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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Un saisonnier n'est pas un homme à tout faire

JACQUES LACHAUD - La vigne - n°288 - juillet 2016 - page 63

Les saisonniers doivent être affectés à des tâches précises, temporaires et liées aux saisons. Dans un arrêt de décembre 2015, la Cour de cassation rappelle qu'ils ne peuvent pas réaliser les travaux permanents de l'exploitation.

Un travailleur saisonnier peut-il être chargé d'une autre tâche que celle pour laquelle il a été embauché ? Cette question revient régulièrement devant les juges. En pratique, les saisonniers, comme tous les salariés engagés par contrat à durée déterminée, ne doivent réaliser qu'une tâche précise et temporaire, celle qui est inscrite sur leur contrat de travail, et rien de plus. Une fois la tâche achevée, à la fin de la période donnée, le contrat s'achève, quitte à être reconduit la saison suivante comme l'autorise la loi.

Pour ceux liés par contrat à durée indéterminée, en revanche, les tâches peuvent être plus variées en fonction des besoins de l'entreprise. En contrepartie, la rupture du contrat doit être motivée (faute du salarié ou autre) et indemnisée.

Mais les choses ne se passent pas toujours de cette façon. C'est ainsi que Raoul, employé saisonnier pour la pépinière Duplant, s'est retourné contre son employeur. Raoul avait été engagé le 4 août 2004 par le pépiniériste en tant que manutentionnaire. Six contrats à durée déterminée pour emploi saisonnier se succèdent jusqu'au 28 septembre 2010. C'est alors que la pépinière Duplant met fin à cette série de contrats. Pour Raoul, c'est un coup dur et il décide de faire appel à la justice. Il entend faire requalifier par le juge ses contrats saisonniers successifs en un contrat à durée indéterminée et, de fait, bénéficier d'un licenciement en bonne et due forme avec les indemnités afférentes. La pépinière y est opposée, bien évidemment.

Dans un premier temps, Raoul va se trouver face à des juges inflexibles. Aux Prud'hommes comme devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, il tente de démontrer que ses différents CDD ne satisfont pas à l'article L 1242-2 du code du travail. Cet article précise qu'un contrat à durée déterminée « ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire ».

Or, Raoul réalisait toutes sortes de travaux. Il en veut pour preuve l'accident de travail dont il a été victime en manipulant un engin agricole, activité qui ne faisait pas partie de ses attributions. Par cette démonstration, il veut prouver qu'il participait à l'activité « normale et permanente de l'entreprise ». Ce qui, pour le code du travail, est l'opposé de la définition d'un contrat à durée déterminée (article L 1242-1).

Mais les juges de première et de deuxième instances se sont contentés de constater que Raoul est employé dans une « entreprise à caractère agricole [...] pour partie soumise aux aléas climatiques ». Pour eux, cela suffit à démontrer le caractère saisonnier du contrat de travail, raison pour laquelle ils ont refusé sa requalification en contrat à durée indéterminée.

La Cour de cassation va leur répondre qu'ils ont tort. Elle leur reproche de ne pas avoir vérifié « si le salarié avait été affecté à l'accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durable ».

Le juge suprême rappelle que le seul caractère saisonnier d'une entreprise ne suffit pas à prouver qu'un salarié y accomplit des tâches « non permanentes et non durables ». Il casse donc la décision de la cour d'appel, renvoyant les parties devant un nouveau magistrat. Cette décision entraîne par ailleurs la cassation de la rupture du contrat de travail.

Il ressort de cet arrêt que l'employeur ne doit pas se cacher derrière le caractère saisonnier de son activité pour abuser du contrat de travail à durée déterminée.

De son côté, le juge a pour devoir de vérifier que le salarié effectue bien une tâche saisonnière. Les patrons doivent donc s'assurer que l'embauche d'un saisonnier correspond à un travail unique et lié à la saison s'ils ne veulent pas que leurs salariés soient tentés de requalifier un contrat à leur avantage.

Cour de cassation du 16 décembre 2015, n° 14-20687

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