Retour

imprimer l'article Imprimer

DOSSIER - Savoir vendre le développement durable

Savoir vendre le développement durable

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°235 - octobre 2011 - page 24

Coopératives et vignerons ont pris le virage du développement durable en se lançant dans des actions concrètes pour réduire les déchets et la pollution, améliorer la sécurité et la santé des salariés ou préserver la biodiversité. Tout un travail qu'il est temps de faire connaître.
« Le consommateur n'est pas prêt à payer plus cher pour un bordeaux issu du développement durable. » Pascale Bazoche

« Le consommateur n'est pas prêt à payer plus cher pour un bordeaux issu du développement durable. » Pascale Bazoche

«Le développement durable est un facteur de compétitivité pour les entreprises. » Yann Chabin

«Le développement durable est un facteur de compétitivité pour les entreprises. » Yann Chabin

« Le développement durable est pratiqué dans la filière viticole, mais cela ne se sait pas encore. Pendant longtemps, les opérateurs ont axé leur communication uniquement sur leurs produits », souligne Yann Chabin, docteur en management.

Il faut dire que la communication sur le développement durable (DD) n'est pas simple. Cela pour plusieurs raisons, à commencer par la multiplicité des normes, certifications et logos en tout genre. S'ajoute à cela la complexité de la démarche elle-même, qui regroupe des questions aussi diverses que la sécurité sanitaire des produits et la préservation de l'environnement.

Transparence totale

Yann Chabin soulève encore un dernier frein. « Il y a un risque à communiquer sur le développement durable car cela demande une transparence totale dans toutes les strates de l'entreprise. Il faut être bon partout. Une entreprise revendiquant son engagement dans ce domaine et qui vend du merlot pour du pinot noir, ça ne passe vraiment pas », explique-t-il.

Surmontant ces obstacles, des domaines et des coopératives parviennent à expliquer clairement leur démarche en la matière, comme le montre notre enquête. Tous se sont lancés dans des actions concrètes pour réduire les déchets, traiter la pollution, améliorer la sécurité et la santé des salariés ou encore protéger la biodiversité sur leurs terres. Bref, tout un travail qu'avec du temps, de la pédagogie et de l'astuce, ils arrivent à expliquer au grand public et aux acheteurs professionnels. Pour quels bénéfices ?

Pascale Bazoche et deux autres chercheurs de l'Inra ont mené une étude financée par l'Agence nationale de la recherche, qui décortique l'attitude des consommateurs vis-à-vis d'une agriculture économe en pesticides. Ils ont choisi 139 consommateurs de la région parisienne. « Nous avons mis les participants en condition d'achat et en leur demandant le prix qu'ils étaient prêts à payer pour différents vins », indique-t-elle.

« Un facteur de compétitivité »

Le résultat est décevant. « Le consommateur est prêt à payer le même prix pour un bordeaux produit en conventionnel et pour un bordeaux issu du développement durable », constate Pascale Bazoche. Selon cette étude, seuls quelques consommateurs sont prêts à débourser plus que pour un vin issu de l'agriculture biologique.

Notre enquête ne montre pas autre chose : aucune des caves interrogées n'a pu augmenter ses prix au motif qu'elle est engagée dans le développement durable. En fait, l'intérêt est ailleurs. « Le DD est un facteur de compétitivité pour les entreprises », observe Yann Chabin. Il impose de mieux s'organiser et de mieux impliquer ses salariés.

De plus, il devient incontournable. « Au Canada, lors de ses appels d'offres, la Société des alcools du Québec va retenir de plus en plus d'entreprises qui répondent à des critères précis en matière de gestion de l'eau, de produits phytosanitaires et d'écoconception », prévient Yann Chabin.

L'ICV, l'Institut coopératif du vin, basé à Montpellier (Hérault), en est convaincu. Sous son impulsion, une dizaine de coopératives du Midi (800 coopérateurs, 600 salariés, 1 million d'hectolitres et 18 700 hectares) se sont regroupées dans une association en 2010. Elles ont créé la marque « Vignerons en développement durable » pour faire connaître leurs efforts en la matière.

Chaque cave a concocté son rapport de développement durable, « un préambule à tout plan de communication, qui permet de recenser les actions et d'amener des pistes d'amélioration », souligne Patrice Montagné, responsable des services qualité et développement durable de l'ICV. Un site internet a été lancé. Une réflexion est en cours pour communiquer sur les réseaux sociaux.

Les caves et l'ICV ont injecté un budget global de 800 000 euros dans la démarche DD, avec notamment le soutien de la région Languedoc-Roussillon. Patrice Montagné a fait les comptes : 122 jours de formation pour les salariés et les coopérateurs, 62 jours d'ateliers collectifs, 17 présentations de la démarche dans les colloques et 1 000 jours individuels d'accompagnement. Le mouvement ne va pas s'arrêter là. Il essaime dans d'autres régions, pour y associer des coopératives du Val de Loire et de la Bourgogne. Histoire d'être plus forts.

Répondre aux besoins du présent sans compromettre le futur

Le développement durable ? Une expression galvaudée et fourre-tout dans l'esprit du consommateur. Loin de le restreindre au seul volet de lutte contre la pollution, le développement durable recouvre un spectre très large. Il repose sur trois piliers : la préservation de l'environnement, de l'équité sociale et de l'efficacité économique. Ainsi doit-il permettre de protéger le tissu économique d'une entreprise, sa compétitivité sur les marchés, tout en se souciant de la sécurité et de la santé des salariés, du social en favorisant le dialogue avec toutes les parties prenantes qui gravitent autour de la structure. Sans oublier les objectifs environnementaux avec la valorisation des paysages et du milieu naturel.

Le rapport Brundtland, établi en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement, donne cette définition du développement durable : « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. » À méditer.

Cet article fait partie du dossier Savoir vendre le développement durable

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :