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ACTUS - POUR OU CONTRE

Faut-il interdire la chaptalisation des liquoreux ?

Propos recueillis par Colette Goinère - La vigne - n°236 - novembre 2011 - page 32

Le débat rebondit du fait de la réglementation européenne.

Pour certains, la chaptalisation est une pratique indispensable pour obtenir des vins de qualité homogène, y compris dans des millésimes difficiles. Pour d'autres, elle est à bannir. Ces derniers s'appuient sur le texte de l'OCM-vin de 2008 indiquant que « le vin a un titre alcoométrique volumique total (TAVT) non supérieur à 15 % vol. » tout en autorisant un dépassement de cette limite tant qu'il n'y a aucun enrichissement. Autrement dit, seuls les vins non enrichis peuvent dépasser 15 % vol. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Car la réglementation européenne précise aussi qu'il peut y avoir des vins enrichis avec un TAVT supérieur à 15 % à condition que cela soit prévu par les cahiers des charges. Quoi qu'il en soit, la Commission européenne va examiner en 2012 les cahiers des charges des AOC françaises, parmi lesquelles celles de liquoreux qui fixent bien au-dessus de 15 % vol. la limite pour les vins enrichis. Les liquoreux se verront-ils interdits de chaptalisation ? La question est posée. Peut-on éliminer une pratique qui, suivant les années, concerne un ou deux tiers des opérateurs pour au moins un lot ? La Cnaoc a allumé le contrefeu en produisant un dossier auprès de la Commission européenne, estimant qu'il s'agit d'une pratique cohérente avec la prise de risque liée au mode de récolte.

Le Point de vue de

CONTRE

« Non. C'est un coup de pouce qui nous est offert »

Philippe Dejean, président des Sweet Bordeaux, onze appellations de vins moelleux et liquoreux

Philippe Dejean, président des Sweet Bordeaux, onze appellations de vins moelleux et liquoreux

« La chaptalisation a toujours été considérée comme une pratique exceptionnelle, autorisée lorsque le soleil fait défaut. Depuis dix ans, la nature nous a aidés. De ce fait, nous utilisons peu la chaptalisation. Mais va-t-on continuer à profiter de ces bonnes conditions ? Nous n'avons pas la réponse. Il faut jouer avec les aléas. La chaptalisation apparaît alors comme une roue de secours. C'est un coup de pouce qui nous est offert. Je remarque que les liquoreux sont visés dès que le mot de chaptalisation est prononcé, alors que des blancs, des rouges et des effervescents peuvent aussi être chaptalisés. Je crois qu'il faudrait oublier ce mot pour parler d'enrichissement. Je préconise aussi d'autres méthodes. Il y a les moûts concentrés rectifiés, mais cela suppose de travailler avec des raisins venus d'ailleurs, ce qui peut poser problème. Je penche pour la technique soustractive, qui est la plus respectueuse. Il y a quelques années, nous l'avions testée. Les résultats ont été très probants, mais l'Inao n'a jamais accordé l'autorisation Le fond du problème est ailleurs, dans le fait que nous n'avons pas d'appellation de repli. En AOC Sauternes, nous ne pouvons faire que des liquoreux. Si nous pouvions aller vers un moelleux, tout serait plus simple. Mais on est dans le domaine du rêve. »

Le Point de vue de

POUR

« Oui. Lorsqu'on n'est pas capable de faire des liquoreux, il faut s'abstenir »

François Chidaine, président du syndicat de Montlouis

François Chidaine, président du syndicat de Montlouis

« Il n'y a aucune raison de chaptaliser les liquoreux. Que cela soit une pratique exceptionnelle, pourquoi pas. Mais de là à devenir une rustine systématique pour ceux qui font pisser la vigne, cela ne me semble pas relever d'une gestion saine. Quand un consommateur s'offre un vin liquoreux, la chaptalisation n'est pas indiquée. En fait, il est dupé. Le marché du liquoreux joue dans le haut de gamme. Il ne nécessite pas d'avoir recours à la chaptalisation, laquelle amène à un vin standardisé puisqu'elle pallie un manque de la nature. Cette technique est utilisée quand la qualité fait défaut. Nous sommes le seul pays d'Europe à vouloir la conserver. Les tenants de la chaptalisation invoquent l'argument lié à l'équilibre du vin. C'est une hérésie. Elle permet surtout d'augmenter les volumes et de prendre moins de risques par rapport à la qualité des raisins. Cette technique est très ancrée dans les esprits. Toutes les AOC françaises sont confrontées à cette problématique. J'estime que lorsqu'on n'est pas capable de faire des liquoreux, il faut s'abstenir. C'est en étant exigeant sur la qualité et en produisant moins que l'on valorise le produit. Je reste convaincu que la Cnaoc n'a pas le courage d'imposer une politique de rigueur, préférant faire plaisir au plus grand nombre. Ce n'est pas une façon de préparer l'avenir. »

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