Il est loin le temps où les vendanges étaient faites par les villageois, sans contrat écrit, juste entre personnes familières… Aujourd'hui, soit les viticulteurs utilisent la machine à vendanger, soit ils ont recours à une main-d'œuvre souvent venue de loin… Dans ce dernier cas, ils passent alors un contrat de vendange. Dans l'esprit de l'employeur, il s'agit d'un contrat à durée déterminée. Une affaire récente montre que les choses ne sont pas aussi simples…
Dans une propriété du sud de la France, un régisseur est chargé de l'organisation des vendanges. Il fait appel à des intermittents, notamment à monsieur Zenaguy, en recherche d'emploi. Le 27 août, un contrat est passé. Il doit se terminer « à la fin des vendanges », sans autre précision. Pour le régisseur, tout dépend en effet de la météo à venir et même de la charge des souches…
Echec de la tentative de conciliation
Fin septembre, les dernières hottes sont versées dans la benne. La récolte est finie. Monsieur Zenaguy n'a plus qu'à recevoir sa paie et reprendre sa quête d'emploi. Il affirme alors avoir été recruté pour une durée indéterminée. Son employeur soutient que les vendanges terminées et le matériel rangé, le contrat de travail a pris fin le 24 septembre.
Monsieur Zenaguy, probablement soutenu par le syndicat des ouvriers agricoles, saisit alors le conseil des prud'hommes pour obtenir la requalification de sa convention d'embauche en contrat de travail à durée indéterminée. Après une tentative de conciliation qui n'aboutit pas, l'affaire est appelée en jugement devant la section agricole du conseil.
Ici, le débat va devenir instructif : depuis une ordonnance du 12 mars 2007 applicable à partir du 1er mai 2008, le code rural a précisé que le contrat de vendange doit avoir une durée maximale d'un mois (article 718-5). Par ailleurs, le Code du travail pose comme principe qu'un contrat de travail à durée déterminée doit comporter un terme précis dès sa conclusion (article 1242-7).
L'employeur soutient qu'il est bien dans les clous. Il argumente que le contrat de monsieur Zenaguy était un contrat à durée déterminée puisqu'un terme était fixé : la fin des vendanges. Il ajoute que ce contrat n'avait pas eu une durée supérieure à un mois, conformément au code rural (article 718-5).
Les juges vont avoir une autre analyse. Ils rappellent que le contrat de vendange, prévu par le code rural, est un contrat saisonnier. Selon le Code du travail, ce type de contrat doit comporter une durée minimale (article 1242-7, paragraphe 3). Or, celui de monsieur Zenaguy ne comportait ni un terme fixe, ni une durée minimale dès sa conclusion. A ce titre, il ne pouvait être considéré comme un contrat saisonnier. Les juges du tribunal des prud'hommes, puis ceux de la cour d'appel ont donc requalifié le contrat de monsieur Zenaguy en contrat à durée indéterminée, avec les conséquences que l'on sait en cas de rupture abusive. La Cour de cassation a confirmé leur analyse.
Lorsqu'on embauche quelqu'un pour faire les vendanges, le mieux est de conclure un contrat d'une durée déterminée inférieure à un mois, avec la date d'achèvement précis. Il faut ensuite espérer que les vendanges seront achevées avant la fin de ce mois.
Si ce n'est pas le cas, on pourra renouveler le contrat, à condition que cette reconduction ne donne pas lieu à une période d'engagement supérieure à deux mois (article 718-5 du code rural).