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VIN

À chaque cuvée sa capsule de tirage

Marine Balue - La vigne - n°246 - octobre 2012 - page 54

Pour les champagnes comme pour les crémants, la capsule de tirage doit être adaptée à la qualité du vin de base et au style de cuvée recherché. Voici quelques conseils pour bien faire son choix.
TIRAGE. À cette étape, il faut choisir une capsule avec un joint à barrière stricte à l'oxygène, une capsule très perméable ou une capsule intermédiaire. © J.-C. GUTNER

TIRAGE. À cette étape, il faut choisir une capsule avec un joint à barrière stricte à l'oxygène, une capsule très perméable ou une capsule intermédiaire. © J.-C. GUTNER

« On ne fait pas un champagne avec une capsule de tirage, met en garde Isabelle Tribaut-Sohier, chef de projet au Comité interprofessionnel du vin de Champagne. La qualité d'une cuvée provient en priorité du terroir, du cépage, des techniques culturales, de la vinification, etc. » Toutefois, le bouchage de tirage, c'est-à-dire l'ensemble capsule-bidule apposé sur la bouteille avant son vieillissement sur lattes est un outil parmi d'autres qui joue sur le style d'une cuvée.

Capsule fermée sur vin « fragile »

« À chaque vin de base peuvent être associés un temps de vieillissement et un type de capsule », poursuit Isabelle Tribaut-Sohier. Et s'il n'existe pas de règle générale pour choisir sa capsule, quelques critères peuvent aider. Le choix se fait entre une capsule avec joint à barrière stricte à l'oxygène (BO stricte), une capsule très perméable et une capsule intermédiaire.

« Pour les champagnes à rotation rapide qui sortent après quinze mois d'élevage sur lattes, les capsules à barrière intermédiaire à l'oxygène sont bien appropriées, estime Sébastien Boevert, œnologue à la station œnotechnique de Champagne. Lorsque le vieillissement dure plus de deux ans, sur des champagnes millésimés notamment (minimum trois ans sur lattes, NDLR), on s'orientera plus vers une capsule BO stricte. » Sauf cas particulier où la cuvée présente un nez réducteur. Alors, la capsule devra être un peu plus ouverte.

« Si le vigneron a l'habitude de proposer des vins épanouis et ouverts assez tôt, il choisira le plus souvent une capsule un peu ouverte », ajoute Isabelle Tribaut-Sohier. À l'inverse, si le style du champagne est davantage sur la discrétion et la fraîcheur, une capsule plutôt fermée sera plus adaptée. « Si la cuvée est issue de raisins un peu fragiles ou qu'elle risque d'évoluer plus vite que prévu, une capsule assez hermétique pourra protéger le vin de l'oxygène. C'est important en Champagne, car nous avons des élevages longs. »

Des crémants aux longs élevages

Selon les travaux du CIVC, il faut de nombreux mois d'élevage, voire un ou deux ans, pour déceler de réelles différences entre les champagnes en fonction de la capsule. Alors, pour les crémants, qui vieillissent moins longtemps sur lattes, le choix du bouchage de tirage a-t-il autant d'importance ?

« Oui, répond Nicolas Secondé, œnologue consultant pour le laboratoire Immelé dans plusieurs régions productrices d'effervescents. D'abord parce que les cuvées subissant un long élevage sont de plus en plus nombreuses. Ensuite parce qu'il faut tenir compte du potentiel d'évolution du crémant. » Pour l'œnologue, pas question de conseiller la même capsule sur un crémant de Limoux que sur une blanquette de Limoux. Et pour cause : le premier est élevé douze mois minimum sur lattes et composé en majorité de chardonnay, la seconde contient surtout du mauzac et est élevée neuf mois minimum. Pour le crémant, la capsule pourra être plus ou moins ouverte selon la durée d'élevage. Une capsule assez fermée préservera la fraîcheur du mauzac pour la blanquette.

Nicolas Secondé donne aussi l'exemple des crémants d'Alsace Fer de lance dont l'élevage est très long et pour lesquels la capsule de tirage doit être fermée. « Le pH est aussi important : un cépage plus acide supportera mieux une capsule plus ouverte », précise-t-il. Il remarque ainsi que les régions du sud de la France, où les pH sont plus hauts, ont tendance à utiliser des capsules plus fermées que celles du Nord.

De même que les Champenois, il considère également que la capsule peut influencer le style aromatique du crémant : « Pour de la fraîcheur, des notes thiolées ou minérales, on penchera pour une capsule fermée. »

Autre critère de choix : la taille de la bouteille. « Je préconise systématiquement une capsule fermée sur les demi-bouteilles, car elles vieillissent plus vite », indique Nicolas Secondé. Il conseille aussi toujours ce genre de capsule sur les effervescents rosés, qui évoluent en général plus vite que les blancs.

Autant de capsules que de cuvées

De son côté, Sébastien Boevert raisonne pour le champagne rosé comme pour le champagne blanc. « Les rosés ont tendance à sortir plus tôt sur le marché, donc à vieillir moins longtemps sur lattes. De ce fait, ils sont plus souvent bouchés avec une capsule intermédiaire », concède-t-il.

Enfin, il faut prêter attention à l'ambiance de cave, « loin d'être neutre sur le vin ». « Certaines caves de vieillissement ne sont pas nettes sur le plan aromatique. Dans ce cas-là, il est préférable d'éviter les capsules ouvertes », souligne Nicolas Secondé.

Une chose est sûre, les œnologues s'accordent pour déconseiller l'usage de capsules avec bidule incorporé, qui provoquent souvent des problèmes d'hétérogénéité et de bouteilles couleuses. « Malheureusement, en Val de Loire, très peu de gens tirent en bidule séparé, regrette Jacques-Antoine Toublanc, œnologue conseil chez Litov. Passer à ce type de capsule nous permettrait de jouer sur l'étanchéité. Nous pourrions mettre des capsules plus fermées sur les vins qui ont été en contact avec les lies, pour conserver du fruit. »

Finalement, pour bien choisir une capsule de tirage, il faut bien connaître son vin, surtout si son style change au cours des années. « Il faut faire des essais, tester deux ou trois capsules, si possible sur plusieurs cuvées, conseille Isabelle Tribaut-Sohier. Il est important de déguster sérieusement et à l'aveugle avant de choisir le bon bouchage de tirage. » Un producteur pourra donc avoir autant de capsules de tirage différentes qu'il élabore de cuvées.

Des capsules plus ou moins étanches

 © C. STEF

© C. STEF

Les capsules avec joint synthétique sont apparues à la fi n des années quatre-vingt. « On s'est aperçu qu'elles étaient plus ou moins perméables aux gaz », remarque Isabelle Tribaut-Sohier, chef de projet au CIVC. Depuis, l'interprofession champenoise étudie en détail la diffusion des gaz à travers les capsules et les classe en fonction des pertes en CO2 qu'elles engendrent. « La mesure du CO2 est plus précise que celle de l'oxygène et on sait qu'il existe une corrélation entre la sortie de CO2 et l'entrée d'O2. » Les pertes en CO2 peuvent être de 0,12 à 0,68 cm3 par 24 heures, selon les capsules. Celles-ci se classent en trois grandes catégories, depuis les plus étanches jusqu'aux plus perméables : 0,10 à 0,20 cm3 de CO2/24 heures, 0,25 à 0,35 cm3/24 heures et 0,5 à 0,70 cm3/24 heures environ. Avec les premières, le vin captera très peu d'oxygène pendant son vieillissement sur lattes. Et son évolution oxydative sera très lente. En Champagne, il existe seize capsules différentes produites par cinq fournisseurs.

Le Point de vue de

Michel Valade, responsable œnologie au Comité interprofessionnel du vin de Champagne

« Attention à la qualité du sertissage »

Michel Valade, responsable œnologie au Comité interprofessionnel du vin de Champagne

Michel Valade, responsable œnologie au Comité interprofessionnel du vin de Champagne

« Aujourd'hui, en Champagne, la plupart des producteurs choisissent des capsules moyennement fermées, un compromis entre les capsules trop ouvertes et celles trop étanches. Ces dernières sont plutôt réservées aux cuvées particulières. Ce qu'a apporté la capsule à joint synthétique, c'est surtout une grande homogénéité et de la régularité dans les lots de bouteilles. Ce critère est très important pour le consommateur, qui attend une qualité constante des champagnes qu'il achète dans une même caisse. En plus de la qualité de la capsule et du bidule, il faut faire très attention à la qualité du sertissage. Si celle-ci est mauvaise, le bouchage de tirage ne peut pas bien jouer son rôle. Nous nous attachons d'ailleurs à trouver des indicateurs de la qualité de sertissage, car il est actuellement impossible de la mesurer précisément. Enfin, après le vieillissement sur lattes, le dégorgement a une très grande influence sur le champagne. Il arrive qu'il provoque un apport d'oxygène équivalent à dix ou quinze ans de vieillissement d'un coup. L'effet recherché avec le choix d'une capsule fi nit par s'annuler. D'où l'intérêt de techniques comme le jetting, pour contrôler l'oxygène dissous à cette étape. »

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