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DOSSIER - Exportations : Le palmarès des régions - Les réservées

PROVENCE Le rosé fait pâlir les Américains de plaisir

Chantal Sarrazin - La vigne - n°249 - janvier 2013 - page 52

Les rosés de Provence percent aux États-Unis. Ils ont plus de mal en Asie, où la couleur est méconnue. Et avec un volume disponible à la vente limité, la région doit préserver son marché domestique.
Une soirée dégustation organisée par un importateur a eu lieu début octobre à Hong Kong sur le toit de l'Upper House, un des hôtels les plus branchés de la ville.

Une soirée dégustation organisée par un importateur a eu lieu début octobre à Hong Kong sur le toit de l'Upper House, un des hôtels les plus branchés de la ville.

CHIFFRES CLÉS AOC DE PROVENCE

CHIFFRES CLÉS AOC DE PROVENCE

L'été, sur les terrasses des restaurants du golfe de Saint-Tropez (Var), les touristes étrangers découvrent les rosés provençaux. Conquis, ils en réclament à leurs détaillants de retour chez eux. « Nous exportons en Scandinavie depuis cette année grâce à cette demande », lance Gilles Pons, du château des Valentines. Dans ce flot de vacanciers se trouvent des importateurs. L'agent new-yorkais de Philippe Guillanton, du château Margüi, a découvert son coteau varois rosé dans la chambre d'hôtes où il séjournait. Et il y a pris goût, comme bon nombre de ses compatriotes.

L'emballement pour le rosé n'est plus un phénomène franco-français. Au point qu'en 2011, les États-Unis sont devenus les premiers importateurs de rosés de Provence, reléguant la Belgique, marché historique, au deuxième rang. Les Provençaux s'en réjouissent. Le prix moyen d'une bouteille de vin de Provence départ cave expédiée aux États-Unis s'élève à 4,21 euros (source CIVP). Plus de deux fois le prix départ vers la Belgique, 1,76 euro.

« Les Américains ont l'habitude de payer cher le vin », remarque Philippe Guillanton. Chez le très select caviste newyorkais Sherry Lehmann, son rosé s'affiche ainsi à 18 dollars. « Mieux, poursuit-il. Là-bas, être un coteau varois ou un côtes-de-provence ne fait aucune différence, contrairement à la France. »

À la conquête des pays émergents

Autre motif de satisfecit : les Provençaux ont imposé leurs rosés pâles, secs et aromatiques, face aux « blushs », ces rosés colorés et édulcorés, leader de la couleur dans le pays. « En nous positionnant sur le haut du panier, nous nous sommes différentiés des “blushs” vendus 3 dollars en moyenne », affirme Jean-Jacques Bréban, président de l'interprofession. Cette dernière a consacré des moyens importants sur ce marché rémunérateur. « Nous avons profité des aides de FranceAgriMer pour y doubler notre budget promotionnel, expose Jean-Jacques Bréban. Nous y avons ainsi déployé 600 000 euros en 2011. »

Cette somme a permis de recruter une agence de presse sur place, d'emmener des exportateurs à Washington, Boston, Los Angeles et San Francisco et d'organiser « Provence in New York City » en février dernier, une rencontre entre une trentaine de producteurs, des importateurs et des distributeurs. Outre les actions qu'elle a menées aux États-Unis, l'interprofession a invité des journalistes et des acheteurs en Provence. Bien lui en a pris : les expéditions de rosés de Provence aux États-Unis ont bondi de 54 % en volume entre 2010 et 2011. Autre pays sous le charme : le Canada. Sur cette même période, les Provençaux y ont enregistré une hausse de 30 % de leurs ventes. Ce pays se hisse ainsi à la quatrième place de leurs clients. Là aussi, les exportateurs ont le sourire : le prix départ d'une bouteille s'élève à 4,25 euros.

« Au cours des cinq ou six dernières années, notre objectif a été de conquérir ces marchés à haute valeur ajoutée, confie Jean-Jacques Bréban. Un transfert s'opère entre ces nouveaux marchés et nos destinations traditionnelles, la Suisse en particulier. »

Préserver les équilibres

Les Provençaux sont aussi partis à la conquête des pays émergents. Un club Brésil a vu le jour au sein de l'interprofession voilà cinq ans. Au départ, il comptait cinq membres. Ils sont aujourd'hui une vingtaine. « Nous envisageons de nous y développer enfin, confie Olivier Maquart. Ces destinations exigent un investissement de longue haleine. »

Idem pour les autres nations émergentes en matière de consommation de vin que sont la Chine, Hong Kong, Singapour, le Japon, mais aussi la Russie, la Lituanie, la Serbie… « Le rosé est méconnu, enchaîne Olivier Maquart. Aussi, nous abordons ces pays avec nos rouges. Globalement, ils connaissent la Provence, cela devrait nous aider à les amener aux rosés. »

Grâce à ces succès, la part des exportations est passée de 11 à 13 % du total des ventes au cours de ces deux dernières années. C'est peu, mais ramené à la production locale qui s'élève à un peu plus d'un million d'hectolitres, ce n'est pas si mal. « Nous avons mis l'accent sur l'export pour équilibrer notre offre en France et maintenir les cours», explique Jean-Jacques Bréban. Effectivement, depuis quatre ou cinq ans, le cours a cessé de faire le yo-yo. Les prix sont fermes et même en surchauffe en ce début de campagne.

« Nous pourrions vendre beaucoup plus aux États-Unis, indique Philippe Guillanton. Mais nous devons préserver les équilibres entre nos différents circuits de vente. D'autant qu'à notre niveau, la vente directe au particulier affiche une meilleure rentabilité que l'export. » Par chance, il a récolté 20 % de plus cette année qu'en 2011. Son importateur new-yorkais a réservé les vins sur souche.

Le Point de vue de

Gilles Pons, propriétaire du château des Valentines, à La Londe-les-Maures (Var), en AOC Côtes-de-Provence. 75 000 cols, dont 20 % vendus à l'exportation.

« Nos rosés charment les jeunes femmes »

Gilles Pons, propriétaire du château des Valentines, à La Londe-les-Maures (Var), en AOC Côtes-de-Provence. 75 000 cols, dont 20 % vendus à l'exportation. © HERVÉ FABRE PHOTOGRAPHIES

Gilles Pons, propriétaire du château des Valentines, à La Londe-les-Maures (Var), en AOC Côtes-de-Provence. 75 000 cols, dont 20 % vendus à l'exportation. © HERVÉ FABRE PHOTOGRAPHIES

« Début octobre, nous avons effectué une mission de cinq jours à Hong Kong. Tout a été formidablement organisé par notre importatrice dans le pays. Tous les jours, quatre dégustations se sont déroulées dans différents hôtels de la ville : avant midi, au moment du déjeuner, l'après-midi et tard le soir, entre 22 h et 2 h du matin pour les sommeliers des grands hôtels qui achèvent leur service tardivement.

À notre grande surprise, les invités sont venus en nombre à ces dégustations. Ils ont affiché une immense curiosité. Notre importatrice avait sélectionné une dizaine de ses fournisseurs. Avec deux vignerons bourguignons, nous étions les seuls Français ! Ces dégustations s'adressaient principalement aux professionnels. Toutefois, une soirée a eu lieu pour le grand public sur la terrasse d'un des hôtels les plus branchés de la ville, l'Upper House. Près de 500 personnes sont venues ! Nos côtes-de-provence rosés ont surtout plu aux jeunes femmes. C'est d'abord la couleur qui les attire.

Puis elles posent beaucoup de questions sur le produit, car les rosés sont encore méconnus en Asie. L'une d'elle m'a acheté un jéroboam pour son anniversaire qu'elle fêtait quelques jours plus tard ! C'est dire… Nous avons investi ce marché voilà un an et demi. Depuis le début de l'année, nous avons expédié trois palettes. Nous avons eu de très bons échos sur nos vins. Grâce à cette mission, nous espérons de nouvelles commandes qui devraient intervenir début février, lorsque les vins du millésime 2012 seront à la vente. »

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