En dix ans, le Lot a perdu 34 % de ses exploitations viticoles. Les viticulteurs de plus de 60 ans, qui constituaient le gros des troupes en 2000 (214 viticulteurs sur 538), représentent toujours la tranche d'âge la plus nombreuse en 2010, mais ils sont presque deux fois moins nombreux (112 sur 353). Les départs à la retraite n'ont pas été compensés par les installations. Le nombre de viticulteurs de moins de 40 ans a presque chuté de moitié (46 contre 90). Ils ne sont plus que 13 % des exploitants.
En revanche, la SAU viticole n'a régressé que de 600 ha environ pour s'établir à 5 211 ha en 2010. L'essentiel de ces surfaces est revendiqué en AOC Cahors (3 750 ha en 2011). Le paysage commercial cadurcien a lui aussi beaucoup évolué. Les négoces positionnés sur le créneau des vins basiques pratiquant de faibles marges ont déposé le bilan. C'est le cas de CVGSO.
Parallèlement, un nouveau négoce émerge. Fondées par des producteurs locaux, ces entreprises recherchent une forte valeur ajoutée. C'est le cas de la SARL Grands terroirs de France, créée en 2011 par Pascal Verhaeghe (château du Cèdre), Philippe Lejeune (château Chambert) et Alain Janicot (Janicot SAS), des vignerons réputés. Leur entreprise propose des vins vendus de 3 à 9 euros prix départ cave. Ils misent sur la nouvelle politique de marketing mise en place par l'interprofession des vins de Cahors (UIVC).
Œnotourisme
En 2007, l'interprofession a décidé de mettre en avant le malbec, cépage phare de l'appellation Cahors. Ce choix a porté ses fruits. Les exportations, en forte chute en 2004-2005, sont bien reparties. En 2010, les volumes ont progressé de 20 %, notamment vers le Canada, les États-Unis et la Chine. De plus, ces vins partent à des prix en hausse : de 3,69 €/l en moyenne ces cinq dernières années à 4,54 €/l en 2011.
La région mise aussi sur l'œnotourisme. L'an dernier, l'interprofession et les collectivités locales ont lancé la « destination Cahors malbec vallée ». Elle repose sur le réseau Accueil vignerons, qui regroupe cinquante-trois propriétés recevant des visiteurs, et sur la Villa Cahors malbec, un lieu d'accueil et de dégustation ouvert l'été dernier au centre de Cahors.
La prochaine étape sera la création d'un circuit de découverte du vignoble au fil du Lot, en bateau. Il faut dire que huit vignerons sur dix recourent à la vente directe que le vin soit, ou non, leur production principale. Ils ne peuvent que bénéficier du développement de l'œnotourisme.
Le Point de vue de
Germain Croisille, château Les Croisille à Luzech (Lot). 13 ha en 2000, 22 ha en 2011
« Nous avons opté pour le haut de gamme »
« Je suis fils de viticulteurs et je travaille avec mes parents depuis 2006. C'est un vrai choix de vie. Mes parents ont subi les changements, moi j'ai opté pour la vigne, car Cahors a un potentiel intéressant.
Lorsqu'ils ont démarré l'exploitation, mes parents livraient leur raisin à une coopérative, mais cela n'était pas satisfaisant. Ils sont alors devenus vinificateurs et producteurs indépendants. Pour ma part, je me suis installé en 2008. J'ai repris 10 ha de vignes en fermage à un voisin vigneron vracqueur en difficulté.
Il était au pied du mur et la reprise de ses parcelles était une bonne opportunité, pour lui comme pour moi. Un certain nombre d'exploitants ont cessé de produire, notamment sur le village, faute de repreneurs.
Mais il y a aussi des jeunes qui se sont lancés : une de nos voisines vient de s'installer avec ses parents. Mes parents et moi avons opté pour une production qualitative haut de gamme.
Nous sommes souvent dans les vignes et les chais et avons peu de temps à consacrer au commerce. Nous vendons chaque année 30 000 bouteilles de Château Les Croisille, soit un tiers environ de notre production. Les deux autres tiers sont vendus à un négociant local, qui travaille des produits qualitatifs en petites quantités et paye correctement. Il n'y a plus assez d'acheteurs de vrac sur Cahors.
Deux grandes sociétés tiennent la quasi-totalité du marché. Ce n'est pas suffisant. Heureusement que de petites structures qualitatives commencent à se créer. L'une des grandes avancées de la filière a été, suite à la crise de 2000-2002, de pousser l'AOC vers le haut avec une politique marketing beaucoup plus forte. L'UIVC a réalisé un énorme travail sur l'image du cahors. La nouvelle politique mettant en avant, depuis 2007, le cahors malbec nous a véritablement portés. Grâce aux opérations de communication, de petites exploitations comme la nôtre, qui n'ont pas de budget marketing, ont pu rencontrer de grands journalistes internationaux, faire l'objet de reportages et entrer dans des guides haut de gamme. Depuis la chute des cours du vrac, il y a plus de vignerons sur le marché des bouteilles, mais tous ne savent pas vendre. Gagner une médaille ou paraître dans un magazine rendent les choses plus faciles. »