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AU COEUR DU MÉTIER

Dans l'Yonne, chez Fabien Picq « Je suis coopérateur par choix de vie »

Florence Bal - La vigne - n°252 - avril 2013 - page 32

Après un diplôme d'oenologue, Fabien Picq s'installe comme vigneron indépendant à Chablis en 1998. Dix ans plus tard, comme ses parents et son frère avant lui, il rejoint La Chablisienne, ce qui lui laisse du temps pour ses activités.
FABIEN PICQ s'occupe de tous les travaux sur 4,7 ha. Sur le reste des 8,5 ha de sa propriété, il fait appel à des prestataires de services pour réaliser les travaux manuels (taille, palissage, attachage et épamprage). Ici, il taille en guyot avec une baguette à douze yeux environ et un courson de rappel à deux yeux. PHOTOS F. BAL

FABIEN PICQ s'occupe de tous les travaux sur 4,7 ha. Sur le reste des 8,5 ha de sa propriété, il fait appel à des prestataires de services pour réaliser les travaux manuels (taille, palissage, attachage et épamprage). Ici, il taille en guyot avec une baguette à douze yeux environ et un courson de rappel à deux yeux. PHOTOS F. BAL

AVANT LA SAISON, Fabien Picq vérifie l'état de son pulvérisateur, un Berthoud Supair équipé d'un rampe CG qui permet de traiter neufs rangs en face par face.

AVANT LA SAISON, Fabien Picq vérifie l'état de son pulvérisateur, un Berthoud Supair équipé d'un rampe CG qui permet de traiter neufs rangs en face par face.

Fabien Picq discute avec Arnaud Terrier, le conseiller viticole de la Chablisienne. Ce dernier audite les parcelles et conseille les adhérents sur les traitements.

Fabien Picq discute avec Arnaud Terrier, le conseiller viticole de la Chablisienne. Ce dernier audite les parcelles et conseille les adhérents sur les traitements.

« En 2009, j'ai adhéré à La Chablisienne par choix de vie », affirme Fabien Picq, vigneron installé dans l'Yonne sur 8,5 ha de chardonnay en appellation Chablis et Bourgogne Tonnerre. Âgé de 39 ans, il a grandi dans une famille de viticulteurs adhérents à cette cave coopérative. Pourtant, dans sa jeunesse, il est tenté par l'aventure de vinifier son propre vin. Après un BTS vitioeno à Beaune et un diplôme d'oenologue à Dijon (Côte-d'Or), le voilà fin prêt.

En 1998, il s'installe sur 1 ha de chablis et élabore ses 1 500 premières bouteilles de vin. En 1999, il reprend 1 ha supplémentaire de bourgogne blanc (devenu bourgogne tonnerre en 2006). Il investit peu à peu dans 80 hl de cuve inox et produit 5 000 bouteilles. Il commercialise le solde, soit les deux tiers, en moût au négoce. Il dispose de plus de 3 ha à planter, ce qu'il va faire au rythme de 30 à 40 ares tous les ans.

Dès le départ, il établit un système d'entraide avec le Gaec de ses parents et de son frère, qui possède tout le matériel nécessaire à la culture de la vigne et héberge ses cuves. « Les premières années, je ne gagnais pas le Smic, confie-t-il. J'aurais pu choisir de gagner davantage, mais j'étais heureux comme cela. Je n'ai jamais rêvé de vendre de grosses quantités en bouteilles, ni de partir faire des salons le dimanche. »

« J'étais toujours la dernière roue du carrosse pour les prestataires »

Très vite, il s'aperçoit des difficultés de son affaire. « J'avais de si petits volumes que j'étais toujours la dernière roue du carrosse pour les prestataires de mises en bouteilles, se souvient-il. Pour les mêmes raisons, je ne parvenais pas à négocier des tarifs intéressants sur les matières sèches. »

Il vend ses vins par connaissance ou par bouche-à-oreille. « Mon caveau était dans les bâtiments du Gaec, à 500 m de chez moi, ce n'était pas pratique du tout », poursuit-il. Quatre millésimes plus tard, il se rend à l'évidence : la vente en bouteilles n'est pas faite pour lui. Ses passions sont ailleurs. Il adore le rugby. Il y a longtemps joué et entraîne désormais des jeunes. De plus, il joue du saxophone et sa femme ainsi que ses deux enfants pratiquent également intensément la musique. Il décide donc d'arrêter de vinifier pour vendre toute sa production en moût au négoce.

Fin 2008, au départ à la retraite de ses parents, il dispose de 2,75 ha supplémentaires. Un choix s'impose : continuer ainsi ou rejoindre la coopérative, comme son frère. Les prix de vente au négoce fluctuent fortement d'une année sur l'autre. En 2004, il a vendu la feuillette de 132 l de moût à 535 euros, puis 400 euros en 2005 et 570 euros en 2007. Il fait ses comptes et compare ses prix de vente à ceux de sa famille. « Sur dix ans, si j'avais été adhérent à La Chablisienne, j'aurais gagné 10 % de plus », affirme-t-il.

De plus, avec la crise financière qui démarre aux États-Unis, la conjoncture s'annonce difficile. Autre argument en faveur de la coopérative : elle enlève du moût, il n'a plus besoin d'effectuer le débourbage. Enfin, avec l'agrandissement consécutif au départ en retraite de ses parents, il lui faudrait investir en cuverie. Pour toutes ces raisons, il adhère à La Chablisienne début 2009, avec un contrat de dix ans renouvelable tous les cinq ans. Il s'engage aussi à payer les parts sociales, s'élevant à 1 200 euros par ha sur trois ans. À son arrivée, il connaît déjà bien le fonctionnement de la coop, notamment son exigence en matière de traçabilité des lots, elle-même demandée par ses clients. Il rend « un journal d'intervention » – qui sera informatisé cette année – où il consigne les opérations réalisées sur ses sept parcelles. Arnaud Terrier, le conseiller technique de la coopérative, réalise deux visites dans les vignes, l'une après la taille et l'autre avant les vendanges. Fabien Picq suit les préconisations de traitements qu'il adresse toutes les semaines aux adhérents. Quinze jours avant les vendanges, il effectue les premiers prélèvements de maturité analysés par le laboratoire de la coopérative. Il récolte à la machine.

Selon le rendement, la maturité, la tenue des vignes et la note de dégustation des moûts, ceux-ci sont classés en quatre catégories. Fabien Picq se classe régulièrement dans la deuxième.

En 2012, sa récolte est maigre, 45 hl/ha au lieu des 60 hl autorisés. Heureusement, en 2011, il avait « fait le plein » avec un rendement de 70 hl/ha, dont 10 hl/ha de volume complémentaire individuel. « Ce système de réserve est vraiment très pratique car il permet de compenser les mauvaises années », souligne-t-il. Aujourd'hui, quatre ans après son adhésion à la coopérative, Fabien Picq ne regrette rien.

Et si c'était à refaire ? « Je prendrais un prestataire de services plus tôt »

« Jusqu'à la fin de 2008, j'effectuais moi-même tous les travaux manuels : taille, palissage, attachage et épamprage. Mais compte tenu de l'agrandissement de mon domaine après le départ à la retraite de mes parents, j'ai fait appel à un tâcheron pour m'aider sur 3,8 ha. Je n'aurais jamais dû l'embaucher. Il faisait un peu ce qu'il voulait : par exemple, en 2009, il a fi ni de tailler mi-avril. L'année d'après, je l'ai remplacé mais le problème est resté le même. Je n'étais satisfait ni par le travail réalisé, ni par le fait de devoir gérer du personnel.

Si c'était à refaire, j'opterais directement pour la prestation de services, comme je le fais depuis deux ans. Je règle 5 500 €/ha mais le travail est fait et je n'ai aucune contrainte de gestion de salariat.

Second point : j'adhérerais à La Chablisienne dès mon installation en 1998. Car être coopérateur, c'est beaucoup plus simple que d'essayer de vendre des bouteilles et de négocier des contrats et des prix avec le négoce. Mais d'un autre côté, l'expérience valait d'être vécue. »

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L'EXPLOITATION

Main-d'oeuvre : lui et des prestataires de services.

Surface : 8,5 ha.

Appellations : Bourgogne Tonnerre et Chablis

Encépagement : chardonnay.

Taille : guyot.

Densité de plantation : 5 800 pieds/ha.

Production 2012 : 390 hl.

Les résultats

CA 2012 : 150 000 euros.

L'essentiel de l'offre

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