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DOSSIER - Transmission : L'affaire d'une vie

3. C'est en cours... « Chacun de nos enfants a sa place »

Alexie Valois - La vigne - n°236 - novembre 2011 - page 84

Le Château de Brigue est l'un des plus grands domaines familiaux de l'AOC Côtes-de-Provence. Fernand Brun passe la main à ses quatre fils, aux compétences très complémentaires.
Fernand, Olivier et Christian Brun, dans la cave du Château de Brigue située au Luc-en-Provence (Var). © A. VALOIS

Fernand, Olivier et Christian Brun, dans la cave du Château de Brigue située au Luc-en-Provence (Var). © A. VALOIS

Vaste domaine de 112 ha, le Château de Brigue possède des parcelles sur plusieurs communes : Cabasse, Gonfaron, Le Cannet-des-Maures et Le Lucen-Provence (Var). Quinze cépages donnent chaque année 4 200 hl travaillés à 80 % en rosés pour une clientèle de particuliers et de restaurateurs. L'exploitation réalise un chiffre d'affaires de 600 000 euros. « C'est un bien volumineux… », lance Fernand Brun, qui est en train de le transmettre à ses enfants.

Son père Roger, autodidacte, a créé le domaine dans les années soixante-dix. Fernand suit un cursus d'ingénieur à l'École nationale supérieure d'agronomie et des industries alimentaires de Nancy, en Meurthe-et-Moselle, et se spécialise dans l'étude des sols. La recherche fondamentale l'attire, mais il décide d'aider ses parents tout en développant une activité horticole.

Dans les années quatre-vingt, il se consacre entièrement au vignoble. Exploitant en nom propre, il reprend en fermage les terres de son père et agrandit le domaine petit à petit en achetant ses propres parcelles. Il sélectionne les cépages les mieux adaptés aux différents terroirs, investit dans du matériel et de la cuverie.

Martine et Fernand Brun ont quatre fils : Jean-Michel, Christian, Olivier et Frédéric. Ces garçons aident leurs parents pendant les vacances scolaires. « Dès l'âge de sept ans, ils apprenaient avec leur mère à attacher la vigne, le palissage, l'ébourgeonnage, la mise en bouteille… Je crois qu'ils ont tout de suite aimé ce métier », se souvient Fernand Brun. « Nous habitions l'appartement au-dessus de la cave où loge aujourd'hui Christian », précise Martine.

« L'école maternelle jouxtait notre caveau. En septembre, je regardais par la fenêtre les tracteurs chargés de raisins passer sous mes yeux », relate Olivier Brun. Grandissant dans le vignoble, les quatre frères Brun s'imprègnent des gestes et des tâches quotidiennes en suivant l'exemple de leurs parents.

Plusieurs entités juridiques

Fernand, qui a été expert agricole et foncier pendant vingt-cinq ans, a séparé l'exploitation du patrimoine pour éviter d'hypothéquer son capital si l'entreprise connaissait des difficultés. « Nous disposons de trois entités juridiques : un Gaec et deux GFA. Je suis le gérant du Gaec. Mes fils en sont salariés. Nous sommes tous associés, explique Fernand Brun qui s'est fait conseiller par son notaire de Vidauban, et par le Centre de gestion agricole du Var situé à La Crau. Le premier GFA a été créé en 1984. Il appartient à mon épouse et à moi-même. Il comprend une trentaine d'hectares, la maison de Gonfaron où habite Frédéric, la ferme attenante où l'on remise les tracteurs et la machine à vendanger. Un second GFA a été créé en 1999 : 30 ha, dont mes parents ont l'usufruit et mes quatre fils la nue-propriété, avec 25 % des parts chacun. Je conseille vivement de procéder ainsi, car il est plus facile de céder des parts de société que de céder des terres.» Il ajoute : « Enfin, il y a mes propres terres, une cinquantaine d'hectares de bois, de vignes et de terres de labour. J'envisage de créer un troisième GFA d'ici 2013, dont je garderai l'usufruit et je céderai gratuitement la nue-propriété à mes fils. Je céderai aussi mes parts du Gaec, mais la nouvelle organisation n'est pas encore décidée. Quant au premier GFA, nous le leur transmettrons dans un second temps. »

Les enfants ont des profils bien différents et complémentaires. L'aîné, Jean-Michel, 36 ans, est un terrien qui aime le travail de la vigne. Il a fait le lycée agricole des Arcs, l'armée, puis est venu travailler avec son père. Christian, 35 ans, a suivi des études de comptabilité à Aix-en-Provence. « Il est plus intéressant pour moi de pérenniser l'entreprise familiale que de m'investir ailleurs », assure-t-il. Son savoir-faire de directeur administratif et financier du Gaec et ses connaissances en informatique sont essentiels pour l'exploitation.

Avec un BEP commerce et un bac pro « vente à clientèle étrangère », Olivier, 32 ans, développe les ventes. Enfin, Frédéric, 24 ans, le benjamin du quatuor a pris en charge les vinifications et le suivi de la qualité, après avoir suivi une formation de technicien à l'université du vin de Suzela-Rousse (Drôme). Il a spontanément repris les livraisons dans les Alpes-Maritimes que son père assurait autrefois.

Alliance fraternelle

« Nos enfants se sont aperçus qu'il serait plus facile pour eux de s'adapter au domaine familial que de travailler ailleurs », estime Fernand Brun. « Chacun a pris sa place et fait ce qu'il aime faire », ajoute Olivier Brun. Cet assemblage idéal dénote beaucoup de bon sens, de respect de chacun et un esprit de famille très solide.

Parce qu'il était difficile pour Fernand de diriger ses fils, il a fait appel à un conseiller économique et financier qui a géré l'entreprise depuis l'extérieur pendant trois ans. « Ceci ne convenait pas à mes fils. Mais il y a eu un effet positif : ils se sont pris en charge », raconte-t-il. Désormais, les décisions importantes sont discutées et, souvent, « Christian, prend le dessus et tranche », remarque le père.

Fernand Brun s'efface peu à peu, mais ses qualités se sont transmises à ses enfants. « Les relations sont saines entre mes fils. Et lorsque des réticences apparaissent, il y en a toujours un pour arrondir les angles. »

La plus grosse difficulté Trouver de nouveaux débouchés

« D'une consommation courante, notre clientèle est passée à une consommation occasionnelle de vin, ce qui nous a obligés à revoir totalement la commercialisation de notre production », explique Fernand Brun. Pour pérenniser l'entreprise familiale, il ne suffit pas de la transmettre. La plus grande difficulté est de trouver de nouveaux débouchés rentables et valorisants pour l'avenir. Le Château de Brigue multiplie les initiatives : développement de l'export notamment vers le marché asiatique, promotion d'un rosé pétillant haut de gamme « Bulle de Brigue », vinifications destinées à la grande distribution et test d'anciens cépages hybrides pour produire des vins naturels.

Cet article fait partie du dossier Transmission : L'affaire d'une vie

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REPÈRES

Le cédant : Fernand Brun.

Situation actuelle : chef d'exploitation.

Âge : 64 ans.

Successeurs : Jean-Michel, Christian, Olivier et Frédéric, ses quatre fils.

L'exploitation : 112 ha en Côtes-de-Provence.

La transmission en dates

1973 à 2000 : Fernand Brun est exploitant en nom propre.

1998 : Jean-Michel Brun, le fils aîné, commence à travailler avec son père en tant que salarié.

2000 : création du Gaec. Les parents et les enfants sont associés.

2000 : Olivier devient salarié du Gaec.

2004 : Arrivée de Christian.

2010 : Arrivée de Frédéric.

2012 : Fernand prendra sa retraite et cédera ses parts du Gaec, en donation-partage à ses quatre fils.

L'essentiel de l'offre

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