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AU COEUR DU MÉTIER

En Savoie, chez Pierre Abry « Nous misons sur la qualité et l'environnement »

Florence Bal - La vigne - n°245 - septembre 2012 - page 26

Pierre Abry adhère aux politiques qualitative et environnementale menées par la cave coopérative de Chautagne malgré un contexte difficile de prix bas depuis plusieurs années. Il estime qu'il n'y a pas d'autre voie.
PIERRE ABRY ébourgeonne une parcelle de 30 ares de jeunes vignes de chardonnay plantée en mai 2011. Il rabat ses jeunes vignes deux ans de suite avant de les établir et désherbe ses plantiers chimiquement sur le rang (deux passages) et mécaniquement dans l'interrang (trois passages).

PIERRE ABRY ébourgeonne une parcelle de 30 ares de jeunes vignes de chardonnay plantée en mai 2011. Il rabat ses jeunes vignes deux ans de suite avant de les établir et désherbe ses plantiers chimiquement sur le rang (deux passages) et mécaniquement dans l'interrang (trois passages).

LE CAVEAU DE LA COOP est ouvert sept jours sur sept. Pierre Abry, ici, avec Cyril Jouffrey, le responsable, tient le caveau quatre ou cinq dimanches par an.

LE CAVEAU DE LA COOP est ouvert sept jours sur sept. Pierre Abry, ici, avec Cyril Jouffrey, le responsable, tient le caveau quatre ou cinq dimanches par an.

Les vignes sont enherbées la troisième année avec un mélange de ray-gras anglais et de fétuque ovine ou demi-traçante, puis elles évoluent vers un enherbement naturel pour limiter l'érosion, freiner la vigueur et embellir le paysage. La partie sous le rang est désherbée chimiquement deux fois par an. PHOTOS F. BAL

Les vignes sont enherbées la troisième année avec un mélange de ray-gras anglais et de fétuque ovine ou demi-traçante, puis elles évoluent vers un enherbement naturel pour limiter l'érosion, freiner la vigueur et embellir le paysage. La partie sous le rang est désherbée chimiquement deux fois par an. PHOTOS F. BAL

« Avec 140 ha, la cave de Chautagne, notre coopérative, est petite mais très dynamique », affirme Pierre Abry, son vice-président, viticulteur à Ruffieux, en Savoie. Il y livre l'intégralité de ses 11 ha. « La Savoie est connue pour ses vins blancs, systématiquement associés à la fondue ou à la raclette. Mais nous avons toujours fait figure d'exception, car les trois quarts de nos vins sont rouges », souligne-t-il.

C'est en 1991, après le décès prématuré de son père, que Pierre Abry revient épauler sa mère Suzanne comme aide familial sur les 5 ha du domaine. En 1994, ils constituent un Gaec. Pierre Abry entend alors agrandir le vignoble sur des parcelles en propriété. « À cette époque, les ventes se tenaient très bien, se souvient-il. J'ai donc planté 6 ha de gamay et de pinot noir jusqu'en 2003. » Il plante à 2 mètres par 0,80 « pour passer avec un tracteur interligne ».

2003 marque un tournant. Sa mère part à la retraite, même si elle continue à lui donner un précieux coup de main, équivalent à un quart de temps plein. « Le marché tirait déjà un peu, mais la faible récolte l'a masqué, analyse Pierre Abry. Après les deux millésimes abondants de 2004 et 2005, les difficultés de vente se sont fait sentir. Entre 2005 et 2007, la rémunération a chuté de 25 %. Depuis, nous n'avons pas rattrapé. » Pourtant, en 2005, la coopérative accentue sa politique de rémunération de la qualité. Elle met en place un système tenant compte du rendement, de la maturité phénolique, du degré et de l'état sanitaire.

Toutes les vignes sont ébourgeonnées, même celles en vin de France

Depuis 2005, Pierre Abry engage 2 ha de gamay et 1,8 ha de pinot noir en haut de gamme. « Le rendement doit être inférieur de 20 % à celui de l'AOP Vin de Savoie Chautagne, c'est-à-dire de 50­hl/ha au lieu de 62 hl en 2011, relève-t-il. La rémunération compense. Par exemple, en 2011, j'ai touché pour le pinot noir 30 % de plus que la rétribution de base, soit 7 000 euros de chiffre d'affaires par hectare. »

Pierre Abry ébourgeonne toutes ses parcelles, y compris le gamay produit en vin de France. « C'est 30 heures de main-d'œuvre par ha, explique-t-il. Mais outre le gain qualitatif pour l'année en cours, cela simplifie le travail de taille pour l'année suivante. »

La coopérative incite ses adhérents à préserver l'environnement. L'enjeu est d'autant plus important que le vignoble est situé sur le bassin versant du lac du Bourget, haut lieu touristique. Depuis 2009, Pierre Abry a ainsi engagé 3 ha dans le programme Optidose qui vise à adapter la dose de produits phytosanitaires à la pression de maladies et au volume de feuillage. En 2011, sur ces 3 ha, il estime avoir réduit son emploi de phytos de 25 %. Fin 2011, il a déposé un dossier de plan végétal pour l'environnement (PVE). Il souhaite en effet construire une aire de lavage du pulvérisateur pourvue d'un Phytobac pour le traitement des effluents, un investissement subventionné à 75 %. Il veut aussi acheter un pulvérisateur à jet porté pour remplacer son pneumatique (inutilisable dans les fortes pentes et par temps venteux), un rotavator et un intercep. Cette fois, le taux d'aide s'élève à 40 %.

Pierre Abry envisage également l'achat d'un second tracteur « afin d'éviter d'atteler et de dételer en permanence ». D'autant que, depuis 2009, il a repris 2,5 ha supplémentaires et planté 0,3 ha de chardonnay. « J'ai besoin de ces vignes pour maintenir le chiffre d'affaires, indique-t-il. Mais, en terme d'organisation, ce n'est pas évident. »

La coopérative bénéficie d'une manne touristique liée à la proximité du lac du Bourget et de la ville thermale d'Aix-les-Bains. Elle ouvre son caveau sept jours sur sept. Les adhérents le tiennent les dimanches et les jours fériés à tour de rôle et au prorata des surfaces. Tous les ans, Pierre Abry assure ainsi quatre journées à la cave et tient le stand de sa coopérative lors de trois ou quatre salons dans la région. Le contact direct avec les consommateurs est « riche d'enseignements ». « Ils ont souvent des idées reçues sur les vins de Savoie, confie-t-il. Mais ils sont agréablement surpris par la qualité et la variété de nos produits. »

Régulièrement, la cave rajeunit ses habillages. En 2011, par exemple, elle adopte une bouteille givrée pour un blanc et un rosé. « Elle plaît bien. Quoiqu'on en dise, les jeunes sont sensibles au packaging », observe-t-il. Les 23 et 24 juin 2012, la cave a dignement fêté ses 60 ans et lancé une nouvelle gamme : Angerona, du nom d'un papillon et de la déesse romaine des secrets, du solstice d'hiver et du retour du soleil, qui aidait aux passages difficiles. La bien-nommée ?

Et si c'était à refaire ? « Je planterais plus de blancs et pas dans les pentes »

«Je planterais davantage de cépages blancs. Idéalement, il me faudrait 40 % de cépages blancs contre seulement 20 % aujourd'hui. Deuxièmement, je ne planterais pas dans les pentes de 35 % et plus qui ne sont pas totalement mécanisables. J'ai 3,6 ha dans de telles pentes. Les outils de travail du sol et la machine à vendanger y sont inutilisables. Et le jour où les herbicides seront totalement interdits, ce sera vraiment difficile.

Ensuite, j'augmenterais la proportion de cépages savoyards qui n'est que de 2,9 ha (jacquère, altesse, mondeuse) et installerais quelques ares de persan.

Enfin, pour le palissage, je choisirais directement des piquets métalliques de 2,20 m au lieu de piquets en bois de pin de 2 m. Car j'ai beaucoup de dégâts liés au passage de la machine à vendanger dans certaines parcelles pentues. Les piquets métalliques sont légèrement plus chers (4,50 euros HT) mais ils ne cassent pas et demandent beaucoup moins d'entretien ».

Cet article fait partie du dossier

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L'EXPLOITATION

Main-d'oeuvre : lui, sa mère retraitée (un quart de temps) et des saisonniers

Surface : 11,4 ha

Appellations : Vin de Savoie Chautagne, Roussette de Savoie et Vin de France

Encépagement : gamay, pinot, mondeuse, jacquère, altesse et chardonnay

Taille : guyot et cordon de royat

Densité de plantation : 5 500 à 6 200 pieds/ha

Production 2011 : 710 hl

Les résultats

5 000 à 7 000 €/ha de chiffre d'affaires

CA 2011 : 70 900 euros

L'essentiel de l'offre

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