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DOSSIER - Recensement agricole : Le nouveau visage de la viticulture

BORDEAUX Priorité à la réduction des charges

Colette Goinère - La vigne - n°238 - janvier 2012 - page 44

En dix ans, les exploitations girondines sont devenues des entreprises viticoles. Plus grandes, plus concentrées, elles sont à la recherche de gains de productivité pour baisser les coûts de production.
La viticulture en Gironde

La viticulture en Gironde

Le sait-on vraiment ? La viticulture de Gironde est la première de France à avoir la majorité des surfaces et des exploitations sous forme sociétaire. Les exploitations individuelles, majoritaires en 2000, n'ont cessé de perdre du terrain. « Elles sont moins d'une sur deux (45 %) en 2010 contre les deux tiers dans le reste de la France viticole », observe Jacky Bonotaux, responsable du pôle études et prospectives au sein de la Draaf Aquitaine. En 2010, le tiers des sociétés civiles viticoles de France est recensé en Gironde. Avec une surface moyenne de 27 hectares, elles cultivent 40 % du vignoble girondin contre 20 % dans le reste du pays.

Externalisation pour mieux réduire les coûts

Autre élément de changement : on s'oriente vers des propriétés de plus en plus grandes, qui constituent le cœur de la viticulture girondine. « Avec l'installation de mon fils qui reprend 36 ha en fermage, nous allons passer à 60 ha, expose Patrick Festal, viticulteur à Margueron (Gironde) à l'EARL Les Feneteaux. Il y a quelques années, je n'aurais jamais imaginé grossir si vite. L'agrandissement, c'est le seul moyen de maintenir l'exploitation familiale et de réduire nos charges en matériels et en personnel. »

Les propriétés de 50 ha et plus sont en plein boum. Ce segment est quasiment le seul à enregistrer une hausse de ses effectifs (+ 17 %) et de ses surfaces moyennes qui passent de 75 ha en 2000 à 80 ha en 2010.

Ces mêmes moyennes et grandes exploitations recourent à l'externalisation. Histoire de réduire les coûts. À elle seule, la Gironde « consomme » la moitié des journées d'entreprise de travaux agricoles (ETA) viticoles de la France entière. De même, la viticulture girondine est gourmande en main-d'œuvre. Elle emploie quatre ETP (équivalent temps plein) par exploitation contre moins de deux dans le reste du vignoble français. Reste que, dans ce premier département employeur viticole, la main-d'œuvre familiale a fondu en dix ans (29 %). Autre caractéristique : le salariat, permanent ou saisonnier, s'est replié plus vite en dix ans (8 %) que la surface viticole (5 %). Les chefs d'exploitation ont dû faire des économies de main-d'oeuvre durant les années de crise.

Vieillissement des salariés

À cela, il faut ajouter le vieillissement des salariés permanents. Les plus de cinquante ans pèsent lourd : le quart des effectifs contre 18 % en 2000. La Draf a fait ses comptes : d'ici dix ans, 3 000 postes seront à pourvoir. Un vrai problème.

« Dès 2003, nous avons senti une cassure, souligne Philippe Abadie, responsable du service économique de la chambre d'agriculture de la Gironde. La dynamique était stoppée. Nous avons constaté une chute subite des effectifs dans les formations. La difficulté à renouveler la maind'oeuvre s'est amplifiée. Et les installations se sont effondrées. Les chiffres sont éloquents : cent dossiers d'installations aidées en 2000 contre vingt-cinq en 2011. » L'explication est simple : la viticulture gironde s'est enfoncée dans les difficultés de commercialisation à partir de 2002. Les cours ont chuté, et la rémunération des viticulteurs avec. Le métier a perdu de son attrait.

Transmissions difficiles

L'âge des salariés n'est pas la seule inquiétude : les transmissions d'exploitations se font de plus en plus difficilement. Seulement 17 % des chefs d'entreprises ont moins de 40 ans en 2010 contre 25 % en 2000. 61 000 hectares de vignes devraient changer de mains d'ici dix ans, des vignes détenues par 3 000 viticulteurs de plus de 50 ans.

La commercialisation a-t-elle, elle aussi, subi des évolutions ? Près du tiers des viticulteurs livrent tout ou partie de leur récolte en cave coopérative. La vente directe en France et à l'export pèse pour le quart de la commercialisation des vins de Bordeaux, comme en 2000. Le négoce et les grossistes restent donc la voie privilégiée par les chais particuliers girondins pour vendre leur production. « Par contre, le vrac se replie. Il constitue la moitié des échanges contre 60 % en 2000 », observe Jacky Bonotaux. La vente au négoce avec mise en bouteille à la propriété progresse.

Le courtier Éric Échaudemaison observe de nouveaux comportements. « Certains viticulteurs se tournent vers des marchés qu'ils jugent prometteurs, comme l'Asie, confie-t-il. Ils délaissent alors les circuits traditionnels de commercialisation, et envoient des containers en Chine. Ce sont des marchés qui nous échappent, à nous et au négoce.»

Le Point de vue de

Francis Massé, château Queyssard, à Pompignac (Gironde). 58 ha en 2000, 50 en 2010 (AOC Bordeaux, Bordeaux Supérieur et Côtes de Bordeaux)

« Au niveau commercial, je dois redoubler d'efforts »

Francis Massé, château Queyssard, à Pompignac (Gironde). 58 ha en 2000, 50 en 2010 (AOC Bordeaux, Bordeaux Supérieur et Côtes de Bordeaux) © P. ROY

Francis Massé, château Queyssard, à Pompignac (Gironde). 58 ha en 2000, 50 en 2010 (AOC Bordeaux, Bordeaux Supérieur et Côtes de Bordeaux) © P. ROY

« En dix ans, j'ai dû baisser mes prix de 10 à 30 % pour relancer mes ventes, réduire mes stocks et retrouver de la trésorerie. J'ai également diminué les charges en me séparant d'un salarié tractoriste. Dans le même temps, j'ai accentué la mécanisation, adopté l'enherbement des vignes et approfondi la lutte raisonnée. J'ai dû investir dans les traitements des effluents vinicoles et viticoles. Un coût de 70 000 euros étalé sur deux ans. Des charges fixes que l'on ne peut pas répercuter sur le prix de la bouteille. Entre 2007 et 2008, j'ai arraché 8 hectares.

Mes stocks gonflaient. J'ai préféré diminuer la surface tout en gardant les droits de plantation, plutôt que de casser les prix pour écouler davantage de volume. Dans mon village, situé à 12 km de Bordeaux, j'observe la pression très forte de l'urbanisme. Certains vignerons ont préféré arracher et vendre des terrains à bâtir. Au niveau commercial, je dois redoubler d'efforts. En 2000, je vendais 70 % de ma production par les cavistes et 30 % en clientèle particulière.

Aujourd'hui, les particuliers ne représentent plus que 20 %. Les 10 % perdus, je les propose au négoce. Dans le fond, ce qui a changé, c'est la nature du questionnement : il y a dix ans, je me demandais comment faire pour ne pas refuser des commandes.Aujourd'hui, je me demande comment faire pour écouler ma production. Du coup, je booste l'export. Je suis sans arrêt à courir le client avec ma mallette. J'ai aussi adhéré à Bienvenue à la ferme, et à Chais et vignobles en Bordelais. Je me suis lancé dans la diversification. Sous la marque Queyssard, je produis du sel aromatisé au vin, du confit de vin et du jus de raisin, le tout vendu à la propriété. Sous la marque « Rubis de Queyssard », je produis un rosé pétillant en vin de France. L'an dernier, j'en ai écoulé 1 200 bouteilles. Cette année, j'en ai produit 2 400. Cette diversification, j'y crois. »

L'essentiel de l'offre

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