À moins d'un rebondissement, l'exploitation de 7,2 ha de Thérèse et Bernard Steinbach, à Nothalten, dans le Bas-Rhin, vit ses derniers mois. Bernard Steinbach a 63 ans. Toute sa vie, il s'est destiné à la vigne. Il a repris les 5 ha de son père en 1974 et s'est marié en 1980. Il a passé le relais à son épouse Thérèse en 2006 pour qu'elle cumule assez d'années de cotisations pour prétendre à une retraite pleine. La même année, le couple a réduit la voilure. Il renonce à des locations et vend quelques parcelles, soit 3,8 de ses 11 hectares.
« Nos deux filles sont actives dans le domaine médical et social. Ni l'une, ni l'autre ne souhaite reprendre, déplore le couple de viticulteurs. Elles connaissent pourtant le métier. Nous les avons toujours emmenées dans les vignes. Nous leur avons montré, expliqué. Elles ont toujours participé à la vie de l'exploitation. Nous partions peu en vacances et, avec le caveau, il n'y avait pas vraiment de week-end. Elles nous ont dit qu'elles ne souhaitaient pas travailler 360 jours par an. Quand elles ont poursuivi leurs études à l'université, nous avons compris que les chances que l'une d'elles nous succède étaient très minces. Notre espoir était que l'une revienne un jour avec un gendre intéressé pour reprendre ou bien qu'elle change d'avis à la fin de ses études. Mais rien de tel ne s'est passé. »
Un seuil psychologique à franchir
Jusqu'en 2006, Thérèse et Bernard emploient successivement deux ouvriers, mais aucun ne souhaite reprendre leur exploitation.
Plus récemment, Bernard rencontre une jeune œnologue tentée par une installation. « Il lui aurait fallu racheter progressivement les parts de l'EARL. Mais il y a aussi trois logements situés dans le prolongement l'un de l'autre, les bâtiments d'exploitation et tout le matériel. Je comprends que cela puisse faire peur », lance le viticulteur alsacien.
Bien qu'il y songe, Bernard reconnaît que la décision de céder est un seuil psychologique que le couple a du mal à franchir. « Nous sommes passionnément attachés à ce domaine pour lequel nous avons consenti beaucoup de sacrifices. La décision la plus importante de toute notre vie reste à prendre. Nous avons toujours su qu'il faudrait partir un jour. Mais on s'accroche jusqu'au dernier moment en se disant qu'on a encore le temps. Nous avons tourné autour du pot sans voir la réalité en face. »
« Prolonger l'exploitation d'un an »
En vitesse de croisière, Thérèse et Bernard vendaient quelque 55 000 bouteilles par an et du vrac. Leur idée était de poursuivre ainsi jusqu'à fin 2013, date à laquelle Thérèse pourra prendre sa retraite. Mais fin 2009, Bernard tombe gravement malade. Les médecins lui interdisent de boire la moindre goutte d'alcool. Il ne peut plus vinifier. Depuis deux récoltes, il vend ses raisins à un négociant et écoule son stock. Ses cuves sont vides et les clients s'éloignent peu à peu. « Tout est prêt à repartir », précise Bernard. Mais comment imaginer que le cours des événements puisse encore s'inverser ? Comment imaginer une autre issue que le démembrement ? Le viticulteur sait qu'il n'aura aucun souci pour louer ou vendre son foncier. Plusieurs voisins lui ont déjà fait part de leur souhait d'acquérir ses vignes. D'autres sont prêts à lui racheter du matériel.
Bernard conserve le secret espoir de trouver une autre solution : « Je suis prêt à discuter avec un intéressé s'il se présente. S'il le faut, et si la santé nous le permet, nous pourrions prolonger l'exploitation d'un an. » Début septembre, Bernard a découpé la petite annonce d'un candidat qui cherche à acheter en vue de s'installer. « Je la garde dans un tiroir. Mais je n'ai pas encore eu le courage d'appeler », avoue-t-il. Avant de lâcher : « Nous aurions dû nous y prendre plus tôt. »
Une exploitation en ordre de marche
Bernard Steinbach a régulièrement renouvelé son matériel. Sa cave peut loger 1 000 hl dans des fûts en inox et en béton verré. Il dispose d'une ligne d'embouteillage de 1 200 cols/heure, d'une capacité de stockage d'environ 100 000 bouteilles, d'un caveau de vente directe et d'un hangar à matériel de 320 m2 dont la toiture vient d'être couverte de panneaux photovoltaïques. Son exploitation est installée sur un terrain qui s'étire de la rue principale du village jusque dans les vignes. Près d'un hectare de vignes est attenant au site.