PLUSIEURS FOIS PAR JOUR, le viticulteur se connecte au site internet de Promété. Ce dernier analyse les données fournies par la station météo et, grâce à un modèle, détermine le risque mildiou, oïdium et black-rot.
CHRISTOPHE BRANDY a installé sa station météo à quelques mètres de ses vignes. Elle capte les températures, la pluviométrie, l'hygrométrie et l'humectation foliaire.
AVEC SON PULVÉRISATEUR pneumatique de marque Blanchard, Christophe Brandy traite en face par face. L'application étant précise, il peut se permettre de réduire les doses de fongicides avec une marge de sécurité.
« Je n'aime pas traiter, justifie Christophe Brandy, viticulteur à Saint-Saturnin, en Charente. Depuis longtemps, j'essaie de diminuer les intrants tout en gardant un bon état sanitaire. Je vends chez Hennessy et il ne faut pas plaisanter… »
Pour réduire les doses, il a fait son apprentissage sur le site Agrometeo de l'Agroscope Changins Wadenswil, en Suisse. Ce site offre un module de calcul de la quantité de produit à appliquer en fonction de la surface foliaire à traiter. Il suffit de renseigner la hauteur et la largeur de feuillage, la distance interligne et la dose homologuée du produit.
« J'avais besoin de données plus précises »
Christophe Brandy a également testé Optidose, le module de réduction des doses développé par l'IFV. « Au début, je me suis fait peur, reconnaît-il avec le sourire. En début de saison, les doses préconisées ne représentent que 50 % des doses homologuées. Sur l'année, cela fait une réduction de 20 %. »
Mais il a voulu aller plus loin. Et il n'a plus trouvé son compte dans les avertissements agricoles, même s'il les utilise toujours aujourd'hui. Ces derniers donnent un niveau de pression de mildiou ou d'oïdium à l'échelle régionale. Or, « La contamination par l'oïdium ou le mildiou est souvent liée à un microclimat. J'avais besoin de données plus précises. »
C'est ainsi qu'il s'est intéressé à Promété et à son concepteur, Edouard Loiseau. Ce dernier lui a installé une station météo qui tourne avec un modèle estimant le risque mildiou, oïdium et black-rot. Christophe Brandy utilise les résultats du modèle comme un outil supplémentaire d'aide à la décision. L'avantage ? « Les données sont instantanées, alors qu'il y a souvent quatre à cinq jours de décalage entre la situation observée dans les vignes et le moment où l'on reçoit les avertissements. »
Concrètement, quelles informations délivre Promété ? « Le modèle me donne la virulence des attaques et leur fréquence pour chaque maladie. » Il décrit toutes les étapes du cycle de la maladie. Par exemple, pour le mildiou au début du printemps, il indique si les œufs d'hiver sont aptes à germer ou pas. Il annonce, en fonction des prévisions météo, le moment des contaminations primaires. Puis il calcule le temps d'incubation et la date des sorties de taches.
Ensuite, le modèle indique le risque de contaminations secondaires, la durée d'incubation et la date de sortie des nouvelles taches. Ces données, reliées aux prévisions météo, aident Christophe Brandy à décider du moment de ses interventions. Ensuite, il bascule sur Optidose pour déterminer la dose qu'il va appliquer.
Christophe Brandy utilise encore des produits puissants et chers, par sécurité. « Mais je crois qu'avec une vraie maîtrise de l'outil, on peut utiliser des produits plus basiques et diminuer encore les coûts de traitement. » D'ailleurs, il teste aussi des SDN, stimulateurs de défense naturelle, pour réduire davantage les quantités de fongicides.
3 200 € pour la station météo
Cette année, l'absence de pluie réduit la nécessité de traiter. « J'ai appliqué un premier antimildiou à 20 % de la dose homologuée et un antioïdium à 40 % de la dose le 5 mai, mais j'aurais pu ne rien faire. J'ai positionné un deuxième antimildiou à 20 % de la dose et un antioïdium à 50 % de la dose le 18 mai. Depuis, j'ai arrêté les traitements mildiou, du fait de la sécheresse », explique-t-il fin mai.
L'an dernier, Christophe Brandy a effectué six passages contre le mildiou avec un IFT, indice de fréquence de traitement, de 3,7. Quant à l'oïdium, « je n'ai fait aucun traitement à 100 % de la dose et j'ai un IFT de 2,6. Cela représente une économie totale de 1 700 euros par rapport à des traitements à pleine dose ». En 2009, cette économie était même de 3 600 euros.
La station météo coûte 3 200 euros, installation et formation comprises. Après 1 100 euros de défraiement de la formation par le FAFSEA, la station lui revient donc à 2 100 euros. « Avec les économies réalisées, je l'ai remboursée dès la première année. » Au coût de la station, il faut cependant ajouter 450 euros par an pour les mises à jour du logiciel et la transmission des données par GPRS.
« Que ce soit sur l'impact environnemental, le temps de travail ou l'économie financière, je suis gagnant partout », se félicite Christophe Brandy. Il a cependant un regret : « Ce qui est dommage, c'est que je fais ça tout seul dans mon coin. » Lui préférerait travailler en réseau. Mais ses collègues viticulteurs sont souvent réticents. Le message des fournisseurs de produits phyto est l'exact opposé de ce que préconise Promété et il est souvent difficile de faire la part des choses.
Le Point de vue de
Marc Raynal, de l'IFV pôle Bordeaux-Aquitaine
« Il faut vérifier que le modèle est fiable »
« Attention aux logiciels de préconisation qui utilisent la modélisation. Le risque vient du fait qu'on ne connaît pas toujours les modèles qui tournent sur ces logiciels. On ne sait pas comment ni sur quels secteurs ils ont été établis.
Et s'ils fonctionnent, ils ne disent pas si l'inoculum est présent dans la parcelle. Cela peut amener à sur-traiter… Quant au matériel météo, il doit être agréé. De plus en plus de matériels commercialisés ne sont pas reconnus par Météo France. Il faut aussi se poser la question de la fiabilité du modèle et de ce qu'il mesure exactement.
Il faut aussi vérifier que la station est bien entretenue. Si le modèle annonce un risque mildiou nul, c'est peut-être que le pluviomètre est bouché… Même si la démarche est individuelle, mieux vaut rester rattaché à un réseau qui assure un suivi. Enfin, je conseille aux vignerons qui utilisent ces modèles pour limiter les intrants de garder quelques pieds ou rangs de vigne non traités comme témoins, pour qu'ils se fassent leur propre opinion sur leurs pratiques. Cela permet de voir jusqu'où il est possible d'aller et d'avoir des alertes précoces en cas de dysfonctionnements de la station ou du modèle. »