LA CONSEILLANTE sont disposées en ovale autour d'un vaste espace central. Tout a été conçu pour assurer une hygiène optimale. Une dalle de béton a été coulée au-dessus des cuves pour combler les espaces entre elles. Au sol, le carrelage remonte sur une trentaine de centimètres au bas des cuves, pour que les éclaboussures lors des nettoyages ne les atteignent pas. PHOTOS LA CONSEILLANTE
Un chai capable de faire office de salle de réception. C'est l'audacieux pari qu'a relevé l'architecte Bernard Mazières en réponse à la demande du château La Conseillante. Dans les années soixante-dix, cette belle propriété de Pomerol, en Gironde, avait fait partie des précurseurs, investissant dans un cuvier tout en inox pour remplacer ses foudres.
« C'était un choix visionnaire, rappelle Jean-Michel Laporte, le directeur. À l'époque, on découvrait l'importance de l'hygiène dans les caves et l'intérêt de l'inox. Cette installation n'est pas obsolète, mais la taille des cuves ne convenait plus aux vinifications parcellaires que nous avons mises en place. »
Le vignoble de La Conseillante couvre 12 ha. Il se répartit en quinze parcelles, dont une d'un hectare. D'après de récentes études de terroir, celle-ci se décompose en trois parties homogènes. Jean-Michel Laporte a donc fait le choix de s'équiper de dix-huit cuves de vinification dont les volumes vont de 35 à 70 hl pour coller à la taille des parcelles. Il a également voulu s'équiper de quatre cuves de stockage de 80 à 100 hl.
L'inertie thermique, un critère qui pèse. « Le béton est le matériau qui répondait le mieux à cette contrainte. Avec leur base carrée, les cuves en béton permettent de mieux occuper l'espace. Dans notre projet, elles nous permettaient un gain de place d'environ 20 % par rapport à l'inox. Nous avons ainsi pu conserver un espace central de 170 m2 pour notre salle de réception », explique le directeur.
Autre critère qui a pesé dans la balance : l'inertie thermique bien supérieure à celle de l'inox. « Nous avons étudié une installation avec des cuves en inox à double paroi pour compenser la faible inertie thermique de l'inox. Mais le coût était près du double de celui du béton. »
Pour réguler la température des fermentations, le château a fait le choix du serpentin vissé au fond des cuves. « Je n'ai pas opté pour le dispositif de régulation intégré dans les parois et dans le fond de la cuve. Je craignais que, sous l'effet des variations de température, le béton se dilate et se fissure, confie Jean-Michel Laporte. D'après les échos que j'ai, cela ne semble pas être le cas, mais je n'ai pas voulu prendre ce risque. Avec le serpentin extérieur, le décuvage est moins aisé. Mais il n'est pas problématique non plus, d'autant que c'est une opération qu'on n'effectue qu'une fois par vendange. » Jean-Michel Laporte a également revêtu l'ensemble de ses cuves pour des raisons d'hygiène et de facilité d'entretien. « La microrespiration des vins dans le béton brut, je n'y crois pas, soutient-il. Et nos vins ne restent que deux mois en cuve avant d'être élevés en barrique pendant dix-huit mois. Deux mois, ce n'est pas suffisant pour que cet éventuel apport d'oxygène ait un impact sur les vins. Nous avons suivi les essais menés dans une propriété voisine entre des cuves en béton brut et des cuves en béton revêtu. Nous n'avons pas constaté de différence. »
Enfin, le dernier argument de poids en faveur du béton a été esthétique. « L'inox véhicule une image industrielle. Le béton colle mieux aux valeurs traditionnelles portées par une propriété familiale comme La Conseillante. Et le projet présenté par notre architecte nous a tout de suite plu », raconte Jean-Michel Laporte.
Un rendu bluffant. Bernard Mazières a eu l'idée de concevoir un cuvier où, disposées en ovale, les dix-huit cuves en béton se font face. Pour couvrir toute la surface au sol, leur base est légèrement tronconique, s'ouvrant en allant vers la périphérie de l'ovale. Bien que les cuves n'aient pas la même contenance, toutes les façades sont identiques. L'architecte a joué sur leur profondeur pour obtenir, à chaque fois, le volume désiré.
Le rendu est bluffant, associant ces façades de béton sobrement décorées d'un liseré violet, couleur de la propriété, au design très épuré du garde-corps en inox. Au centre, le vaste espace ovoïde, entièrement carrelé au sol, offre un cadre d'exception pour les réceptions, hors période de vendanges bien sûr. En avril dernier, il a accueilli 90 convives au moment de la présentation des primeurs. Un vrai succès pour ce réaménagement qui a longuement été mûri. « J'y ai réfléchi pendant un an tout seul. Puis nous avons travaillé pendant toute une autre année avec l'architecte », précise Jean-Michel Laporte.
Le réaménagement du cuvier a démarré en novembre 2011. Le nouvel ensemble a été mis en service pour les vendanges 2012. Il représente un investissement global de 2 millions d'euros. « Mon maître de chai m'a confié qu'il dormait beaucoup mieux pendant les vendanges depuis la mise en service de ce nouveau cuvier parce que tout y est fonctionnel », lâche Jean-Michel Laporte. Un indice qui ne trompe pas !
LES ÉQUIPEMENTS RETENUS
22 cuves aériennes en béton revêtu de résine époxy.
La base légèrement tronconique pour épouser la forme ovoïde du cuvier. Basse et trapue, cette forme de cuve augmente naturellement la surface de contact entre le marc et le jus, favorisant l'extraction.
Volume de 35 à 70 hl pour les 18 cuves de vinification de 2,35 m de haut (2,10 de hauteur intérieure) de 80 à 100 hl pour les cuves de stockage.
Porte frontale qui s'ouvre par le haut pour faciliter le décuvage.
Dégustateur fixé au milieu de la porte pour éviter de percer la cuve.
Serpentin de refroidissement à l'intérieur de la cuve. Robinet débourbeur classique.
Cheminée de 80 cm de diamètre centrée pour permettre un arrosage optimal des marcs et se laisser la possibilité de réaliser des pigeages.
L'hygiène, une obsession
La Conseillante a porté une attention très particulière à l'hygiène lors de la conception du cuvier. Tout a été pensé pour faciliter le nettoyage et éviter les recoins, toujours difficiles à récurer. Toutes les cuves sont surmontées d'une plinthe de 25 cm de haut pour éviter tout débordement sur leur façade avant. Installée pour l'hygiène, cette plinthe s'intègre parfaitement à l'esthétique du chai. Posée dans le prolongement des cuves, elle se fond dans la façade et supporte un garde-corps en inox au design très épuré.
Chaque cuve étant indépendante, elles sont séparées les unes des autres de quelques centimètres. Pour éviter tout écoulement d'eau, de moût ou de vin dans ces gorges très étroites et difficiles d'accès, l'architecte a fait couler une dalle de béton par-dessus toutes les cuves, formant un plancher continu. Cette dalle est en pente douce vers l'arrière du cuvier où sont évacuées toutes les eaux de lavage.
Au rez-de-chaussée du cuvier, le carrelage posé au sol remontre sur une trentaine de centimètres en bas des cuves, là encore pour protéger leur façade de béton des projections et éclaboussures lors des lavages.