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Magazine - Terroir & tradition

Lozère : La renaissance d'un vignoble

Florence Bal - La vigne - n°238 - janvier 2012 - page 68

Le village d'Ispagnac a ressuscité une viticulture disparue. Il a favorisé la création de deux domaines qui ont réhabilité des coteaux et des terrasses abandonnés. Avec succès.
Le domaine des Cabridelles se situe à l'entrée des gorges du Tarn. Bertrand Servières et sa compagne Élisabeth Boyé ont replanté 5 hectares de vigne à 6 800 pieds par hectare, après réhabilitation des terrasses. Il a planté tous les piquets à la main.

Le domaine des Cabridelles se situe à l'entrée des gorges du Tarn. Bertrand Servières et sa compagne Élisabeth Boyé ont replanté 5 hectares de vigne à 6 800 pieds par hectare, après réhabilitation des terrasses. Il a planté tous les piquets à la main.

Bertrand Servières envisage de réhabiliter ce vieux clos de vigne totalement abandonné avec son mazet typique.

Bertrand Servières envisage de réhabiliter ce vieux clos de vigne totalement abandonné avec son mazet typique.

Jean-Louis Peyre, adjoint au maire d'Ispagnac, Sylvain Gachet, du domaine de Gabalie, et Bertrand Servières, du domaine des Cabridelles, devant la cave et le caveau de vente que les deux vignerons partagent. PHOTOS F. BAL

Jean-Louis Peyre, adjoint au maire d'Ispagnac, Sylvain Gachet, du domaine de Gabalie, et Bertrand Servières, du domaine des Cabridelles, devant la cave et le caveau de vente que les deux vignerons partagent. PHOTOS F. BAL

Du rêve à la réalité il n'y a parfois qu'un pas. En l'occurrence, c'est la forte volonté de la municipalité d'Ispagnac, en Lozère, qui a permis la renaissance d'un vignoble.

Située à l'entrée des gorges du Tarn, entre 500 et 600 mètres d'altitude, la vallée d'Ispagnac fut autrefois le « jardin de la Lozère ». Seul le paysage témoigne encore de cette activité disparue, un paysage (les Causses et les Cévennes) classé au patrimoine mondial de l'Unesco en juin 2011.

Sur les pentes rocheuses devenues friches se devinent les traces des anciennes terrasses, les bancels, bâties à la sueur du front par des générations de paysans. Le paysage est encore parsemé d'anciens mazets de pierres sèches abandonnés : des maisonnettes qui servaient à préparer les sulfitages ou faisaient office de cellier. « Chaque famille avait son carré de vignes qu'elle cultivait avec beaucoup de courage et d'acharnement, témoigne Jean-Louis Peyre, adjoint au maire d'Ispagnac. Le vin servait de monnaie d'échange avec les éleveurs des Causses. »

En 2000, une poignée d'élus entend « ressusciter une tradition, maintenir un paysage, un cadre de vie et des emplois plutôt que de couvrir la colline de lotissements », poursuit-il. Le célèbre docteur Guyot n'écrivait-il pas, en 1868, « l'extension de la culture de la vigne serait un grand bienfait pour la Lozère. (…) Au moins un dixième des terres labourées pourrait porter d'excellentes vignes (…), malgré l'altitude et la rigueur du climat ». Mais, à ses yeux, il fallait « choisir des plants du Nord et non du Midi, de manière à conduire les raisins à maturité ». Ses conseils sont restés lettre morte. Et le XXe siècle a vu l'implantation des hybrides et des cépages du Sud donnant des vins souvent verts et acides.

Repartir de zéro

Dans le cadre de son projet, la commune examine une dizaine de candidatures et retient celle de Sylvain Gachet. Ce fils d'un éleveur laitier du Beaufortain, en Savoie, a travaillé trois ans chez un vigneron de Condrieu, dans le Rhône. Il crée le domaine de Gabalie en 2003, les Gabales étant le nom de la tribu gauloise ayant occupé la région. Il plante 2,5 ha sur fils à la densité de 7 200 pieds par ha et 3 ha sur de petites terrasses à 10 000 pieds par ha et sur échalas. Du pinot noir, de la syrah, du marselan et du chardonnay. « Tout était à faire, c'est ce qui m'a motivé », confie-t-il.

En 2006, Bertrand Servières et sa compagne Élisabeth Boyé, ayant exercé le métier d'œnologue-conseil pendant treize ans dans l'Entre-deux-Mers, créent le domaine des Cabridelles. Il a fallu repartir de zéro, défricher, niveler le terrain et rebâtir les murets de pierres sèches. Rien de cela n'a refroidi Bertrand Servières. Bien au contraire : « Je me régale, c'est valorisant. Je suis natif du coin. C'est dans mes tripes », dit-il.

La mairie et les collectivités locales, notamment le Sivom « Grand site des gorges du Tarn, de la Jonte et des Causses », ont investi 300 000 euros dans les deux projets. Les deux domaines partagent l'ancienne coopérative, au centre du village, où sont installés leur chai et le caveau de vente. Malgré des prix de vente compris entre 7 et 14 euros TTC la bouteille, ils manquent de vins. Les touristes en redemandent. Le docteur Guyot avait raison.

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