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ACTUS - RÉGIONS

Situation tendue à l'aube de la nouvelle campagne du vrac

La vigne - n°257 - octobre 2013 - page 10

Dans le Bordelais, en Bourgogne et dans les côtes du Rhône, les stocks sont bas et la récolte petite. Tous les ingrédients sont réunis pour que les prix grimpent sur le marché du vrac.
En Bourgogne, la petite récolte et la faiblesse des stocks entraînent des tensions sur les marchés du vrac. © C. THIRIET

En Bourgogne, la petite récolte et la faiblesse des stocks entraînent des tensions sur les marchés du vrac. © C. THIRIET

Gilles Ferlanda, le responsable de la commission économique du syndicat général des vignerons des côtes du Rhône, apporte sa vendange à la coopérative Les coteaux de Visan, située dans le Vaucluse.

Gilles Ferlanda, le responsable de la commission économique du syndicat général des vignerons des côtes du Rhône, apporte sa vendange à la coopérative Les coteaux de Visan, située dans le Vaucluse.

Bordeaux : « Les prix vont flamber »

« Plus on avance et plus la petite récolte se confirme. On s'achemine vers un rendement moyen toutes AOC Bordeaux confondues de 35 hl/ha, contre 50 hl/ha habituellement », rapporte Éric Échaudemaison, courtier à Bordeaux (Gironde).

Certains vont plus loin dans le pronostic. « Nous sommes à 25 hl/ha sur de jeunes merlots. On s'oriente vers une demi-récolte. Les prix vont flamber », prévient Philippe Hébrard, directeur de la cave de Rauzan. Pour compenser la faible récolte 2013, la coop va utiliser ses 12 500 hl de volumes complémentaires individuels issus des trois récoltes précédentes, alors qu'elle produit 165 000 hl en temps normal. Dans les campagnes, les acheteurs mettent la pression. « Ils harcèlent les viticulteurs », lâche un courtier. « Le négoce veut à tout prix réserver des volumes, alors que les vignerons aimeraient qu'on leur fiche la paix pendant ces vendanges compliquées », souligne Laurent Bouiges, directeur de la coopérative Univitis.

« Ceux qui ont des stocks de rouge 2012 ou plus anciens sont très sollicités. Et les demandes seront encore plus pressantes sur le millésime 2013 », indique Xavier Coumau, président des courtiers de Gironde.

Dès fin août, le négoce a réalisé des achats de précaution sur de vieux millésimes. En septembre, le bordeaux rouge 2012 s'est échangé à 133 €/hl, contre 115 €/hl prix moyen de campagne 2012-2013. De même, il a effectué des achats sur souches en mœlleux et rosés. Éric Marin, directeur des achats de Grands vins de Gironde, relativise : « Nous achetons sur souche tous les ans. Cette année, pas plus que d'habitude. De toute façon, il n'y a pas d'offre. »

Reste que la flambée des prix guette en raison du bas niveau des stocks. « Comment alimenter les marchés sans que les prix n'explosent. On ne sait pas où on va », confie Éric Échaudemaison. Xavier Coumau veut calmer le jeu. Le 27 septembre, il a adressé un courrier à ses confrères et aux organisations professionnelles girondines en pointant la priorité des prochains jours, à savoir « laisser les viticulteurs vendanger avec le maximum de sérénité possible ».

Bourgogne : Les cours à des niveaux historiques

Cet été, les négociants bourguignons ont bien tenté d'acheter de la vendange sur pieds. Mais ils n'en ont trouvé que très peu. N'ayant plus de stock et voyant leurs faibles rendements, les vignerons ont privilégié leurs marchés en bouteilles.

En pleines vendanges, l'interprofession (BIVB) a annoncé que la récolte serait certainement inférieure de 150 000 hl au 1,55 million d'hectolitres habituels pour la région. Millerandage et coulure ont entamé le potentiel des chardonnays qui ont plus souffert que les pinots noirs durant la floraison.

Chablis et le Mâconnais, qui table sur des rendements de 40 hl/ha seulement, en souffrent particulièrement. La récolte des crémants ne sera pas non plus à la hauteur des espérances : elle devrait plafonner autour de 60 hl/ha au lieu des 87 hl/ha autorisés.

Les stocks étant bas, les marchés du vrac sont encore plus tendus qu'en 2012. Fin septembre, la pièce de 228 litres de bourgogne blanc se vendait à 650 euros selon les chiffres de l'interprofession et la pièce de bourgogne rouge entre 900 et 950 euros. Ces niveaux historiquement élevés font du bourgogne rouge la plus chère de toutes les appellations régionales de France en grande surface.

Malgré cela, le commerce reste actif. La campagne 2012-2013 s'est traduite par un recul des sorties de propriétés de 7 % seulement, alors que la récolte 2012 était en baisse de 20 %

« La situation est compliquée, déplore Pierre-Henri Gagey, négociant à Beaune (Côte-d'Or) et président du BIVB. Nous vendons plus que nous produisons. Ça ne pourra pas durer indéfiniment. Nous devons retrouver un équilibre. Ce ne sera pas encore le cas en 2013. »

De son côté, Michel Baldassini, président-délégué de l'interprofession, redoute que la qualité du millésime 2013 ne suffise pas à asseoir une montée en gamme durable.

Côtes-du-Rhône : Le négoce s'active

Le 24 septembre, le syndicat général des vignerons des côtes du Rhône a adressé à ses adhérents le prix d'orientation du côtes-du-rhône rouge primeur 2013 : 125 €/hl. « C'est 10 €/hl de plus que l'an passé. Le côtes-du-rhône de garde va se positionner à ce niveau », précise Gilles Ferlanda, responsable de la commission économique.

Depuis trois ans, le syndicat a entrepris une démarche de valorisation des cours. Il continue donc cette année, dans un contexte plus tendu. Au 31 juillet, les stocks à la propriété étaient tombés à sept mois de commercialisation. Et la récolte 2013 est encore plus basse que la précédente qui était déjà faible. En cause : la coulure sur le grenache, cépage représentant 70 % de l'encépagement de l'AOC Côtes du Rhône.

Le négoce s'active. « Nous avons reçu des appels de courtiers fin septembre, déclare une vigneronne gardoise qui produit 1 500 hl de côtes-du-rhône. Mais nous n'avions pas encore terminé la récolte. Nous avons préféré attendre avant de nous engager. »

Pour se couvrir, des négociants ont acheté du millésime 2012 au prix fort : 125 €/hl de côtes-du-rhône rouge, prix moyen enregistré par Inter-Rhône la dernière semaine de septembre, contre 115 €/hl, en moyenne, durant la campagne 2012-2013.

« À l'issue des vendanges, les affaires vont se conclure plus rapidement que l'an passé, estime Christophe Pasta, courtier dans le Vaucluse. Des acheteurs se reporteront sur des appellations voisines comme Ventoux. Mais, là aussi, les rendements sont en baisse. »

Les négociations s'annoncent rudes. La production veut compenser cette petite récolte, la troisième consécutive. À l'autre bout de la chaîne, la grande distribution n'acceptera pas de hausse de prix sans broncher.

Le Beaujolais dans l'attente

Début octobre, les choses semblaient bien engagées pour les producteurs. Les 60 000 premiers hectolitres de beaujolais nouveau et de beaujolais villages nouveau 2013 s'étaient vendus respectivement 219 et 238 €/hl. Des prix identiques à l'an passé, comme l'avait demandé l'ODG. « Nous avons enregistré quelques transactions à ces tarifs auprès d'Inter Beaujolais afin de donner un signal fort et d'éviter que la campagne ne parte à la baisse », détaille Bernard Couzon, président de Signé vignerons, l'entente entre les caves de Bully et de Quincié (Rhône). Reste à savoir si le marché va tenir, baisser, voire surchauffer en fin de campagne comme l'an dernier. Car la récolte tardive – trois semaines de retard par rapport à 2012 – contrarie le négoce. Celui-ci avait demandé une hausse des volumes autorisés à la vente en primeur pour s'approvisionner davantage dans les régions précoces. La production a refusé pour éviter toute chute des prix. Le rendement en primeur est resté à 26 hl/ha comme elle le demandait. « Les vins des zones tardives ne pourront pas être enlevés à temps pour être expédiés sur les marchés, redoute le courtier Olivier Richard. Nous pourrions donc manquer de volumes et perdre des débouchés. » La production se veut rassurante. « Les vignerons ne sont pas des spéculateurs, rappelle Frédéric Laveur. Les prix de début de campagne sont convenables, il n'y a pas de raison qu'ils flambent. Les zones précoces ont été vinifiées prioritairement en primeurs. En 2011, 250 000 hl ont été écoulés en primeurs. Nous estimons la production de 2013 à 280 000 hl, ce qui laisse une marge suffisante. »

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