C'est en 1992 que Gilbert Bonnet, œnologue de formation et pur produit du Beaujolais, débarque dans le Marmandais, en Lot-et-Garonne. Embauché en tant que technicien à la cave coopérative de Beaupuy, il découvre l'appellation Côtes-du-Marmandais dans un département marqué par la polyculture. Il gravit les échelons et se retrouve directeur de la cave en 1998. Cinq ans plus tard, celle-ci fusionne avec une plus grosse coop, celle de Cocumont. Son poste saute. Gilbert Bonnet est licencié. Devenir viticulteur le tente. D'autant qu'il n'arrive pas sans biscuit.
En 2003, au moment du licenciement, il possède 18 ha de terres achetés peu après son arrivée dans la région. Certaines de ses parcelles sont plantées en vigne.
Licencié, Gilbert Bonnet peut bénéficier d'une indemnité en tant que créateur d'entreprise (1 700 euros par mois pendant vingt-trois mois). Son épouse a un métier et tous deux ont presque fini de payer leur maison. Reste que ses amis le dissuadent de s'installer. « On était en plein marasme. Mais j'ai pensé que, dans cette appellation méconnue, il y avait de la place pour un vigneron indépendant », défend-il.
Gilbert Bonnet, qui livrait sa récolte à sa coopérative, achète des cuves en béton, un pressoir, des barriques d'occasion et une remorque à vendange. Un investissement de 50 000 euros. Il s'endette sur sept ans.
Quatre gammes
Fort de son carnet d'adresse, il décroche, dès 2005, des marchés auprès de cavistes et à l'export pour son rouge et son rosé. Mais convaincu qu'il faut segmenter sa gamme, il va concocter quatre marques entre 2006 et 2008. La gamme Les Astéries est un assemblage de six cépages (cot, abouriou, merlot, cabernet franc, caber net sauvignon et fer servadou) écoulée en grandes surfaces et à l'export. Avec Le clos de l'Adret, un rouge issu de quatre cépages (cot, abouriou, merlot et cabernet sauvignon), il attaque les cavistes et la restauration. Idem avec Tulipanum, élaboré à partir de vieilles vignes de merlot et d'abouriou. Quant au rouge Les cépages oubliés, un 100 % abouriou, il est destiné à la vente directe et à l'export.
Pour faire connaître ses vins, il occupe le terrain. Il assure pas moins de cinquante animations par an en grandes surfaces ou chez les cavistes. Aujourd'hui, le domaine Gilbert Bonnet, à Marmande, écoule 850 hl, soit 90 000 bouteilles et un millier de Bag-in-box. Il réalise 20 % de ses ventes à l'export.
En mai dernier, Gilbert Bonnet s'est doté d'un nouveau chai en rapatriant les activités de stockage, de vinification et de matériel de vendange sur un même lieu pour 250 000 euros. Il a créé une salle de dégustation. Histoire d'être en phase avec une clientèle qui vient chercher un terroir.
Sa plus grande surprise
« Il faut avoir la capacité de travailler dans la durée et tout le temps, 24 heures sur 24. Il faut soutenir nos produits, aller dans les salons, faire déguster, rencontrer les clients, arriver à convaincre... Cela demande beaucoup d'énergie. Lorsque j'ai décidé de devenir vigneron, je ne pensais pas être autant accaparé. Le plus compliqué n'est pas d'être à la vigne, c'est d'être sur tous les fronts. Pour réussir, il faut payer de sa personne et ne pas être économe de son temps. »