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UNITÉ DE TRAITEMENT. En janvier 2011, Œnodia a prêté une unité d'acidification membranaire aux Caves Richemer (ici, il s'agit d'une 30 hl/h). Pierre-Yves Rouillé l'a testée pour abaisser le pH d'un vin blanc de 3,45 à 3,3. © ŒNODIA
UN ÉCHANGE D'IONS. L'abaissement du pH se fait par élimination des ions K+ et enrichissement en ions H+. / RÉACTEUR. Une unité de traitement fonctionne avec un ou deux réacteurs composés d'un empilement de membranes où se font les échanges d'ions K+ et H+. Chacun permet de traiter 15 hl/h.
UNITÉ MOBILE. Avant d'investir dans du matériel d'acidification membranaire, la cave aura peut-être recours à la prestation de service.
VIN À ACIDIFIER. On branche les tuyaux de vin à pH élevé, l'eau, les tuyaux de sorties et on règle la valeur du pH souhaité. Puis, l'appareil fonctionne seul. © ŒNODIA
Pierre-Yves Rouillé le constate : de campagne en campagne, le pH des vins augmentent. Pour le directeur des Caves Richemer, à Marseillan, cela peut être dû au changement climatique, « et au fait que de plus en plus de marchés demandent des vins concentrés, ce qui nous pousse à ramasser des raisins très mûrs, qui perdent un peu en acidité. »
Un essai début 2011
Mais désormais, certains de ses clients négociants imposent une valeur précise au pH des vins à l'achat. Pour le côté gustatif et pour la stabilité des vins. C'est une des raisons qui a motivé Pierre-Yves Rouillé à tester l'acidification membranaire. Cette technique, autorisée par l'Europe fin 2010, se base sur le principe de l'électrodialyse mais avec une membrane bipolaire. Elle élimine les ions K+ du vin et l'enrichit en ions H+, ce qui permet d'abaisser le pH, ce paramètre étant d'autant plus bas que la teneur en ions H+ est élevée. « Jusqu'à présent, nous avions pour habitude d'acidifier les vins avec de l'acide tartrique ou malique, explique encore le directeur. Cette année, le prix de l'acide tartrique a doublé, atteignant presque 4 €/kg, et le malique reste cher (2,50 €/kg environ).» Or, la cave utilise chaque année 3 à 5 tonnes de ces acides sur une grande partie de ses blancs et rosés. Un sacré budget !
En janvier 2011, Pierre-Yves Rouillé décide donc de comparer trois techniques d'abaissement du pH sur 200 hl de vin blanc en appellation IGP Côtes de Thau. « Ce blanc était issu de terret, un cépage normalement assez vif, mais qui perd de l'acidité d'année en année », précise-t-il. Il acidifie un tiers du volume avec de l'acide tartrique, un tiers avec du malique et un tiers par procédé membranaire. La société Œnodia, seule à proposer cette technologie, lui prête un matériel de 15 hl/h de débit pour l'essai. L'acidification membranaire s'avère très efficace. Elle abaisse le pH de 3,45 à 3,3. Et d'après la dégustation le soir même de l'essai, elle ne « matraque » pas du tout le vin, ni ne le décharne. Tartricage et malicage ont aussi donné satisfaction. « Notre client qui a suivi l'essai a même préféré une de ces deux acidifications, car il recherchait un vin très mordant, à intégrer à un assemblage », reconnaît le dirigeant de la cave.
Un matériel autonome
Pourtant, le procédé membranaire garde un sérieux avantage : il permet d'atteindre un pH final précis à 0,01 près, en un seul passage. « Quand on ajoute de l'acide tartrique ou malique, on ne sait pas exactement le pH que l'on va obtenir, et il faut souvent s'y reprendre à plusieurs reprises. »
En outre, la technique membranaire est très simple d'utilisation. « On branche les tuyaux d'entrée et de sortie de vin et d'eau. On règle la valeur de pH voulue. Et ça tourne tout seul », décrit Pierre-Yves Rouillé. Comme avec un filtre tangentiel, il faut respecter les cycles et bien nettoyer le matériel. Les jus ou les vins doivent être assez clarifiés (par décantation ou filtration). Le matériel accessoire reste classique. « Si on veut lancer des traitements la nuit, il faut des tuyaux éprouvés, résistants à 10 bars, précise toutefois Pierre-Yves Rouillé. Même si l'appareil ne pousse qu'à 2 bars maximum. Car si un tuyau se détache, on peut perdre beaucoup de vin. »
Au départ, il aurait préféré utiliser l'acidification membranaire sur moûts, sur lesquels elle semble donner de bons résultats. Mais cela impliquerait de traiter un volume important en peu de temps, donc d'investir dans du matériel de grande dimension, plus cher.
L'acidification des vins – dont les résultats l'ont rassuré – ne pose pas de tels problèmes. « Nous pourrions nous contenter d'un petit modèle de 15 hl/h et échelonner les traitements de novembre à mai. » Il en est convaincu : cette technique va devenir incontournable. Pour la cave, c'est un nouveau moyen de répondre aux demandes des acheteurs, de leur livrer des vins (presque) tout prêts. « Abaisser le pH nous aide aussi à diminuer les doses de SO2 », renchérit-il.
Des membranes onéreuses
Dès la prochaine campagne, la cave pourrait avoir recours à l'acidification membranaire en prestation. Puis investir dans une unité d'ici 2012. « La grande inconnue est le coût de maintenance, car nous ne connaissons pas la fréquence de remplacement des membranes, onéreuses. » Si la cave investit, ce sera pour traiter au moins la moitié de sa production, soit 50 000 hl de blancs et rosés. Et pourquoi pas une partie des rouges, dont les pH grimpent aussi.
Le Point de vue de
Jean-Louis Escudier, directeur de l'Inra Pech- Rouge, à Gruissan (Aude)
« Ce procédé consomme peu d'énergie »
Jean-Louis Escudier, directeur de l'Inra Pech-Rouge, à Gruissan (Aude) © C. SLAGMULDER/INR
« Avec l'acidification membranaire, on ne retire que l'élément nécessaire pour abaisser le pH, à savoir l'ion K+. Le procédé préserve donc les composés du vin et est très précis. Et il est efficace en n'enlevant que peu de K+. Il évite aussi d'incorporer des adjuvants au vin. Lorsqu'on acidifie à l'acide tartrique, il faut ensuite traiter au froid et refiltrer, ce qui est contraignant et consomme de l'énergie. L'acidification membranaire, elle, est économe en électricité (environ 0,2 kWh par hl de vin). La membrane doit être bien nettoyée après l'opération, mais elle n'a pas besoin d'être régénérée comme c'est le cas pour les résines échangeuses d'ions, testées pour acidifier le vin. Enfin, elle est intéressante si le pH est vraiment élevé et difficile à abaisser avec de l'acide tartrique. Cependant, le vin ne doit pas être trop chargé. En général, il faut donc le préfiltrer. Le prix des machines est élevé, mais elles sont disponibles en prestation de service. Actuellement, nous travaillons sur le procédé inverse, la désacidification, en changeant de membrane. »
