C'est un sujet délicat et douloureux que « La Vigne » a peu abordé, sauf par le biais de statistiques : celui des accidents du travail dans les vignes. Nous avions fait ce choix par pudeur et pour ne pas être accusés de nous repaître du malheur d'autrui. Mais cette année, deux accidents mortels ont provoqué une énorme émotion, sans doute parce qu'ils ont frappé deux jeunes gens qui auraient dû connaître un tout autre destin. L'un s'est produit en début d'année à Madiran, où un viticulteur est décédé sous la force de son enrouleuse de fil de fer. L'autre a eu lieu il y a quelques semaines en Gironde, où un apprenti a glissé dans une herse rotative.
Dans les deux cas, les machines étaient en mouvement. Ces deux accidents, et d'autres tout aussi récents, nous rappellent le danger que côtoient quotidiennement tous ceux qui travaillent avec un tracteur et un outil animé par la prise de force. Un danger concret et bien réel, puisqu'il emporte plusieurs viticulteurs chaque année, comme le montrent les chiffres de la MSA. Mais un danger bien moins médiatisé que celui des produits phytosanitaires, accusés de mille maux, la plupart imaginaires. Pourquoi une telle différence de traitement ? Pourquoi accepte-t-on le risque élevé de travailler avec des machines alors que l'on repousse le faible risque lié à l'emploi de produits ? Sans doute parce qu'on repère parfaitement le premier, mais pas le second. Et que les machines menacent uniquement ceux qui s'en servent, alors que les produits, diffusés dans la nature, menacent de contaminer tout le monde. Les viticulteurs et leurs salariés montent sans hésiter sur leurs tracteurs parce qu'il faut bien enlever les fils des vieilles parcelles et qu'il faut bien travailler les sols.
Malheureusement, il arrive trop souvent que l'habitude, l'inexpérience, la fatigue, l'empressement ou la distraction l'emportent sur la prudence. On oublie alors les risques et on descend de son tracteur sans couper la prise de force ni le moteur. On s'approche trop près du danger. Trop tard. Bien qu'elles soient dramatiques, ces histoires accidentelles doivent être racontées pour inciter tous les travailleurs à la prudence. Il faut en détailler les circonstances pour que tout un chacun puisse les rapporter à son expérience, à ses conditions de travail et aux dangers qu'il côtoie. Car nous ne sommes que des fétus de paille face à la puissance et au poids des machines agricoles.