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VENDRE

« L'accueil fait partie intégrante de mon métier »

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°257 - octobre 2013 - page 57

AU MAS DE L'ONCLE, DANS L'HÉRAULT, Fabrice Bonmarchand invite les amateurs de vins à partager l'ambiance des vendanges le temps d'une journée. En ouvrant ses portes à ce moment privilégié, il fidélise ses clients et en attire de nouveaux.
AUTOUR D'UN CAFÉ ET D'UN CROISSANT, Fabrice Bonmarchand accueille ses vendangeurs d'un jour dès 8 heures pour une journée de découverte. PHOTOS F. EHRHARD

AUTOUR D'UN CAFÉ ET D'UN CROISSANT, Fabrice Bonmarchand accueille ses vendangeurs d'un jour dès 8 heures pour une journée de découverte. PHOTOS F. EHRHARD

DANS LA PETITE PARCELLE DE SYRAH à vendanger, Fabrice explique que les grapillons qui semblent mûrs mais sont trop acides et les grappes où la pourriture s'est installée ne doivent pas être récoltés.

DANS LA PETITE PARCELLE DE SYRAH à vendanger, Fabrice explique que les grapillons qui semblent mûrs mais sont trop acides et les grappes où la pourriture s'est installée ne doivent pas être récoltés.

LE PIQUE-NIQUE est l'occasion de faire plus ample connaissance. Les visiteurs relèvent qu'ils ne dégusteront plus les vins de la même façon, maintenant qu'ils connaissent le travail que cela représente.

LE PIQUE-NIQUE est l'occasion de faire plus ample connaissance. Les visiteurs relèvent qu'ils ne dégusteront plus les vins de la même façon, maintenant qu'ils connaissent le travail que cela représente.

VENUES DE BELGIQUE, Carine et Laleh ont aménagé des gîtes dans la région et aimeraient proposer à leurs clients de rencontrer des vignerons.

VENUES DE BELGIQUE, Carine et Laleh ont aménagé des gîtes dans la région et aimeraient proposer à leurs clients de rencontrer des vignerons.

Samedi 21 septembre, 8 heures. Au pied du pic Saint-Loup, à Lauret, dans l'Hérault, il fait frais ce matin-là. Le café chaud, accompagné de croissants, est bienvenu. Fabrice Bonmarchand, détendu, accueille ses hôtes dans la cour du mas de l'Oncle. Il est sur place depuis 6 heures avec ses deux salariés et sa stagiaire, car aujourd'hui, c'est sa journée vendange ouverte au public.

Autour de lui, neuf amateurs de vins curieux de découvrir le métier de vigneron et prêts à mettre la main à la pâte. Carine et Laleh, toutes deux de Bruxelles, en Belgique, ont vu l'annonce de cette journée sur la page Facebook du domaine, « très vivante », notentelles. Jean-Claude et Françoise ont trouvé l'information dans un article du « Midi Libre », le journal régional. Fabrice Bonmarchand a invité Christophe et Jean-Paul, qui planchent avec lui sur son projet de construction d'une nouvelle cave au milieu des vignes. Ils ont amené leur famille.

Cette journée fait partie des prestations d'œnotourisme proposées par ce néovigneron, ingénieur en bâtiment dans une autre vie. « J'ai repris le domaine en 2011 et j'ai opté pour le bio. Sur 10 ha, je produis de petits volumes que je dois bien valoriser pour m'en sortir », raconte-t-il à ses invités. Sur un total de 40 000 à 45 000 cols, il veut arriver à en vendre 10 000 à 15 000 au caveau. Car avec des prix qui s'étagent entre 8 et 21 euros TTC, c'est là qu'il a la meilleure marge.

Ce 21 septembre, c'est aussi son premier jour de vendange. Fabrice a travaillé jusqu'au dernier moment pour finir de tout nettoyer et installer le nouvel égrappoir. « Tout n'est pas encore mûr. Ce millésime est très tardif, mais j'ai une petite parcelle de syrah que nous allons pouvoir vendanger ensemble », annonce-t-il.

Plaisir. Puis il explique sa démarche à ses invités. « J'ai besoin de me constituer une clientèle. Et, pour cela, l'œnotourisme est une des clefs. Les vins de l'appellation Languedoc Pic Saint-Loup sont vendus pour une grande part à Montpellier. La concurrence est forte. Pour me démarquer, je dois faire connaître mon domaine. Les journaux parlent des activités que j'organise et cela m'aide. » Mais l'accueil, pour Fabrice, est aussi un plaisir. À le voir parler de son travail et répondre aux questions de ses visiteurs, il n'y a pas de doute, il aime les échanges !

Pendant qu'il détaille ses cépages et ses méthodes de culture, Bruno, un de ses salariés, positionne derrière lui le tapis qui va amener la vendange jusqu'en haut des cuves. Fabrice en profite pour décrire le parcours que suivront les raisins tout à l'heure.

Ruddy, un jeune garçon de douze ans, très intéressé par les machines agricoles, voudrait savoir où est le pressoir. Le maître des lieux lui indique qu'il ne presse les marcs qu'après deux ou trois semaines de fermentation. Il utilise alors un pressoir mobile qu'il installe dans la cour, faute de place dans la cave. « Et tu as une vendangeuse ? » demande Ruddy. « Mais ici, les vendanges se font à la main ! » répond Fabrice en invitant le groupe à se rendre sur une petite parcelle de syrah toute proche.

À 9 heures 30, au bord de la vigne, le tracteur est déjà là avec un chargement de caisses vides et un lot de sécateurs. Chacun en prend un, puis vient écouter les explications de Fabrice. « J'ai effeuillé cette vigne en août pour aérer la végétation. Vous n'aurez pas de mal à trouver les grappes. » Puis il détaille celles qu'il ne faut pas récolter : les petits grappillons qui ont l'air mûrs mais qui sont trop acides ou encore celles où la pourriture s'est installée. Chacun prend son rang et commence à couper.

Au début, les appels fusent. « Et celle-là, je la mets ou pas ? » interrogent les vendangeurs d'un jour, soucieux de bien faire. Fabrice va des uns aux autres pour les guider. Puis, chacun ayant trouvé ses repères, il peut commencer à récolter lui aussi. Ruddy, le premier, annonce qu'il a rempli sa caisse. Arthur, le second salarié du domaine, propose de l'eau fraîche. Fabrice veille à ce que les caisses pleines soient bien rangées sous les rangs désignés d'une croix au sol. C'est là que Bruno et Arthur passeront avec le tracteur et la remorque pour les charger.

Ambiance détendue. À 11 heures, la chaleur monte et quelques baies écrasées dans les caisses remplies de raisins commencent à fermenter. Une odeur agréable s'en dégage déjà, ce qui surprend Carine et Laleh. L'ambiance reste détendue et chacun prend le temps de bavarder et d'admirer le paysage. « C'est un bonheur d'être ici, dans les vignes. Les mains occupées à couper du raisin, je ne pense à rien, je me sens bien », relève Laleh.

Vient alors le moment d'accompagner le premier chargement à la cave. Fabrice emmène une partie de l'équipe avec lui. Arrivé sur place, il rince une dernière fois la cuve de vinification, par précaution. « Pour faire du vin, il faut beaucoup laver. » Puis il vide la première caisse de ce nouveau millésime dans l'égrappoir, « un moment émouvant », commente le jeune vigneron, qui démarre sa troisième vendange seulement.

Jean-Paul lui passe les caisses de raisins, la cuve se remplit peu à peu et des effluves fruités commencent à se dégager. Keren, la stagiaire, rince les caisses vides. Pendant ce temps, le reste de l'équipe a bien avancé à la vigne. Un deuxième chargement est bientôt prêt. À 13 heures 30, tout le raisin est en cuve. Mais celle-ci est loin d'être pleine ! « Il y a de quoi faire 1 300 cols », évalue Fabrice.

Après s'être rafraîchie, toute l'équipe se retrouve au coin d'une vigne pour pique-niquer. Au menu, charcuterie, tapenade et fromages du terroir, fournis par un traiteur, et accompagnés de vins du domaine. Après cette matinée bien remplie, la nourriture est bienvenue et les vins délicieux. Les discussions vont bon train entre les participants, qui prennent le temps de faire plus ample connaissance.

Interrogés, ils se disent très heureux de cette journée de découverte. « Je ne dégusterai plus de la même façon les vins, maintenant que j'ai une idée du travail que cela demande », confie Cathy, la compagne de Christophe. Carine, elle, a été surprise de voir à quel point le vigneron est soumis aux aléas de la nature. En 2012, à cause du milidou, Fabrice a perdu la récolte d'un hectare de vignes. « En bio, il n'y a pas de rattrapage », rapporte-t-il. Laleh, de son côté, a découvert la complexité du métier, « qu'elle se verrait bien gérer », affirme-t-elle, s'imaginant un bref instant dans la peau d'une vigneronne.

Sur le départ. De retour à la cave, Fabrice fait visiter son chai à barriques. Puis ceux qui le souhaitent achètent des vins. Il est déjà 16 heures, l'heure de se quitter. La poignée de main du départ est chaleureuse. « Ensemble, nous avons partagé de bons moments. C'est le plus important. Ces souvenirs que les gens emportent, ils pourront les raconter à leurs amis. Ils ne parleront pas de mes vins de la même façon que s'ils les avaient simplement découverts chez leur caviste », analyse Fabrice.

« L'an dernier, j'ai reçu pour les vendanges deux couples de Marseillais qui logeaient à l'auberge du village. Ils ont été emballés par l'expérience et sont revenus deux fois dans l'année m'acheter des vins. Et cet été, ils m'ont commandé plusieurs cartons pour les faire découvrir aux personnes chez qui ils passaient des vacances en Bretagne », raconte-t-il. Ces clients, devenus des amis, ont d'ailleurs prévu de revenir cette année pour une deuxième journée de vendange le 28 septembre.

Aujourd'hui, le vigneron a vendu trois cartons de bouteilles pour 220 euros. Mais il espère bien engranger de nouvelles ventes dans les mois à venir. Jean-Claude et Françoise ont promis de parler du domaine aux adhérents de leur club de randonnée. Christophe aurait bien fait le plein de rosé, mais tout le 2012 est vendu. Pour le 2013, il devra attendre décembre.

Carine et Laleh ont aménagé des gîtes près du pic Saint-Loup. Passionnées par l'univers du vin, elles voudraient organiser des rencontres avec des vignerons. Fabrice rebondit et leur propose de venir à la journée partenaires qu'il prévoit d'organiser avec les hébergeurs du pic Saint-Loup. « Notre intérêt à tous est que les visiteurs repartent satisfaits, aussi bien des balades et des dégustations que de l'hébergement, assure-t-il. J'investis pour le futur. Les frais de la journée sont couverts par les 15 euros versés par chaque participant. J'ai surtout engagé du temps et de l'énergie. Mais je suis prêt à recommencer samedi prochain. L'accueil fait partie intégrante de mon métier ! »

ALLIER CONVIVIALITÉ ET FRANCHISE POUR DONNER UNE BELLE IMAGE DU MÉTIER

Les activités payantes sur le domaine de Fabrice Bonmarchand peuvent être offertes sous forme de coffret cadeau. Cela va de la journée de découverte jusqu'au stage vigneron.

Pour les journées de vendanges, Fabrice choisit un jour de week-end. Son équipe habituelle de vendangeurs ne vient pas et il peut ainsi se concentrer sur ses hôtes. Il leur réserve une parcelle où les raisins sont mûrs et mobilise ses salariés et sa femme, Audrey, pour l'aider.

Il ne triche pas sur l'image qu'il donne de son métier. Pas question, par exemple, de passer sous silence le petit apport de SO 2.

Il veille à l'accessibilité des lieux et à leur mise en valeur. Tout est rangé de façon à faciliter la visite. Dans le chai à barriques, par exemple, des lampes suspendues créent une belle ambiance.

Pour préserver la convivialité, il limite le nombre de personnes à quinze ou vingt. « Si je prenais plus de monde, j'aurais moins de temps à consacrer à chacun. C'est grâce aux souvenirs des bons moments partagés que les gens deviendront des ambassadeurs du domaine. »

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