Mardi 5 avril. Une foule dense se presse dans la salle de dégustation du château Branaire-Ducru pour jauger le fameux 2010. © PHOTOS C. DE NADAILLAC
C'est sous un soleil éclatant que la semaine bordelaise des primeurs débute. Cet évènement, instauré il y a une quinzaine d'années par l'Union des Grands crus, a pour but de faire déguster le dernier millésime aux professionnels, en avant-première. Depuis, son attrait ne s'est jamais démenti et il est devenu incontournable. En ce mardi 5 avril, c'est le château Branaire-Ducru (Saint-Julien, Gironde) qui accueille les dégustations des Saint-Julien, Saint-Estèphe et Pauillac de l'Union des Grands crus. La propriété est tirée au cordeau et s'apprête à voir défiler environ 5 000 personnes.
Les Américains sont de retour
Importateurs, journalistes, négociants et courtiers se pressent dans la salle aux poutres de bois, réservée aux dégustations. La population « se rajeunit », comme le note Patrick Maroteaux, ex-président de l'Union des Grands crus. Elle est « plus professionnelle que d'habitude », souligne Georges Haushalter, président de l'interprofession bordelaise. Les Asiatiques sont venus en nombre, notamment de Singapour et de Chine. On croise également des Anglo-Saxons, des Belges, des Suisses, des Hollandais. « Il y a même des Américains qui reviennent, remarque François Lévêque, ex-président des courtiers. C'est bon signe, car ce sont des consommateurs que nous avions un peu perdus ces dernières années. Ils ont très peu acheté de 2008 et 2009. » La plupart des grandes maisons de la place sont également présentes, tout comme certaines personnalités locales, à commencer par Jean-Louis Triaud, président des Girondins de Bordeaux !
Un très grand millésime
Un verre Riedel à la main, ces passionnés de la Dive bouteille font la queue aux différents stands pour goûter les précieux nectars 2010. Gruaud Larose, Léoville Poyferré, Grand-Puy Ducasse, Talbot, Lynch-Bages ou encore Les Ormes de Pez sont quelques-unes des étiquettes alignées. Déjà, les adjectifs fusent. « Frais », « avec un grand potentiel de garde », « fruité », ou encore « puissant et précis ». Tels sont les qualificatifs employés pour définir ce millésime. « 2008, 2009 et 2010 sont une trilogie comparable à 1988, 1989 et 1990, confirme François Lévêque. Ce ne sont que de très grands millésimes. Le 2010 est plus difficile à aborder que le 2009. Les vinifications ont été très longues. Il est plus fermé, plus compliqué, mais avec un potentiel de garde supérieur. » « Le 2010 est un très grand millésime, renchérit Patrick Maroteaux. Il a beaucoup de puissance, mais n'a pas perdu en précision ni en fraîcheur. » Les étrangers présents pensent investir dans ce millésime. C'est le cas d'Alain Kerloc'h, directeur d'un restaurant à Belfast. Pour lui, le 2010 est le meilleur millésime qu'il ait goûté depuis dix ans. Il compte bien se porter acquéreur de quelques bouteilles. Même coup de foudre pour cet importateur singapourien : « C'est un très grand millésime, surtout en Saint-Estèphe. Nous allons en acheter. »
En revanche, les Français attendent la sortie des tarifs pour se prononcer : « J'ai peur des prix, explique un acheteur. S'ils augmentent trop par rapport à 2009, cela va “flinguer” le marché. Les grands crus sont devenus l'équivalent de Vuitton ou d'Hermès. La plupart des Français, et même des Européens, ne peuvent plus en acheter. C'est dommage. » « Toutes les conditions sont réunies pour que cette campagne de primeurs soit particulièrement réussie, analyse François Lévêque. Les stocks sont à un niveau historiquement bas, mais il faut que les prix restent acceptables, car les amateurs pourront-ils acheter deux années de suite un millésime cher ? » Réponse dans quelques mois…