL

« Nous ne sommes pas des pollueurs »

BENOÎT PERSEVAL

BENOÎT PERSEVAL

« Bien que je n'aie aucune certification, j'ai toujours été sensible à la protection de l'environnement. Nos vignes sont enherbées depuis vingt ans et nous avons pratiqué la confusion sexuelle sur les 180 hectares de la commune dans les années quatre-vingt-dix. Nous avons d'ailleurs repris cette technique l'an dernier. Pour moi, la base de la viticulture, c'est l'agronomie. En moyenne sur plusieurs années, je suis seulement aux deux tiers de l'IFT régional. Au mieux, nous espérons encore gagner 10 % grâce au réseau Ferme.

J'ai adhéré pour montrer aux autres agriculteurs et à la société que nous ne sommes pas des pollueurs et que nous pouvons progresser. Je n'utilise plus de désherbant depuis 2009. Je l'ai remplacé sous le rang par le travail du sol avec un intercep. Les interrangs enherbés ont calmé la vigueur, limité les attaques de mildiou et de botrytis.

Pour les traitements phytos, nous étirons les cadences en fonction de la météo. Par exemple, après la nouaison, lorsqu'il n'y a pas de pluie, j'arrive à espacer les antimildious et les antioïdiums de trois semaines. Pour aller plus loin, nous pourrions faire varier les doses en fonction de la pression parasitaire et du volume de végétation.

Sur certains cépages, nous pourrions peut-être supprimer le traitement botrytis que nous réalisons systématiquement au stade floraison.

Au-delà de mon exploitation, j'aimerais qu'Ecophyto soit l'occasion de reconsidérer le calcul de l'IFT, pour qu'un soufre mouillable ne soit plus compté comme un fongicide de synthèse.

Mais, pour moi, Ecophyto ne doit pas devenir un argument mercantile, ce devrait juste être le bon sens, un geste citoyen. »

L'EXPLOITATION. EARL Perseval à Chamery (Marne), 4 hectares.

Le Point de vue de

Lucie Moutonnet, viticultrice à Pontèves (Var), 13 ha

« On peut progresser sans passer au bio »

LUCIE MOUTONNET limite l'application d'herbicide aux années, aux parcelles et aux espèces les plus problématiques. En temps normal, elle pratique le travail du sol.

LUCIE MOUTONNET limite l'application d'herbicide aux années, aux parcelles et aux espèces les plus problématiques. En temps normal, elle pratique le travail du sol.

« Dès mon installation en 2001, j'ai souscrit aux dispositifs Terra Vitis et Agriculture raisonnée. L'adhésion au réseau Ecophyto était donc une évidence pour moi. Il faut démocratiser les démarches environnementales. Elles ne sont pas réservées à une élite bio. J'attends du réseau des retombées personnelles, car la visite hebdomadaire de l'ingénieur d'Ecophyto va m'apporter une véritable formation pour l'identification des maladies.

Mais j'ai surtout intégré le groupe pour montrer au plus grand nombre qu'on peut progresser même en conventionnel, le tout en gardant un produit convenable. C'est à la portée de tous et sans prendre de risques inconsidérés. Par exemple, je n'effectue aucun traitement systématique. Je limite l'application d'herbicides aux années, aux parcelles et aux espèces les plus problématiques. En temps normal, je pratique décavaillonnage, déchaussage mécanique et nettoyage autour des ceps avec le Tournesol. Contre les ravageurs, je ne traite qu'au-delà d'un seuil. Cela demande donc de passer une fois par semaine pour les comptages et de bien connaître les symptômes et les matières actives.

Mais avec la mise en place du Certiphyto d'ici à 2014, cela sera théoriquement à la portée de tous.

Pour m'améliorer, j'espère gagner un antimildiou en début de saison, car je vais attendre l'apparition des foyers primaires pour démarrer les traitements. Je compte aussi choisir de préférence les produits les moins nocifs avec les ZNT (zone sans traitement) les plus faibles et les phrases de risque les plus favorables. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :