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DOSSIER - Cuverie : Le retour du béton

Jean-Jacques Bonnet, vigneron sur 40 ha à la Chapelle-Heulin, en Loire-Atlantique « Nos aînés ont tout compris »

La vigne - n°255 - juillet 2013 - page 21

En Muscadet, les cuves souterraines en béton verré sont la tradition. Pour Jean-Jacques Bonnet, elles ont quantité d'avantages et un seul défaut : leur immobilité.
JEAN-JACQUES BONNET utilise des cuves souterraines en béton. Leur revêtement en verre est une particularité du Muscadet. Mais elles tendent à se raréfier. © S. CHAMPION

JEAN-JACQUES BONNET utilise des cuves souterraines en béton. Leur revêtement en verre est une particularité du Muscadet. Mais elles tendent à se raréfier. © S. CHAMPION

« Ma cuverie en béton, ce n'est pas un choix, c'est un héritage », annonce Jean-Jacques Bonnet. Ce vigneron exploite avec son frère Rémi un vignoble de 40 ha à la Chapelle-Heulin, au cœur du Muscadet. Ils produisent essentiellement des muscadets sèvre-et-maine élevés sur lies. Leur cave est équipée de trente cuves souterraines en béton, revêtues de carreaux de verre ou de grès, dont la capacité va de 25 à 150 hl. Un équipement traditionnel dans cette région.

« Nos aînés ont bien compris l'intérêt des cuves souterraines. Dans notre région, nous n'avons pas de caves enterrées : elles nous mettent à l'abri des variations de température, souligne le vigneron. Et de par leurs dimensions, elles sont aussi parfaitement adaptées à l'élevage des vins blancs sur lies. » Sa cuve la plus haute mesure 2,20 m de haut. Les autres ne dépassent pas les deux mètres. Leur surface au sol est de deux à trois mètres de large sur quatre de profondeur.

Avec de telles dimensions, communes dans le muscadet, les lies se déposent sur une large étendue au fond de la cuve, ce qui favorise les échanges avec le vin. La pression exercée sur elles est moindre que dans des cuves en inox, généralement plus hautes. C'est une bonne chose, car plus la pression s'exerçant sur les lies est forte, plus celles-ci produisent de composés réducteurs dans les instants qui suivent la fin de la fermentation alcoolique, un fait démontré par la faculté d'œnologie de Bordeaux (Gironde) depuis plusieurs années.

Jean-Jacques Bonnet ne débourbe pas ses moûts et ne soutire pas ses vins en fin de fermentation alcoolique, sauf si la qualité sanitaire pose problème. Il laisse ses muscadets sur lies s'éclaircir tout seuls. Ces vins restent troubles trois mois après la fermentation, puis les lies se déposent. L'élevage sur lies dure au total six à douze mois. Pour le muscadet Goulaine, en cours de reconnaissance par l'Inao, il faut au moins dix-huit mois.

« Nous obtenons les meilleurs résultats dans des cuves de 50 à 100 hl, dans lesquelles le rapport lies/vin est optimal », précise Jean-Jacques Bonnet.

Le béton perd du terrain en Muscadet. L'intérieur des cuves est revêtu de carreaux de verre ou de grès. « Elles se nettoient facilement, car ce sont des parois lisses. Mais le tartre s'incruste sur les joints. Ce revêtement nous oblige à un entretien très méticuleux. Il faut vérifier l'étanchéité des joints et des carreaux. S'il se dégrade, on risque des infiltrations de vin derrière les carreaux, ce qui peut ensuite être source de contaminations microbiennes. »

Chaque année, avant les vendanges, le domaine fait venir un carreleur spécialisé. L'artisan refait les joints, sonde les carreaux et remplace ceux qui sont abîmés. Le verre est plus facile à contrôler que le grès : sa transparence permet de repérer immédiatement les infiltrations. Malgré toutes ces cordes à son arc, le béton revêtu perd du terrain en Muscadet au profit de l'inox. « La pose des carreaux de verre dans une cuve souterraine n'est pas aisée. De moins en moins de carreleurs maîtrisent cette technique », indique Jean-Jacques Bonnet.

Mais le gros handicap de la cuve en béton enterrée, c'est qu'une fois installée, elle est inamovible. Donc invendable, contrairement à l'inox qui se revend très bien sur le marché de l'occasion. Dans une conjoncture incertaine, c'est un argument de poids. « Aujourd'hui, si j'avais à augmenter ma cuverie, je choisirai l'inox. Non pas pour ses performances œnologiques, mais pour sa valeur à la revente », admet ce vigneron pourtant adepte du béton.

Une spécificité du Pays nantais

Les cuves souterraines en béton revêtu de verre sont une spécificité du vignoble nantais. Elles y ont fait leur apparition à partir des années 1940, sous l'impulsion de maçons et de carreleurs italiens qui maîtrisaient bien la fabrication et le revêtement de ces cuves. Récemment, les revêtements ont été conçus avec des carreaux de grès. Plus esthétiques, leur entretien est aussi plus compliqué, car les infiltrations se décèlent moins facilement qu'à travers le verre. Aujourd'hui, ces cuves sont en perte de vitesse, faute d'artisans qualifiés pour les réaliser.

Cet article fait partie du dossier Cuverie : Le retour du béton

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