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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Transférer un bail est permis, mais sous conditions strictes

Jacques Lachaud - La vigne - n°231 - mai 2001 - page 79

Un locataire peut apporter son bail rural à une société ou le mettre à sa disposition. Dans le premier cas, il faut l'accord explicite du bailleur. Cet accord ne peut pas se déduire du simple fait que le propriétaire accepte les loyers de la société.

Beaucoup de petits exploitants ne sont pas propriétaires des parcelles de vignes qu'ils travaillent. Le plus souvent, ils sont détenteurs d'un bail rural. Ce contrat possède une valeur marchande. En parallèle, il existe des exploitations plus importantes, souvent constituées en sociétés qui cherchent à s'agrandir.

Dès lors, une question se pose : comment transférer le droit d'exploitation d'une parcelle à une société ?

En principe le, bail n'est pas cessible à des tiers. Toutefois, depuis la loi du 5 janvier 2006, il est permis de prévoir une telle possibilité lors de la signature du bail. Cette option du bail cessible reste, dans les faits, très peu utilisée.

Il existe, en revanche, deux dispositions plus courantes qui atténuent le principe selon lequel la cession du bail entraîne sa résiliation : l'apport ou la mise à disposition. L'apport a des conséquences bien plus importantes que la mise à disposition.

Dans le cas de l'apport, le droit au bail devient un actif au bilan de la société. Le preneur cède son bail à la société contre des parts de cette société. Le fermier devient un associé. Il participe aux bénéfices en proportion de la valeur du bail apporté.

Autorisation expresse du bailleur

L'apport découle de l'article L. 411-38 du code rural, ainsi rédigé : « Le preneur ne peut faire apport de son droit au bail à une société [...] qu'avec l'agrément personnel du bailleur et sans préjudice du droit de reprise de ce dernier. » Ces dispositions sont d'ordre public. C'est-à-dire qu'elles s'imposent comme une loi. Les parties d'un contrat ne peuvent y déroger même d'un commun accord.

Un problème demeure : comment fournir la preuve que le bailleur a donné l'autorisation d'apporter le droit au bail à une société, preuve réclamée par la loi ? Un arrêt du 28 septembre 2010 illustre ce problème.

La Cour de cassation a décidé que le fait qu'un bailleur ait encaissé des loyers dus par son fermier mais réglés par la société ne vaut pas autorisation d'apport. Selon les juges, l'autorisation doit être expresse et non être déductible d'un comportement.

Quant à la mise à disposition du bail, elle est codifiée par l'article L. 411-37 du code rural. Dans ce cas, le locataire apporte seulement l'usage de son bail à la société. En contrepartie, il reçoit une rémunération, mais ne devient pas associé. Cette possibilité a été prévue car les propriétaires ne donnent que rarement leur accord pour apporter le droit au bail au capital d'une société.

Selon le code rural, le fermier peut mettre son bail à la disposition d'une société agricole dont il est membre. Dans cette hypothèse, il demeure titulaire du contrat. Aussi, si la société dépose le bilan, le propriétaire est en droit de réclamer le loyer à son fermier sans être touché par les conséquences de la procédure collective.

La loi exige que tous les associés de la société bénéficiaire de la mise à disposition travaillent sur l'exploitation, sauf si c'est une SCEA. Il est donc indispensable que l'auteur de la mise à disposition y travaille également (arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2009 n° 0818563). Et si pour une raison ou une autre, il se retire de la société, celle-ci n'a plus aucun droit sur les terres.

Le preneur doit notifier à son bailleur la mise à disposition dans les deux mois de sa conclusion avec un certain nombre d'éléments de fait. La violation de cette obligation entraîne la résiliation du bail.

On notera que l'article L. 411-38 du code rural exige l'autorisation du propriétaire, alors que l'article L 411-37 ne le fait pas…

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RÉFÉRENCE :

Cour de cassation du 28 septembre 2010 n° 0970129.

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