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VIN

Méthode ancestrale, nouvelle jeunesse

Michèle Trévoux - La vigne - n°232 - juin 2011 - page 70

Cette méthode permet d'obtenir des vins effervescents avec des sucres résiduels qui plaisent aux jeunes. Elle a bénéficié des progrès en matière de filtration, de pasteurisation et d'analyse comme en témoignent les deux principaux opérateurs de Limoux.
CHEZ SIEUR D'ARQUES la blanquette de Limoux méthode ancestrale est conservée pendant neuf mois sur latte avant dégorgement. Ici, Guilhem Marty, directeur technique œnologue, mire une bouteille. © J.-C. GRELIER/GFA

CHEZ SIEUR D'ARQUES la blanquette de Limoux méthode ancestrale est conservée pendant neuf mois sur latte avant dégorgement. Ici, Guilhem Marty, directeur technique œnologue, mire une bouteille. © J.-C. GRELIER/GFA

«Les avancées technologiques ont sauvé la méthode ancestrale. Dans les années soixante-dix, elle était encore très archaïque. Les résultats étaient aléatoires et risqués tant financièrement que pour les manipulateurs du fait de l'explosion des bouteilles », affirme Guilhem Marty, directeur technique des caves Sieurs d'Arques, à Limoux (Aude), qui produisent chaque année 600 000 bouteilles de Première bulle, une blanquette de Limoux méthode ancestrale.

1,5 kg de vendange donne un litre de moût

Dans ce vignoble qui s'enorgueillit d'avoir donné naissance au premier vin effervescent du monde, le décret de la blanquette méthode ancestrale impose comme unique cépage le mauzac. « Nous sélectionnons des parcelles aux raisins fruités, avec 11° potentiels et une acidité comprise entre 5,5 et 6 g par litre », explique Patrick Buoro, l'œnologue de la maison Antech, à Limoux, qui produit 60 000 cols de blanquette méthode ancestrale par an.

Les raisins ramassés manuellement sont pressurés grappe entière à l'arrivée en cave. Le cahier des charges impose un rendement maximal de un litre de moût pour 1,5 kg de vendange. Les moûts sont ensuite réfrigérés entre 10 à 13°C pour un débourbage statique à froid. Puis les caves Sieurs d'Arques utilisent les levures sélectionnées à Limoux, alors qu'Antech table sur les levures indigènes. Chez Antech, la température des moûts est maintenue entre 15 et 17°C jusqu'à obtention de 3 % vol d'alcool. Elle est ensuite abaissée jusqu'à 0°C pour arrêter la fermentation à 4 % vol. Après dix jours de conservation en cuve à 0°C et après le soutirage, les vins sont filtrés sur terre et à nouveau conservés en cuve à 0°C jusqu'à la mise en bouteille en janvier.

Mise en bouteille à la nouvelle lune de mars

Une seconde filtration stérile sur membrane est réalisée juste avant le tirage en bouteille, éliminant la totalité des levures.

Pour faire partir la fermentation en bouteille, Patrick Buoro emploie des levures encapsulées dans des microbilles d'alginate. Cette technique supprime le remuage. Il suffit en effet de retourner les bouteilles pour que les billes tombent dans le goulot. Après quoi on peut les expulser lors du dégorgement.

Pour que la seconde fermentation se déroule à la même vitesse dans toutes les bouteilles, l'œnologue veille à avoir une température homogène de 12-13°C dans toute la cave. Il contrôle régulièrement la pression dans les bouteilles : dès qu'elle atteint 5 à 6 bars, ce qui correspond à 20 à 25 g par litre de sucres fermentés, il les dégorge pour stopper la fermentation. L'emploi des billes d'alginate convient mieux aux petits volumes, car il faut intervenir très vite dès que la pression atteint les 6 bars. Au-delà, on s'expose à des risques d'explosion de bouteilles.

Chez Sieur d'Arques, la première fermentation est stoppée par centrifugation puis filtration des moûts sur terre rose lorsque la densité tombe à 1 040. Le vin titre alors 5 % vol et contient encore 110 à 115 g par litre de sucres résiduels. Les vins à moitié fermentés sont ensuite maintenus en chambre froide. Ils sont collés à la bentonite, puis à nouveau filtrés pour éviter les risques de casse protéique. Ils restent ensuite à 0°C tout l'hiver.

Pasteurisation sous pression

C'est précisément à la nouvelle lune de mars qu'ils sont mis en bouteille. « Le tirage a toujours lieu au moment de cette nouvelle lune. Les anciens ont observé que la prise de mousse était meilleure. Cette pratique empirique a fait ses preuves », affirme Guilhem Marty.

La prise de mousse est le résultat de la reprise d'activité des levures toujours présentes dans le vin. La coopérative ajoute 6 cl/hl de bentonite liquide au moment du tirage pour faciliter la clarification à la fin de la prise de mousse. Dès que la pression atteint 6 bars, la fermentation est bloquée par le froid (-2 à 0°C). Puis les bouteilles sont pasteurisées (65 à 70°C pendant vingt minutes) sous pression pour éviter qu'elles explosent.

Le vin est ensuite conservé neuf mois sur lattes avant le remuage et le dégorgement. Il n'y a pas d'addition de liqueur d'expédition, ni de SO2. Le vin perdu lors du dégorgement est remplacé par quelques millilitres de blanquette méthode ancestrale.

Au final, la blanquette méthode ancestrale doit titrer 6 % d'alcool minimum, la teneur en sucres résiduels varie entre 80 et 90 g par litre avec une acidité totale proche de 4 g par litre d'équivalent H2SO4.

Pour le Pays nantais : une nouvelle porte d'entrée dans l'univers du vin

Marlise Guérin, d'Œnofrance Val de Loire.

Marlise Guérin, d'Œnofrance Val de Loire.

L'initiative revient au laboratoire Œnofrance qui a souhaité développer la méthode ancestrale dans le Pays nantais pour attirer une nouvelle clientèle dans les caveaux de vente. « La jeune génération a l'habitude de boire des bulles avec beaucoup de sucre. Les méthodes ancestrales sont une porte d'entrée pour les amener au vin », argumente Marlise Guérin, d'Œnofrance Val de Loire, à Tournebride (Loire-Atlantique). Avec l'appui des Vignerons indépendants, ce laboratoire a proposé aux viticulteurs une méthode adaptée aux caractéristiques du vignoble. Une vingtaine de producteurs ont tenté l'expérience cette année, parmi lesquels Dominique Hardy, qui exploite 38 ha de vigne au domaine de la Grange, à Mouzillon (Loire-Atlantique), et vend 80 % de sa production en bouteille. « Je suis parti avec le gamay, car je voulais un vin à petit degré, indique-t-il. Du point de vue réglementaire, je produis un Vins mousseux de qualité de type aromatique (VMQTA) dont le degré minimal est fixé à 7,5 % vol. Avec les autres cépages, je tombais dans la catégorie des vins mousseux, dont le degré minimal est de 9 % vol. Pour cette première année, j'ai vinifié 20 hl qui ont donné 3 000 bouteilles d'une nouvelle cuvée que j'ai baptisée Oser (prix de vente au caveau : 8 € la bouteille). Le produit plaît bien, c'est un bon complément de gamme. Mais je vais attendre de voir comment il évolue avant d'augmenter les quantités. »

L'indice de prise de mousse, un outil utile

Mis au point il y a une quinzaine d'années par l'Inra de Montpellier avec le syndicat des producteurs de méthode ancestrale de Limoux, l'indice de prise de mousse est un précieux outil. Il permet d'apprécier la fermentescibilité des vins avant la prise de mousse.

« Nous le réalisons avant le collage, juste après l'arrêt de la première fermentation », explique Guilhem Marty, le directeur technique des caves Sieurs d'Arques. Le test consiste à mesurer la consommation du sucre résiduel en conditions standardisées. S'il est inférieur à 10, la prise de mousse sera difficile. Mieux vaut assembler ce moût avec un autre dont l'indice est plus élevé. Si l'indice est compris entrez 10 et 20, la prise de mousse devrait s'effectuer dans les meilleures conditions. Si l'indice est supérieur à 20, la prise de mousse risque d'être trop rapide. Il convient de poursuivre la fermentation en cuve pour revenir à un indice inférieur à 20.

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