1. Sulfitez peu les vendanges et les moûts
Les bactéries lactiques sont plus sensibles au SO2 que les levures. Il faut donc limiter au maximum le sulfitage des moûts, en commençant par ne pas avoir la main trop lourde au pressurage et à l'encuvage : ne dépassez pas 8 g/hl. « Un sulfitage de seulement 5 à 6 g/hl à l'encuvage est préférable pour limiter la teneur en SO2 total », conseille même Florent Niautou, directeur du centre œnologique de Soussac-Pian (Gironde). En effet, dès que la teneur en SO2 total dépasse 30 à 40 mg/l, les bactéries lactiques sont pénalisées. « Il est préférable de choisir des vendanges saines pour pratiquer la co-inoculation, car les raisins touchés par le botrytis doivent être sulfités à plus forte dose », poursuit l'œnologue.
« La co-inoculation stricte, c'est-à-dire l'ensemencement concomitant du moût en levures et en bactéries, ne peut pas marcher sur un moût acide et sulfité », observe Vincent Gerbaux, ingénieur à l'IFV de Bourgogne-Beaujolais. De ce fait, sur les blancs de Bourgogne, l'ajout des bactéries à mi-FA donne de meilleurs résultats. Car plus la fermentation alcoolique avance, moins il y a de SO2. À l'inverse, les beaujolais primeurs non sulfités peuvent être inoculés dès l'encuvage en levures et en bactéries.
2. Co-inoculez tôt pour gagner du temps
Deux stratégies sont possibles. Si l'objectif est de raccourcir la durée des fermentations afin que les vins soient prêts tôt, il faut opter pour une inoculation précoce des bactéries au moût. « Dans ce cas, les bactéries s'introduisent 24 à 48 heures après le démarrage de la fermentation alcoolique (le temps que le SO2 s'estompe, NDLR). Éventuellement 72 heures », décrit Vincent Renouf, directeur technique de la société Laffort. Ceux qui sont moins pressés peuvent apporter les bactéries entre le milieu et la fin de la FA ou autour de 1 010 de densité. Ici, l'opération se fera plutôt pour des raisons de sécurité microbienne : l'ajout de bactéries freine le développement de microorganismes indésirables au moment où les levures sont en déclin. « La phase entre la fermentation alcoolique (FA) et la fermentation malolactique (FLM) est risquée car le vin n'est pas encore stabilisé. Une malo précoce limite le risque de déviations organoleptiques, confirme Vincent Gerbaux. Cela peut aussi être intéressant pour stabiliser un vin blanc avant sa phase d'élevage. » L'inoculation « tardive » est aussi adaptée aux moûts dont le pH est très bas. « Les levures acidifient un peu le milieu en début de fermentation, explique l'ingénieur. Par la suite, le pH remonte, ce qui est plus propice au développement des bactéries. »
3. Choisissez bien vos biomasses
Pratiquer la co-inoculation avec des levures indigènes est à proscrire. Choisissez une levure sélectionnée, de préférence peu productrice de SO2 et d'acides gras à courte et moyenne chaîne, substances défavorables aux bactéries. Quant aux bactéries, la société Laffort conseille de privilégier une préparation à inoculer directement dans les moûts pour un ensemencement précoce et une préparation avec une phase de réacclimatation courte pour un ajout en fin de FA.
Pour Anthony Silvano, responsable développement et applications œnologiques chez Lallemand, les bactéries à réacclimater sont intéressantes si jamais la malo s'annonce un peu difficile. Cela peut être le cas lorsque le pH est bas ou que la teneur en acide malique est importante. En outre, ces kits malo sont plus économiques si l'on traite de gros volumes.
4. Incorporez les bactéries sous le chapeau de marc
En vinification de rouge, les bactéries doivent s'incorporer dans la phase liquide. « On tire du moût dans une vasque où l'on verse les bactéries – celles à inoculation directe, décrit Florent Niautou. Puis on renvoie le mélange par la vanne du bas. » Si le chapeau de marc est déjà formé, il faut procéder différemment. Il faut percer le chapeau et y incorporer les bactéries. « Après, il faut bien le mouiller », préconise Vincent Renouf. En vinification de blanc, l'inoculation s'effectue en haut de la cuve. Il n'est pas nécessaire de réaliser un remontage après l'introduction des bactéries : le moût s'homogénéise avec la fermentation alcoolique. « Nous indiquons de ne pas toucher la cuve et de ne pas l'oxygéner pendant 12 heures après l'inoculation », poursuit Vincent Renouf. Ensuite, les remontages peuvent reprendre un rythme normal. Pour calculer la dose de bactéries, il faut tenir compte du volume de jus et de marc. « Je conseille de mettre la dose indiquée sur le paquet, pas plus, pas moins », ajoute Florent Niautou. « Les fabricants mettent au point leurs kits pour qu'ils contiennent la quantité de bactéries nécessaire à leur implantation dans le moût », précise Vincent Gerbaux.
5. Évitez les hautes températures
Les bactéries sont aussi sensibles à la température. « Il faut éviter de les mettre dans un moût blanc à plus de 20°C », note Vincent Gerbaux. Sur rouges, il ne faut pas dépasser 27-28°C. « La fourchette entre 18 et 25°C est idéale, estime Florent Niautou. Au-dessus de 30°C, les conditions sont très défavorables aux bactéries. »
Les variations importantes de température sont également à éviter. Les bactéries, comme les levures, ne résistent pas bien aux chocs thermiques.
6. Maîtrisez parfaitement les fermentations
Maîtriser la fermentation alcoolique est primordial pour réussir une co-inoculation. « L'objectif est de mener une FA régulière et qui se finit proprement, insiste Florent Niautou. En cas de fermentation languissante, il faut éviter la co-inoculation tardive. » Dans ces situations où les levures fonctionnent au ralenti, les bactéries peuvent s'attaquer aux sucres encore présents dans le moût. Aussi est-il préférable d'apporter tous les nutriments nécessaires aux levures, comme l'azote ou les vitamines, pour compenser les carences observées. Les bactéries Œnococcus œni ne métabolisent pas l'azote ammoniacal. Inutile, donc, d'en apporter plus que nécessaires pour les levures. « Les bactéries ont besoin d'azote minéral en petite quantité, mais il faut qu'elles disposent des acides aminés essentiels, remarque Anthony Silvano. Un apport d'azote complexe, pendant les fermentations, peut être bénéfique. Ou bien après la FA, en cas de FML languissante. » « Il faut suivre la malo en même temps que la FA, en analysant la dégradation d'acide malique », avertit Florent Niautou. Quand la teneur en acide malique est inférieure à 0,2 mg/l et que la FA n'est pas finie, il conseille de sulfiter à 2-3 g/hl et de laisser se finir la FA. Quand FA et FML sont terminées, il faut écouler la cuve.
Le couple levure-bactérie a-t-il son importance ?
En co-inoculation précoce, Vincent Renouf, chez Laffort, estime que tous les couples levure-bactérie peuvent fonctionner : « Les interactions sont limitées. La bactérie s'adapte progressivement au milieu que la levure modifie. » Dans le cas d'une inoculation tardive, le vigneron choisit sa levure et « c'est à nous de lui proposer une bactérie assez résistante », poursuit Vincent Renouf. « Il n'existe pas d'incompatibilité entre une bactérie et une levure données », précise Anthony Silvano, chez Lallemand. Mais certaines levures produisent beaucoup de SO2. Avec elles, il faut employer les souches de bactéries qui résistent le mieux au SO2. Par ailleurs, la société propose des associations levure-bactérie pour obtenir un style de vin donné.