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AU COEUR DU MÉTIER

À SOUSSAC, EN GIRONDE « Nous voulons progresser pas à pas »

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°258 - novembre 2013 - page 52

Christophe et Isabelle Guicheney ont trouvé un équilibre entre leur partenariat exclusif avec un négociant et leurs ventes directes. Les deux activités se complètent et croissent régulièrement.
CHRISTOPHE GUICHENEY a la responsabilité de la conduite de la vigne et du travail au chai. Son épouse Isabelle s'occupe du commercial. Ils reçoivent leurs clients dans ce local où ils stockent leurs vins.

CHRISTOPHE GUICHENEY a la responsabilité de la conduite de la vigne et du travail au chai. Son épouse Isabelle s'occupe du commercial. Ils reçoivent leurs clients dans ce local où ils stockent leurs vins.

LE TABLEAU DE BORD DE LEUR EXPLOITATION

LE TABLEAU DE BORD DE LEUR EXPLOITATION

FABIAN, le cadet des deux fils d'Isabelle et Christophe Guicheney, aide son père à effectuer un remontage. PHOTOS P. ROY

FABIAN, le cadet des deux fils d'Isabelle et Christophe Guicheney, aide son père à effectuer un remontage. PHOTOS P. ROY

Objectif : grandir pas à pas

Objectif : grandir pas à pas

DEPUIS 2003, les vins de Chistophe Guicheney ont gagné 24 médailles. Elles sont accrochées aux murs du local de stockage des vins. Rémy, l'aîné de la famille, a 17 ans. Passionné par la vigne, il prépare un bac pro viti-œno. Il représente la cinquième génération de viticulteur.

DEPUIS 2003, les vins de Chistophe Guicheney ont gagné 24 médailles. Elles sont accrochées aux murs du local de stockage des vins. Rémy, l'aîné de la famille, a 17 ans. Passionné par la vigne, il prépare un bac pro viti-œno. Il représente la cinquième génération de viticulteur.

Chistophe Guicheney programme la température d'une cuve sur le tableau de thermorégulation.

Chistophe Guicheney programme la température d'une cuve sur le tableau de thermorégulation.

C'était le 11 octobre dernier. Ce jour-là, Christophe Guicheney signait l'acte définitif d'achat de 15 ha vignes. Le viticulteur, implanté à Soussac, en Gironde, devenait propriétaire de parcelles situées dans le village voisin d'Auriolles. Un investissement de 240 000 euros soit 16 000 €/ ha, le prix moyen en AOC Bordeaux. Christophe et son épouse Isabelle ont été séduits par ces vignes assez bien entretenues, bien exposées et réparties en 6 ha de merlot, 1,30 ha de sauvignon blanc, 1 ha de cabernet franc et le reste en cabernet sauvignon. Ils les cultivent depuis le mois de juin, après la signature de l'acte sous-seing privé. Avec dans la tête, une stratégie déjà bien rodée : faire de la bouteille, tout en écoulant une grosse part de la récolte auprès de Grands chais de France, leur négociant exclusif.

« Nous voulons faire grossir notre activité bouteille, tout en gardant une relation très privilégiée avec notre négociant. C'est un équilibre que nous recherchons. Nous progressons pas à pas », explique le viticulteur.

Dès 1993, il donne des coups de mains sur la propriété de sa belle-famille, Château Piconat, situé à Soussac, tout en exerçant son métier de pompier professionnel. En 1998, BPA agricole en poche, il quitte son métier. Il vient travailler sur l'exploitation comme salarié à plein-temps. En février 2003, ses beaux-parents prennent leur retraite. Christophe s'installe comme jeune agriculteur. Il devient gérant de l'EARL Comin-Guicheney qui a deux associés : lui et sa femme. Les voilà à la tête de 27 ha en AOC Bordeaux qu'ils louent en fermage aux parents d'Isabelle.

Ces derniers écoulaient leur vin en vrac. D'emblée, les nouveaux exploitants se fixent leur propre feuille de route. Leur projet repose sur deux axes : d'une part, se lancer dans la bouteille sous le nom de Château Piconat, d'autre part, engager un partenariat avec un négociant.

Dans cette perspective, ils réduisent les rendements de 65 à 55 hl/ha, en taillant plus court, en maîtrisant l'apport d'engrais et en enherbant tous les rangs. Ils sélectionnent aussi plus attentivement les parcelles au moment du ramassage. « Nous sommes très attentifs à la maturité du raisin », souligne Christophe.

Au chai, le viticulteur pratique une macération préfermentaire à froid (10°C) pendant cinq à huit jours. Puis vient la phase du réchauffement pour levurer. « Les fermentations s'effectuent autour de 26°C. À la fin de celles-ci, nous augmentons la température pour qu'elle atteigne 30 à 32°C afin d'extraire les tanins », indique-t-il. Un œnologue conseil, Jean-Louis Vinolo, leur rend visite deux fois par semaine. Selon les dégustations, il préconise de pratiquer une micro-oxygénation pour obtenir de la longueur et du velouté.

Le second axe de développement se met en place dès la récolte de 2002 avec la signature d'un partenariat exclusif avec Grands chais de France. Depuis, Christophe réserve l'étiquette Château Grand Plantey au négociant, lequel achète en volume selon ses besoins. Un accord noué par l'intermédiaire du courtier Xavier Coumau. À l'époque, le négociant achetait 1 000 hl au viticulteur qui ne gardait que 200 hl pour ses propres mises en bouteilles. « Le prix était très attractif, dans la moyenne haute des prix de l'AOC Bordeaux. »

L'EARL vend toujours la plus grosse partie de sa récolte au négociant : 1 950 hl cette année sur une récolte de 2 500 hl en 2012. Elle négocie le tonneau de bordeaux rouge autour de 1 250 euros, sa cuvée médaille d'or atteignant 1 500 euros. Le blanc part à 1 200 €/tonneau et le rosé à 1 150 euros. Grands chais de France assure la mise en bouteille à la propriété. Le négociant écoule Château Grand Plantey principalement à l'export, sous les trois couleurs (150 000 bouteilles de bordeaux rouge, 30 000 de rosé et 20 000 de sauvignon).

Le partenariat dure ainsi depuis dix ans. Le secret de cette longévité ? « Avec Philippe Chabert, directeur des achats de châteaux à Grands chais de France, nous avons créé un lien. Je l'appelle par son prénom », confie le viticulteur. Un peu court. L'explication de cette fidélité, il faut la chercher ailleurs. Ainsi, le négociant apprécie que le viticulteur se soit doté de moyens techniques. Comme la thermorégulation. Il possède neuf cuves thermorégulées en inox de 250 hl chacune pour les rouges, auxquelles s'ajoutent vingt cuves thermorégulées en ciment revêtus d'époxy pour les blancs et les rosés.

De même, Grands chais de France est sensible aux médailles que rafle la propriété chaque année. Rien qu'en 2012, elle en a récolté six. Château Grand Plantey rouge 2011 a décroché la médaille d'or au concours de Lyon (Rhône), par exemple. Cette année, Château Piconat rosé 2012 a remporté la médaille d'or au concours de Bordeaux - Vins d'Aquitaine et a été sélectionné par le guide Hachette 2014. Et Grand Plantey rouge 2012 a obtenu une médaille d'argent au concours de Bordeaux (Gironde).

Grands Chais de France voit aussi d'un bon œil l'esprit d'ouverture de Christophe Guicheney. Depuis 2003, le viticulteur se prête chaque année aux essais de la société Lallemand, qui lui confie des levures, certaines n'étant pas encore commercialisées. « Je joue le cobaye. Je réalise des essais sur deux cuves. Il faut bien suivre le protocole, qui est contraignant, mais cela me permet d'être à la pointe des innovations. Le fait d'aller dans la nouveauté plaît au négociant et lui donne confiance », assure-t-il.

Ainsi a-t-il essayé avant l'heure la levure BM 4X4 qui amène de la rondeur et de la souplesse aux rouges, tout en préservant le fruit. Ou encore la R 9008, sélectionnée pour amener du volume en bouche aux vins rouges issus de raisins concentrés et pour atténuer la verdeur. Des levures qu'il a adoptées.

Mais avant tout, le viticulteur sait être attentif aux préconisations du négociant qui veut des vins fruités et souples. « Je suis les conseils que m'apporte Philippe Chabert », reconnaît-il. Quitte à se retrouver parfois dans une position inconfortable. Il arrive, comme cela a été le cas en 2012, que son œnologue préconise l'ajout de copeaux, contrairement au désir du négociant. « Il a fallu que je jongle. Ce n'était pas facile », avoue-t-il.

En attendant, il ne perd pas de vue son objectif de maintenir un équilibre entre ce partenariat et la vente en bouteilles, une activité dont Isabelle s'est chargée avec succès. Elle s'est implantée chez une cinquantaine de cavistes le long de la façade atlantique. Ces établissements achètent 90 % de la production de Château Piconat. Le couple possède aussi un fichier de particuliers d'une centaine de noms. Au total, il écoule 30 000 bouteilles et 5 000 bibs sous l'étiquette Château Piconat.

Sur ce créneau-là aussi, il sait évoluer. En 2007, pour répondre à la demande des cavistes, les Guicheney se lancent dans le bib. Ils investissent 5 000 euros dans une remplisseuse. La machine fait le vide d'air, remplit la poche souple et sertit le bouchon. En revanche, c'est à la main qu'Isabelle met la poche dans le carton. De son côté, Christophe prépare les vins, veillant particulièrement à leur teneur en SO2 libre qui doit atteindre 40 mg/l pour une bonne conservation.

Cette diversification dans les bibs, ils ne la regrettent pas, même si elle leur demande plus de travail. Car toutes les trois semaines, c'est une palette (120 bibs pour chaque couleur) qui part du château. Et ce marché continue à se développer.

Les projets ne manquent pas. Suite au rachat des 15 ha à Auriolles, les Guicheney vont investir 25 000 euros pour s'offrir 1 100 hl de cuverie supplémentaires.

Parfois, les Guicheney s'interrogent sur le chemin parcouru. « Le confort financier acquis grâce au partenariat avec Grands chais de France nous a permis de savoir où nous allions. Mais c'est un confort qui pourrait devenir dangereux s'il s'arrêtait », affirme Isabelle. En attendant, il faut aller de l'avant. Il n'y a pas de place pour les états d'âme. Il faut grandir, mais raisonnablement. Christophe et Isabelle travaillent pour la cinquième génération. Un de leurs deux enfants, passionné par le vin, est en bac pro viti-œno.

Le Point de vue de

CE QUI A BIEN MARCHÉ

Le couple a agrandi sa propriété en achetant des vignes (8 ha en 2007 et 15 ha en 2013) et en développant ses ventes au négoce et ses ventes directes.

Christophe vend à des prix intéressants. Les efforts qu'il mène en faveur de la qualité portent leurs fruits, ce qui l'autorise à investir régulièrement : acquisition d'une remplisseuse pour les bibs en 2007, 8 000 euros dans le microbullages en 2011 et achat de cuveries supplémentaires en 2013.

La diversification vers le bib se révèle porteuse. Elle permet d'écouler de plus en plus de volume sans que ce soit au détriment de la bouteille.

Le Point de vue de

CE QU'ILS NE REFERONT PLUS

« Nous avons été trop prudents. Nous n'avons pas assez boosté l'activité bouteille. J'aurais aimé qu'on s'y lance totalement, à grande échelle », indique Christophe. « C'est notre caractère. Nous avions peur de tout bousculer et de nous disperser », renchérit Isabelle. Tous deux se souviennent qu'en 2007, ils avaient l'occasion d'acheter 15 ha. Finalement, ils n'en acquerront que 8. Un manque d'audace qu'ils regrettent aujourd'hui.*

« Nous n'avons pas osé. Depuis, nous avons mûri dans le métier », lâche Christophe.

Le Point de vue de

Partenariats, animations et diversification

Pour augmenter son activité de vente en bouteilles, le couple a passé un partenariat avec Des vignes aux vins en Pays foyen. Cette association regroupant 50 viticulteurs est l'interlocutrice de la grande surface Leclerc implantée à Pineuilh, en Gironde. En deux ans, Château Piconat a ainsi livré trois palettes à ce supermarché (1 800 bouteilles).

Christophe et Isabelle participent aussi à de nombreuses animations. Le week-end du 26 et 27 octobre, dans le cadre du marché d'automne d'Arcachon, le viticulteur et son épouse étaient présents chez le caviste Nicolas. Une nouvelle fois, ils ont expliqué la conduite de la vigne, le travail au chai pour atteindre des vins de qualité et leur envie de grandir à petits pas.

Christophe est en négociation avec la propriétaire à qui il vient d'acheter 15 ha de vignes. Il souhaite lui racheter le nom de son second château : l'Ombrière. Il pourrait ainsi vendre sa production en vrac sous une seconde étiquette, ce qui intéresse Grands chais de France.

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L'exploitation

Surface : 50 ha.

Appellation : AOC Bordeaux.

Densité : 3 000 à 4 000 pieds/ha.

Taille : guyot simple et double.

Production totale : 2 500 hl en 2012.

Main-d'œuvre : Christophe, gérant de l'EARL Comin-Guicheney, et son épouse Isabelle, salariée de l'EARL, en charge du commercial. Un ouvrier permanent, trois saisonniers.

L'essentiel de l'offre

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