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DOSSIER - Transmission : L'affaire d'une vie

Des outils juridiques et fiscaux pour alléger les droits

Aurélia Autexier - La vigne - n°236 - novembre 2011 - page 72

La loi favorise ceux qui s'engagent dans un bail à long terme ou dans une société.

« Dans le cadre des transmissions familiales à titre gratuit, deux outils juridiques et fiscaux permettent de réduire de manière importante les droits de succession : le bail à long terme et la convention de conservation des titres d'une société », expose Philippe Laveix, notaire à Sauveterre-de-Guyenne (Gironde).

En effet, lorsqu'un bien fait l'objet d'un bail à long terme, les trois quarts de sa valeur jusqu'à 100 000 euros, puis la moitié au-delà de cette somme, sont exonérés de droits de succession. Cet allégement vaut par donateur (parents) et par donataire (enfants). Ainsi, lorsqu'un enfant reçoit une vigne valant 200 000 euros, donnée à bail à long terme, le fisc ne calcule les droits de succession que sur 75 000 euros. Pour bénéficier de cet avantage, les successeurs doivent conserver le bien pendant cinq ans à compter de la donation ou de la succession. Le fermier peut être l'un des enfants. Cette règle vaut pour les terres détenues à titre privé comme pour les parts d'un GFA propriétaire d'un bien faisant objet d'un bail à long terme, c'est-à-dire d'au moins dix-huit ans.

Conditions à remplir

La législation sur la transmission des sociétés ou des parts de société est encore plus avantageuse. À condition d'établir une convention de conservation des titres, on bénéficie d'une exonération de droits de succession sur les trois quarts de la valeur transmise. La règle s'applique sans plafond et à toutes les entreprises, qu'elles soient agricoles ou non. Il y a toutefois des conditions essentielles à remplir. Il faut que les bénéficiaires conservent les parts ou l'entreprise pendant au moins quatre ans à compter de la donation ou de la succession. Il faut aussi que l'un des bénéficiaires ou le donateur conserve une fonction de direction pendant au moins trois ans. Toutes les conditions figurent dans l'article 787 B du code général des impôts.

Deux aides accessoires

Le droit prévoit des abattements en cas de donation qui dépendent du lien qui unit le donateur (celui qui donne) et le donataire (celui qui reçoit). Ainsi, depuis le 1er janvier 2011, il est possible de donner 159 325 euros à chacun de ses enfants, tous les dix ans, sans acquitter de droits. Ce montant est revalorisé chaque année. Autre ficelle à connaître : la créance de salaire différé. Elle bénéficie aux enfants qui ont été aides familiaux.

77 800 € A PAYER La famille Imprévoyant

Malgré ses 72 ans, Jésus Imprévoyant n'a jamais voulu passer la main. Persuadé qu'envisager sa disparition pourrait lui porter malheur, il n'a jamais voulu aborder le sujet. Notre homme meurt brutalement d'une crise cardiaque sans avoir préparé sa succession. Ses filles, Nina et Ninon, qu'il n'est pas parvenu à intéresser à la viticulture, n'ont aucune envie de s'engager sur le domaine. Elles devront payer des droits de succession sur les 3 millions d'euros que vaut l'exploitation, soit 778 000 euros.

On s'en doute, elles n'auront d'autres choix que de vendre la propriété.

420 000 € A PAYER La famille Indécis

Jean Indécis est d'un naturel plutôt prévoyant, mais ses enfants, Tim et Tom, ont bien du mal à se projeter dans l'avenir. Jean décide donc de leur faire une donation de la nue-propriété du foncier et de l'entreprise. Il conserve l'usufruit qui est valorisé à 30 % de la pleine propriété par le barème fiscal, compte tenu de son âge. Tim et Tom restent libres de leur destin et ne prennent aucun engagement concernant la propriété. Au moment de la donation, ils acquittent des droits sur 70 % seulement de la valeur de l'exploitation. Ces droits s'élèvent à 420 000 euros. À la mort de leur père, ils deviendront pleinement propriétaires sans payer de droits supplémentaires. Ils choisiront alors de reprendre ou non l'exploitation…

203 000 € A PAYER La famille Bonpater

Luc Bonpater est un père de famille avisé. À 72 ans, se voyant vieillir, il distingue son patrimoine foncier de son exploitation en créant une société d'exploitation. Pour exploiter ses terres, il accorde un bail à long terme à cette nouvelle entité juridique. Paul et Virginie, ses deux enfants, ont terminé leurs études. L'un est œnologue, l'autre est titulaire d'un BTS en commerce des vins. Ils envisagent de reprendre le domaine familial. Pour préparer sa succession, Luc Bonpater fait une donation en nue-propriété du foncier et des parts de sa société d'exploitation. Il conserve l'usufruit valorisé à 30 % de la pleine propriété. Paul et Virginie s'engagent à conserver le foncier pendant cinq ans à compter de la donation. Ils ne veulent pas prendre d'autres engagements vis-à-vis de l'exploitation, car ils veulent voir du pays avant de s'installer…

Bénéficiant des avantages liés à la transmission d'un bien faisant l'objet d'un bail à long terme, ils n'acquittent que 203 000 euros. À la mort de leur père, Paul et Virginie deviendront pleinement propriétaires sans acquitter de droits supplémentaires.

98 000 € A PAYER La famille Toutracet

Jay Toutracet a créé une société d'exploitation qui loue ses terres à un bail à long terme. Ses enfants, Prosper et Parfait, se destinent à reprendre l'exploitation. Ils s'engagent donc à conserver le foncier pendant cinq ans, à poursuivre l'exploitation pendant quatre ans et à prendre une fonction de direction pendant trois ans. Jay Toutracet leur donne son foncier et ses parts de la société d'exploitation en nue-propriété. Prosper et Parfait ne paieront que 98 000 euros de droits, car ils bénéficient de l'avantage sur le foncier donné à bail et de celui sur les sociétés faisant l'objet d'une convention de conservation des parts. À la mort de leur père, ils reprennent l'exploitation dont ils sont devenus indivisaires ou/et associés.

38 000 € A PAYER La famille Pote

Jack Pote sait anticiper. Il a préparé sa succession en constituant une société d'exploitation propriétaire du foncier et de l'ensemble des biens d'exploitation. De son vivant, il donne en nue-propriété les parts à ses deux enfants, Victoire et Richard. Passionnés par le domaine familial, ils n'ont aucun mal à s'engager à conserver les parts de la société pendant quatre ans et une fonction de direction pendant trois ans. Au moment de la donation, ils acquitteront 38 000 euros, car tous les biens de leur père sont détenus par une société.

À sa mort, ils reprendront l'exploitation dont ils seront propriétaires et associés.

Cet article fait partie du dossier Transmission : L'affaire d'une vie

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LE SCÉNARIO

Un père de famille, âgé de 72 ans, a deux enfants. Il est à la tête d'une exploitation viticole prospère.

Le foncier, composé d'une quarantaine d'hectares et de bâtiments en bon état, est évalué à 2 millions d'euros.

Le capital d'exploitation, comprenant le matériel, les stocks, la cuverie, etc. est évalué à un million d'euros.

Sur ce simple scénario, nous avons imaginé cinq histoires très différentes en fonction du caractère du père, de l'organisation du patrimoine, de l'âge et des souhaits des enfants. Ces cinq fables montrent qu'il est essentiel de préparer sa transmission pour bénéficier des avantages accordés par la loi. Plus les parents sont prévoyants et les enfants impliqués dans l'exploitation, moins la transmission coûte cher, comme le montrent nos exemples réalisés avec l'aide du réseau de notaires Jurisvins. Ainsi, les enfants de monsieur Imprévoyant paient vingt fois plus de droits pour recevoir le même bien que ceux de Jack Pote… À méditer.

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