PIERRE GONZALEZ suit les conseils de la maison Bichot, comme de tailler ses vignes en faisant sauter un œil sur deux sur la baguette. La charge est ainsi mieux répartie et la végétation mieux aérée. Ici, sur une parcelle de pinot noir, il taille en guyot avec une baguette à 6-8 bourgeons et deux yeux sur le courson. PHOTOS R. HELLE
« C'est une affaire de parole. Il n'y a pas de contrat écrit », affirme Pierre Gonzalez, de l'EARL du Préau, à Brochon, en Côte-d'Or. Entre le vigneron et la maison de négoce Albert Bichot, « tout est une question de confiance ». Tous les ans, il vend la moitié de sa production en raisins à cette maison, soit 4 ha de gevrey-chambertin et 3 ha de côte-de-nuits. La maison en commercialise ensuite une partie sous l'étiquette « Domaine du Préau ». Très occasionnellement, il lui cède quelques pièces supplémentaires de vin en vrac.
Le négociant est son unique acheteur. Parallèlement, il vend aux particuliers environ 20 000 bouteilles de dix appellations sous l'étiquette « Domaine Pierre Gonzalez ». « Avec la maison Bichot, je ne risque rien, confie le vigneron. Il n'y a jamais de problème de paiement. »
Le courtier Pierre-Alain Cairol assure l'interface avec le négociant. Il travaille avec le domaine depuis vingt-quatre ans et a toute la confiance du vigneron. Il lui donne une simple confirmation de marché au mois de juillet précédant la récolte. Pierre Gonzalez vend son raisin sans connaître le prix, calé en général sur les cours du vrac moins 10 %. Il est payé en trois fois : trois, six et neuf mois après la vendange.
Seul point de friction : l'organisation des vendanges
« Je suis satisfait de cette relation, témoigne-t-il. En plus, je bénéficie des analyses de maturité et de suivi pour mes propres vins, c'est un gain d'argent. Je demande conseil au vinificateur de la maison, Cyrille Jaquelin. » Il suit les yeux fermés les préconisations du négociant. Lors de la taille, il ôte ainsi un œil sur deux de manière à ce que les 7 à 8 grappes par pied soient bien aérées. En saison, il enlève les doubles bourgeons mais « n'effeuille jamais à cause du soleil ». Le négociant visite les vignes au mois d'août. Au chai, comme Pierre Gonzalez a beaucoup de petits volumes, Cyrille Jacquelin lui a conseillé un sulfitage de 8 g/hl sur les rouges à la vendange afin d'éviter l'oxydation. Il lui a également suggéré de chaptaliser tardivement et en plusieurs fois « pour prolonger les fermentations ». Seul point de friction dans ce partenariat non contractualisé : l'organisation des vendanges. « Parfois, il me fait avancer ou reculer la date, changeant d'avis toutes les dix minutes, explique Pierre Gonzalez. Comme j'emploie 40 coupeurs pendant douze jours, je ne peux pas me le permettre. »
En 1998, lorsqu'il reprend, à l'âge de 37 ans, le domaine, ce dernier compte 9 ha et quatre appellations. Il vend à 99 % en vrac. Le courtier lui propose de vendre plutôt ses raisins, ce qu'il accepte. En 2001, Pierre Gonzalez achète 3 ha de gevrey-chambertin village et premier cru, qu'il défriche et plante. Il décide alors de développer les ventes directes en bouteilles. « C'est l'aboutissement du travail de vigneron et c'est plus rémunérateur », souligne-t-il. Le Bourguignon écoule 6 000 bouteilles la première année, puis atteint 20 000 bouteilles en 2009. Il vend sa production par le bouche-à-oreille, sans réaliser de prospection particulière. Ses tarifs, inférieurs à la moyenne, y sont sans doute pour quelque chose. « Les clients m'interrogent énormément à ce sujet, cherchant à comprendre. Si on ne vend pas assez cher, ce n'est pas crédible. Mais je préfère une stabilité des prix, argumente Pierre Gonzalez. Ce n'est pas la peine qu'ils montent en flèche pour ensuite s'effondrer. » Au mois de décembre, il prépare les commandes pour les fêtes. Il produit 300 magnums «qui s'écoulent très bien» et cachette des bouteilles à la cire sur demande.
Sur le plan des investissements, il a privilégié la culture de la vigne, les plantations et l'aménagement de deux salles, l'une de stockage, l'autre pour les vendangeurs. Il dispose de cinq tracteurs enjambeurs (Bobard et Derot). « Cela évite de démonter et remonter le matériel qui reste attelé, je gagne du temps », indique-t-il. Pierre Gonzalez est en lutte raisonnée, conseillé par le technicien de sa coopérative d'approvisionnement. Son principal souci au vignoble est la mortalité des ceps : il remplace en moyenne 2 500 pieds par an. En 2010, il a toutefois dû replanter 7 000 ceps qui avaient gelé le 28 décembre 2009. Ce gel et un climat difficile ont été la cause d'une très forte baisse de la récolte – près de la moitié – en 2010. La production de bouteilles est alors tombée à 13 000.
À 50 ans, Pierre Gonzalez n'a pas de repreneur. Mais en 2012, il entend défricher et planter 28 ares supplémentaires de gevrey-chambertin. Sans toucher au partenariat avec Albert Bichot, il aimerait passer à 30 000 bouteilles vendues en direct, car « le vin est mieux valorisé même si le stockage, c'est de la trésorerie qui dort ».
Et si c'était à refaire ? «J'aménagerais une cuverie moderne»
« Lorsque j'ai repris le domaine en 1998, le chai et la cuverie étaient répartis dans trois lieux différents. Ces locaux sont petits et peu fonctionnels.
Ils sont équipés d'un vieux pressoir Howard à cage en bois de 22 hl et d'un groupe de froid Crayer lourds, encombrants et difficilement déplaçables. Si c'était à refaire, j'aménagerais un seul chai avec une cuverie moderne, spacieuse, fonctionnelle et équipée de cuves en inox thermorégulées de 20 hl, 40 hl et 60 hl.
J'investirais aussi dans un pressoir pneumatique. Cela me donnerait une meilleure qualité de pressurage et m'éviterait d'avoir à réaliser le pressurage des blancs à façon. Mais comme a priori il n'y a pas de repreneur dans ma famille, je n'étais pas très motivé pour le faire. J'ai toutefois construit une salle de stockage des bouteilles.
Elle abrite également une vingtaine de fûts et j'y reçois mes clients. Et je pense quand même acheter un pressoir pneumatique dès l'an prochain. »