« Nous avons toujours aimé la France. Il y a une culture agricole vivante », confessent Suzanne et Humphrey Temperley. En 2009, ce couple britannique a quitté l'Angleterre pour s'installer dans le Bergeracois. L'idée leur trotte dans la tête dès 2005 : la retraite se profile, Humprey, agriculteur, s'intéresse depuis toujours au vin. Pourquoi ne pas tenter une autre aventure ? À plusieurs reprises, le couple se rend en France. Le Languedoc-Roussillon ? Il y fait trop chaud. Le Bordelais ? Trop cher. Ce sera le Bergeracois, où « les prix ne sont pas excessifs » , souligne Suzanne, 57 ans. Après quelques visites, c'est le coup de foudre pour le château Lestevenie, 15 ha à Gageac-et-Rouillac (Dordogne), avec son paysage de collines, de bois et son côté sauvage.
Pendant six mois, ils négocient pied à pied avec la banque. Cette dernière rechigne à leur prêter de l'argent : le couple a dépassé la cinquantaine. Il finit toutefois par décrocher un emprunt qui couvre la moitié de l'investissement global incluant la propriété, les stocks et le matériel (600 000 euros).
Une œnologue en soutien
En décembre 2009, Suzanne et Humphrey sont propriétaires. D'emblée, ils adhèrent à une Cuma pour disposer d'un pressoir et d'une machine à vendanger. Ils décident d'apporter 90 % de leur récolte de rouge et de blanc à la coopérative Unidor. Ils vendent les 10 % restant en bouteilles.
Mais surtout, ils ne se privent pas des conseils d'une œnologue, Véronique Vialard. « Je les ai sentis avides de connaissance. Ils avaient un bon feeling avec la terre. Je n'étais pas face à un cadre supérieur qui s'offrait un vignoble », se souvient-elle.
Premiers travaux : le palissage de 2,5 ha de vignes jeunes. Puis l'œnologue leur apprend à tailler de façon à raisonner la charge et à relever. Humphrey, 63 ans, le caractère un peu brouillon, se montre très bon élève. Avec l'œnologue, il goûte les raisins. Il découvre comment on décide de la date des vendanges. Mais lorsque Véronique Vialard lui propose d'assembler le cabernet sauvignon au cabernet franc et au merlot pour composer ses rouges, il lui objecte un refus poli. Il préfère s'en tenir aux deux derniers cépages et écouter son instinct.
Le choc des cultures
« Au début, nous avions peur d'être rejetés. Mais les gens sont très accueillants. Il y a un côté international qui est rassurant. Des viticulteurs de toutes nationalités se sont installés en Dordogne. Mais il y a trop de papiers à remplir. Ce serait mieux de faire les démarches sur internet. La France est en retard dans ce domaine. De plus, l'administration est très tatillonne. Quand nous avons acheté, ce n'est pas la vigne qui nous a posé problème, mais les papiers à remplir. Tout ce côté administratif est effrayant », regrette Suzanne Temperley.