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DOSSIER - Tour des vignobles : gagnants et perdants d'une récolte compliquée

PAYS NANTAIS Retour à l'équilibre pour le Muscadet

MARTIN CAILLON - La vigne - n°260 - janvier 2014 - page 40

Après une sévère restructuration entre 2009 et 2011 et une demi-récolte en 2012, le vignoble nantais reprend espoir. L'offre et la demande tendent vers l'équilibre.

Les vignerons du Pays nantais reprennent espoir. Après une année 2012 littéralement catastrophique, 2013 s'achève sur une note plutôt positive. La récolte est de qualité et le rendement moyen est jugé assez satisfaisant. Il se situe entre 45 et 50 hl/ha pour l'ensemble des appellations du Muscadet. Cette moyenne cache toutefois de fortes disparités. Certaines exploitations ont atteint 60 hl/ha, tandis que d'autres, touchées par le gel ou la grêle, n'ont pas dépassé 30 hl/ha.

Les 80 adhérents des Vignerons de la Noëlle (700 ha de vignes) se situent parfaitement dans cette moyenne. « Nos rendements en 2013 sont compris entre 45 et 48 hl/ha, indique Xavier Chatenoud, le directeur de cette coopérative du groupe Terrena, basée à Ancenis (Loire-Atlantique). C'est beaucoup mieux qu'en 2012, année historiquement faible. Mais ça reste en deçà du rendement de l'appellation fixé à 55 hl/ha pour le muscadet générique. Les pluies au printemps et la sécheresse estivale ont diminué le potentiel de récolte. » En fin de saison, les vendanges ont été réalisées, sous la pluie, en huit à dix jours, c'est-à-dire deux fois plus rapidement que d'ordinaire, pour éviter le développement de foyers de pourriture. « Autre facteur explicatif de nos petits rendements : les vignerons n'ont pas eu les moyens de réinvestir dans le vignoble pour le maintenir dans son état normal », ajoute Xavier Chatenoud.

Les vins blancs se portent bien. Au total, les 9 000 à 9 200 ha de vignes en production en 2013 ont produit entre 420 000 et 430 000 hl, estime le Syndicat de défense des AOC du Muscadet (SDAOC), soit environ 80 à 85 % d'une récolte normale. Comparée aux 245 000 hl récoltés lors de la campagne précédente, 2013 fait donc presque figure de bonne année ! La récolte de Gros plant du Pays nantais, l'autre AOC de la région, est estimée à 40 000 hl, en hausse de plus de 25 % par rapport à la petite récolte de l'année 2012. Seul bémol à cette embellie, le rendement en IGP Val de Loire devrait être un peu plus faible que celui du Muscadet.

Les opérateurs sont unanimes : sur le plan économique, la région se porte mieux. « Le moral est meilleur qu'il y a deux ans, mais il n'est pas à l'euphorie », tempère Xavier Chatenoud. Du fait de la petite récolte 2012, les stocks enregistrés fin juillet étaient au plus bas. Ils représentaient 285 000 hl, soit un peu moins que les ventes d'une année. « Les volumes récoltés en 2013 devraient permettre de maintenir les approvisionnements auprès des clients à des prix stables. La tendance est au retour à l'équilibre du marché », note Franck Crouzet, directeur de la communication du groupe Castel Frères, négociant et premier metteur en marché de muscadet.

La contractualisation se développe. Elle représente maintenant 20 % du volume commercialisé par le négoce. Les contrats triennaux signés il y a deux ans garantissent un prix aux producteurs de 100 euros/hl en Muscadet AOC générique et de 140 euros/hl pour le Muscadet Sèvre-et-Maine sur lie. C'est un prix correct. Le cours du muscadet est porté par un marché des vins blancs qui se porte bien. « Le marché est bien orienté, observe Hervé Luneau, président des courtiers en vins du Pays nantais. Il y a une assez forte demande sur le Muscadet AOC du millésime 2013. Les premiers contrats de gré à gré ont été négociés à 110 euros/hl. Cette année, en France, la récolte des vins blancs est globalement déficitaire. Dans ce contexte, le muscadet redevient attractif. »

En grande distribution, les vins de marque progressent de 10 % en volume au détriment des marques distributeurs. La marque Roches-Linières gagne ainsi 15 % en volume. La tendance devrait se confirmer en 2014. Le marché des Bag-in-Box s'améliore également. Les bibs de 3 et 5 litres font respectivement un bond de 25 et 50 %.

Conséquence des petits volumes récoltés en 2012 : le marché à l'export des vins de Loire a reculé de 30 % en un an. « L'essentiel de cette baisse concerne les ventes de muscadet sur les marchés belges, anglais et américains. Nous continuons à payer les déséquilibres des années passées, analyse Franck Crouzet. La reconquête de ces marchés pourrait prendre deux ans. »

« Une campagne normale. » Pour Xavier Chatenoud, « le millésime 2013 permettra d'équilibrer le marché. Il n'y aura pas pléthore de vins. Le risque d'une baisse des cours comme en 2008-2009 est donc écarté. Les cours devraient rester soutenus. C'est primordial ». Lors de la dernière campagne en effet, pour faire face aux difficultés rencontrées par certains adhérents, la coopérative leur a apporté une aide à la trésorerie. Le déblocage de la réserve qualitative a en outre permis de leur redistribuer 150 000 euros.

L'optimisme est également de mise chez les Vignerons indépendants du Pays nantais. « On s'oriente vers une campagne de commercialisation normale », commente David Destoc, directeur du syndicat départemental. Pour les cent cinquante adhérents du syndicat, qui représentent un tiers des surfaces en vigne, le millésime 2013 devrait redynamiser la vente directe, qui stagnait depuis un an, faute de volumes disponibles.

110 EUROS

C'est le prix négocié de gré à gré entre producteurs et acheteurs pour un hectolitre de Muscadet AOC générique du millésime 2013 depuis sa mise sur le marché le 1er décembre.

Le Point de vue de

Emmanuel Audrain, gérant de l'EARL Audrain, 30 ha de vignes à La Haie-Fouassière (Loire-Atlantique)

« Nous pouvons fournir nos marchés mais pas reconstituer nos stocks »

Emmanuel Audrain

Emmanuel Audrain

« Notre rendement en muscadet atteint cette année 47 hl/ha. C'est encore en deçà des 55 hl/ha autorisés par l'appellation. Mais c'est mieux que l'an passé, où nous n'avions récolté que 18 hl/ha. Le millésime 2013 permettra de fournir nos marchés, mais ne suffira pas à reconstituer des stocks. Malgré cela, notre boutique tourne. Depuis trois ans, nous avons moins de rentrées du fait des petites récoltes. Mais grâce à la vente en bouteilles, on s'en sort assez bien. Car nous effectuons 70 % de nos ventes aux particuliers, directement au caveau. Nous observons une petite baisse des ventes. Les gens font des commandes moins importantes. Nous augmentons régulièrement mais modérément nos prix. Nous avons 9 ha de vignes en contrat triennal avec le négoce Castel Frères que nous livrons en moût. Ce contrat pérennise un débouché pour ces parcelles et nous assure une trésorerie régulière. Nous exportons aussi 5 % de notre production. Nous démarrons sur le marché américain. Le gros souci présent et à venir, ce sont les maladies du bois. J'ai arraché cette année 1 ha de vigne qui n'avait que vingt-trois ans. Nous n'avons pas les moyens de complanter. Et après dix ans, ça ne vaut plus la peine de le faire. Je suis convaincu qu'on aura de plus en plus de mal à produire le rendement. »

Cet article fait partie du dossier Tour des vignobles : gagnants et perdants d'une récolte compliquée

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